Gare aux arnaques sur le Libra!

Par La rédaction | 23 juillet 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : inkdrop / 123RF

La monnaie électronique que Facebook a prévu lancer l’an prochain attire déjà les arnaqueurs en tous genres sur le Web, rapporte Le Figaro dans son édition de mardi.

Alors que la monnaie numérique mondiale qu’est en train d’élaborer le géant américain ne devrait pas voir le jour, dans le meilleur des cas, avant le milieu de l’an prochain, des dizaines de faux comptes, pages et groupes se présentant sur Internet et les réseaux sociaux comme des plateformes officielles de prévente et d’achat de Libras se multiplient depuis quelques jours.

Estimant qu’il s’agit là d’une « mauvaise publicité dont Facebook et ses partenaires se seraient bien passés », le quotidien français reprend des informations du Washington Post selon lesquelles les plateformes Facebook et Instagram abriteraient aussi de faux comptes et de fausses pages.

Arborant le logo du réseau social et des photos de son PDG, Mark Zuckerberg, ces comptes seraient suivis en toute bonne foi par de nombreux internautes… ce qui a poussé des escrocs en quête d’un bon filon à investir Twitter, YouTube et d’autres plateformes.

LES PRÉOCCUPATIONS DES RÉGULATEURS

Face à la multiplication de faux sites, le réseau social en ligne a contre-attaqué en assurant, dans un communiqué, avoir retiré de la circulation « des publicités et pages violant ses politiques lorsqu’il a pris connaissance de leur existence ». « Nous nous employons à améliorer les moyens de détecter des arnaques sur nos plateformes », a-t-il également souligné.

Le Figaro note toutefois que certaines publicités échappent à la juridiction du géant américain. C’est le cas, par exemple, du site buylibracoins.com, qui propose de préacheter des Libras par l’entremise de cryptomonnaies, comme le bitcoin et l’Ethereum, ou tout simplement en utilisant une carte de crédit.

« Le site est soigné dans son graphisme et son design. Il reprend parfaitement le logo et la typographie [de Facebook], propose un lien vers le vrai « livre blanc » publié par Facebook en juin dernier pour présenter son projet, ainsi que la vraie adresse de l’association Libra à Genève », détaille Le Figaro.

La semaine dernière, rappelle le journal français, le PDG de Calibra, la nouvelle filiale de Facebook spécialisée dans les services financiers, s’était pourtant voulu rassurant lorsqu’il avait pris la parole devant deux commissions au Sénat et à la Chambre des représentants. Face aux inquiétudes exprimées par plusieurs banquiers centraux, notamment, le dirigeant avait répété des dizaines de fois que le Libra ne serait pas lancé tant que le projet n’aura pas répondu à toutes les préoccupations des régulateurs.

« UN COUP DUR POUR FACEBOOK »

L’apparition de ces faux comptes autour du Libra avant même son lancement constitue « un coup dur » pour Facebook, estime pour sa part l’Agence France-Presse. En effet, celle-ci survient « au moment où le réseau social fait face à un tir de barrage de politiques et de régulateurs à travers le monde, qui jugent que cette devise représente une menace pour le système financier mondial ».

Le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a ainsi récemment déclaré que le réseau social serait soumis à « des normes de sécurité très élevées » avant de pouvoir participer à tout système de paiement. De leur côté, les ministres des Finances du G7 ont également exprimé la semaine dernière leur inquiétude. Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a par exemple affirmé que les conditions n’étaient pas réunies pour que le Libra se mette aujourd’hui en place.

« LA MONNAIE DE FACEBOOK VA ÉCHOUER »

L’un des économistes français les plus connus dans l’Hexagone, Michel Aglietta, est catégorique : le Libra sera un échec, rapporte Challenges. Selon ce professeur émérite à l’Université de Paris-Nanterre et conseiller scientifique au Centre d’études prospectives et d’informations internationales, l’avenir de la monnaie numérique passe en effet par les banques centrales.

Interrogé sur le fait de savoir si le projet de monnaie universelle de Facebook constituait ou pas « une révolution dans l’histoire monétaire », l’économiste répond par la négative. « Le Libra prétend être une e-monnaie parfaitement convertible en unités de compte officielles, ce qui la distingue radicalement des cryptomonnaies de type bitcoin. Si elle était nationale et si son émetteur respectait les mêmes règles que les banques, il n’y aurait pas de problème majeur. Le danger est qu’elle se prétend universelle et que son émetteur envisage de s’affranchir des règles publiques qui légitiment la monnaie. »

PAS DE MONNAIE SANS SOUTIEN DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

Estimant qu’« il faut inscrire cette initiative (…) dans une histoire multimillénaire qui a vu s’affirmer deux caractéristiques fortes permettant de définir la monnaie », Michel Aglietta rappelle que cette dernière est d’abord un bien public : « Il n’y a pas de monnaie sans soutien de la puissance publique. Elle est ensuite un système de paiement. Le réseau doit être solide, tous les maillons, même le plus faible, doivent pouvoir tenir », insiste-t-il. L’économiste ajoute que l’impact des nouvelles technologies dans les systèmes de paiement est « considérable ».

Toutefois, souligne-t-il, « ce n’est pas la première fois qu’une révolution technologique a un impact sur la monnaie ».

« La frappe de monnaie avec effigie du souverain, qui a marqué l’Antiquité, a par exemple remplacé la pesée du métal. (…) La propagation de la monnaie électronique depuis les années 1990 a, de la même manière, permis de considérablement accélérer et simplifier les échanges sans remettre en cause les règles des systèmes monétaires contemporains. Mais cette évolution va de pair avec le maintien d’un système unifié dans lequel chacun a confiance. Un système bancaire avec des dépôts garantis par les banques centrales a ainsi été mis en place depuis environ deux siècles. Ce modèle est toujours de mise. »

La rédaction