La BdC étudie un projet de monnaie numérique

Par La rédaction | 21 octobre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Hyejin Kang / 123RF

La Banque du Canada (BdC) envisage de lancer une monnaie numérique pour l’aider à mieux combattre la « menace » que constituent les cryptomonnaies tout en recueillant un maximum de données sur la façon dont les particuliers dépensent leur argent, rapporte le site web The Logic.

Dans une enquête publiée la semaine dernière, le site, qui s’est fixé pour mission d’« aider à bâtir l’avenir de l’économie de l’innovation » au pays, précise que cette information provient d’un rapport de travail rédigé entre 2017 et 2018 par Stephen Murchison, un conseiller du gouverneur Stephen Poloz.

Préparé à l’intention de ce dernier et du conseil d’administration de l’institution fédérale, ce document s’intitule Central Bank Money: The Next Generation et a été obtenu par The Logic dans le cadre d’une demande d’accès à l’information. Il indiquerait que l’éventuelle future monnaie numérique serait « largement disponible » et que, dans un premier temps, elle coexisterait avec les espèces actuellement en circulation avant de les remplacer complètement à plus ou moins long terme.

UN RISQUE DE FINANCEMENT D’ACTIVITÉS ILLÉGALES?

« Nous devons innover si nous voulons rester dans la course », peut-on lire dans la présentation du rapport. Il y est également indiqué qu’une monnaie numérique offrirait « tous les avantages » d’un actif garanti par une banque centrale, de même que « toute la commodité et la sécurité des paiements électroniques sans fil ». Au total, plus d’une douzaine d’avantages pour l’institution qui lancerait sa propre monnaie numérique sont ainsi énumérés. Toutefois, ajoute le rédacteur de la note, une future monnaie numérique « présentera aussi un risque pour le financement stable et à faible coût des banques de dépôts ».

Celui-ci laisse par ailleurs entendre que cette monnaie virtuelle pourrait être assortie de la possibilité de payer des intérêts sur les soldes et de recueillir davantage de renseignements sur les habitudes d’achat des consommateurs d’un océan à l’autre que lorsqu’ils utilisent de l’argent comptant. « Les détails personnels ne seront pas communiqués au bénéficiaire, mais pourraient l’être à la police ou aux autorités fiscales », mentionne ensuite la présentation.

Interrogée par The Logic, une porte-parole de la banque centrale a refusé de commenter en détail le rapport, se bornant à indiquer, dans un courriel, que l’institution fédérale n’avait à ce jour pas décidé si elle allait ou non lancer une monnaie numérique. Elle a ajouté que la question du partage de l’information avec la police et les autorités fiscales figurait « parmi les nombreux aspects du dossier qui continuent d’être évalués par les chercheurs de la banque centrale ». La porte-parole a néanmoins admis que l’éventuelle mise sur pied d’une monnaie numérique comportait un plus grand nombre d’inconvénients ou de risques que ceux mentionnés dans le rapport de travail. Par exemple en termes de réputation de la BdC au cas où elle émettrait une devise électronique qui ne serait pas largement utilisée, ou qui le serait mais pour financer des activités illégales.

MONTÉE EN PUISSANCES DES CRYPTOMONNAIES DANS LE MONDE

Selon The Logic, le document de travail évoque deux options de déploiement d’une monnaie numérique : la monnaie à jeton (token-based) et celle basée sur un compte (account-based). Mais dans les deux cas, il mettrait en garde contre le risque que les billets de banque actuels ne deviennent obsolètes en tant que moyen de paiement, ce qui risquerait de déstabiliser l’ensemble du système bancaire : « À un moment donné, les commerçants et les banques pourraient trouver qu’il est trop coûteux d’accepter des billets et [si cela se produisait] les Canadiens ordinaires perdraient alors l’accès à la monnaie de la banque centrale. » Le rapport estime toutefois qu’une telle situation n’affecterait pas la capacité de la banque centrale à mener la politique monétaire de son choix ni à agir en tant que prêteur de dernier recours.

Malgré tout, insiste le document, l’ensemble de ces fonctions pourraient être remises en cause par la montée en puissance des cryptomonnaies, qui pourraient « menacer directement notre capacité à mettre en œuvre la politique monétaire et notre rôle de prêteur de dernier recours ». Pour appuyer cette théorie, l’auteur du rapport rappelle que l’utilisation des monnaies virtuelles est en plein essor un peu partout dans le monde, y compris au pays. Une étude réalisée en juillet 2018 par la BdC a ainsi révélé que 5 % des Canadiens possédaient des bitcoins, comparativement à seulement à 2,9 % l’année précédente.

Le rapport relève enfin que le Canada est loin d’être le seul pays à s’intéresser à la création éventuelle d’une monnaie numérique, même si la Chine semble en tête dans ce domaine puisqu’elle s’apprêterait à lancer sa propre monnaie virtuelle, avec l’intention de la mettre en circulation dès la fin de cette année ou au début de l’an prochain. Sans parler de Facebook, qui entend révolutionner les paiements avec sa libra.

La rédaction