Est-ce le retour de la création destructrice?

Par La rédaction | 7 août 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : iStockphoto / MarioGuti

Lorsqu’une crise frappe, les banques centrales abaissent leurs taux près de zéro et achètent massivement des titres financiers, afin que l’économie et les marchés gardent la tête hors de l’eau. La recette est bien connue, mais est-ce la bonne?

C’est la question que posaient récemment dans les pages du Financial Post le consultant Max Seltzer et Matthew Lombardi, fellow de l’Institut canadien des affaires mondiales (ICAM). L’ICAM est un groupe de réflexion de droite très influent au pays, qui a été vivement critiqué pour l’appui de plusieurs de ses membres à la vente de véhicules blindés canadiens à l’Arabie Saoudite.

TUER L’ESPRIT D’INITIATIVE

Les deux analystes admettent sans hésitation que l’intervention des banques centrales pendant et après la crise financière de 2008 a permis d’éviter une nouvelle Grande Dépression. Toutefois, elle a aussi assuré la survie de plusieurs compagnies qui ne le méritaient pas. Cela aurait ralenti l’émergence de nouvelles entreprises et d’idées novatrices, nécessaires pour générer le retour d’une véritable croissance économique. La stratégie des banques centrales aurait ainsi ralenti la croissance des PIB, des salaires et de la productivité.

L’épidémie de COVID-19 a relancé les interventions des banques centrales, notamment de la Réserve fédérale américaine (FED), encore une fois pour sauver des entreprises et maintenir les marchés financiers à flots. Les deux experts croient que cela offrira sur un plateau d’argent des subsides à des entreprises à peine rentables en temps normal et augmentera la dépendance envers les programmes de stimulation économique publics. Cela réduirait l’esprit entrepreneurial.

DANGER DE STAGNATION

Les deux analystes en appellent à la fin du soutien qu’ils jugent exagéré des banques centrales et au retour de la régulation naturelle du marché. Une véritable nostalgie de la destruction créatrice. Associée à l’économiste Joseph Schumpeter (1883-1950), ce concept fait de l’innovation des entrepreneurs la force motrice de la croissance économique à long terme. Ces innovations peuvent, à court terme, signifier la fin pour plusieurs entreprises, voire pour des industries au complet, mais serviraient à régénérer le système économique. 

Séduisante à première vue, la théorie a été critiquée en raison du peu de place qu’elle laisse aux facteurs sociaux, qui ont une incidence sur l’économie réelle. Par exemple, si l’État laissait mourir les banques, l’économie réelle risquerait de s’écrouler. De la même manière, les innovations reposent souvent sur de nouvelles technologies qui créent moins d’emplois, ce qui nuit aux salariés consommateurs, avec des conséquences économiques à long terme. 

Max Seltzer et Matthew Lombardi estiment tout de même que l’on devrait laisser l’espace aux entreprises qui s’adaptent à la situation causée par la COVID-19 et aux entrepreneurs qui y voient des opportunités économiques, plutôt que de porter ce qu’ils perçoivent comme « l’ancienne » économie à bout de bras. 

Selon eux, dans le cas contraire, nous aurons droit à une autre décennie de faible croissance et de stagnation des salaires et de la productivité. L’avenir leur donnera-t-il raison?

La rédaction