Épargne : elle est riche, il est sans le sou…

Par Maxime Bilodeau | 19 mars 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Économiser et investir en couple n’est pas une mince tâche, surtout si les conjoints vivent sur deux planètes financières différentes. Voici quelques trucs pour y arriver sans s’arracher les cheveux.

On dit parfois que l’argent et le couple constituent l’un des derniers tabous; Gaétan Veillette est on ne peut plus d’accord. Au cours de sa carrière, ce fellow administrateur agréé et planificateur financier à IG Gestion de patrimoine a été maintes fois témoin de situations problématiques dans la gestion des finances de conjoints. La question est tout particulièrement explosive lorsque les membres du couple ont des revenus asymétriques; une situation courante, certes, mais pour laquelle il n’existe pas de solutions universelles, explique-t-il à Conseiller.

« Il y a une grande distinction à faire entre la situation d’un couple qui entre dans le circuit économique au terme des études universitaires et celle d’un couple qui s’unit à l’âge de 40 ans, après avoir accumulé un patrimoine, assumé certaines charges et contracté des obligations. C’est au conseiller de faire l’état de la situation, d’identifier les enjeux, contraintes et occasions, puis de présenter des stratégies en matière d’épargne et de placement », souligne-t-il. Un rôle qui demande un certain doigté pour éviter que le tout ne vire à la foire d’empoigne.

Les finances représentent un motif de rupture amoureuse pour maints Canadiens, révèle d’ailleurs un récent sondage mené par Angus Reid pour Credit Canada. Près de la moitié d’entre eux (48 %) sont prêts à mettre la hache dans leur couple à cause de la mauvaise gestion de l’argent. En revanche, ils ne sont que 13 % à déclarer qu’ils termineraient une relation amoureuse en raison d’une différence de revenus avec leur partenaire.

« Si le couple existe, c’est qu’il y a plusieurs points communs qui unissent les deux membres [au-delà de l’argent] », fait remarquer Gaétan Veillette.

DE LA NÉCESSITÉ DE BALISER

Comment parvient-on à économiser avec sa douce moitié lorsque les revenus sont très différents? La réponse à cette question dépend essentiellement du statut conjugal du couple, selon David Truong, conseiller au Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859.

« Les personnes mariées sont soumises à un régime matrimonial et à un partage du patrimoine familial en cas de rupture. Chez les couples en union libre, qui ne sont pas subordonnés à une telle protection du Code civil, le portrait se complique quelque peu, surtout en cas d’unions subséquentes », relève-t-il.

Les conjoints de fait gagnent donc à établir un contrat de vie commune. Comme les bons papiers font les bons amis, celui-ci gagne à être couché par écrit, voire carrément rédigé par un juriste. Plusieurs types d’ententes peuvent être envisagés afin de couvrir les diverses facettes de la vie en couple, comme les affaires du ménage et les régimes de retraite.

Gaétan Veillette recommande en outre d’établir un pacte clair en matière de répartition des dépenses et de mise en commun de l’épargne. La rédaction d’un testament et d’un mandat de protection permet également de déterminer ce qui fait partie ou non du patrimoine commun en cas de décès ou d’invalidité.

Il va sans dire que la communication est le nerf de la guerre lors de ces discussions aux allures de négociations. « Il faut que chaque membre du couple comprenne et accepte la philosophie de l’autre en matière de gestion des affaires personnelles et communes », affirme Gaétan Veillette. Même son de cloche du côté de David Truong, qui considère que balayer ces sujets sous le tapis est la pire des choses à faire. « Le couple est fondamentalement une équipe financière. L’idéal, c’est qu’ils s’enrichissent collectivement, non pas que l’un s’appauvrisse au profit de l’autre », nuance-t-il.

RECOURIR AUX BONNES STRATÉGIES

Ce n’est qu’une fois ces balises établies que l’optimisation des aspects fiscaux est possible. Une des principales stratégies qui s’offre aux couples à revenus différents est la cotisation au REER du conjoint.

Cela permet à la personne la plus fortunée de cotiser au régime de l’autre et de réclamer une déduction correspondante dans sa propre déclaration de revenus, et ce, sans affecter les droits de cotisation de sa tendre moitié à son REER. L’avantage est double : le cotisant obtient une déduction fiscale intéressante, tandis que le destinataire construit sa propre épargne.

Lorsque son propre CELI est rempli à pleine capacité (6 000 $), le conjoint le plus fortuné gagne aussi à combler, sous forme de don, le CELI de l’autre. Ce faisant, le premier réduit son revenu, avance David Truong.

« Dans ce scénario, il n’y a pas de règles d’attribution qui s’appliquent, étant donné que l’épargne générée par le CELI est, par définition, libre d’impôt », spécifie-t-il.

Une autre méthode est celle du prêt à taux prescrit pour les comptes non enregistrés. Cela consiste, pour le conjoint le plus fortuné, à prêter (et non donner) des sommes à l’autre à un taux d’intérêt prescrit fixé par la loi (actuellement de 2 %). Ainsi, le conjoint le moins aisé peut investir ces sommes sur les marchés, à condition bien sûr de payer les intérêts chaque année.

« Cette stratégie est avantageuse quand les régimes d’épargne enregistrés des deux conjoints sont maximisés. Aussi, il est impératif de tout documenter, sous forme de convention de prêt », indique David Truong. Sinon, gare au fisc, une autre source de discorde au sein des couples!

Maxime Bilodeau