La crédibilité de Mark Carney questionnée

Par La Presse Canadienne | 12 octobre 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : By World Economic Forum from Cologny, Switzerland

La crédibilité de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada (BdC), Mark Carney, en tant que leader mondial du financement du climat, est remise en question par des groupes de pression environnementaux qui affirment qu’il permet à certaines des plus grandes banques du monde de l’utiliser comme couverture pour continuer à financer les combustibles fossiles.

On s’attend à ce que Mark Carney se présente sous la bannière libérale lors d’une prochaine élection fédérale et il a fait campagne pour certains candidats libéraux lors de l’élection qui s’est terminée le mois dernier. Mark Carney a refusé de se présenter lors de cette dernière campagne électorale en raison de son engagement antérieur en tant qu’envoyé spécial des Nations unies pour l’action et le financement en matière de climat.

Dans le cadre de ce rôle, il préside également la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), dont l’objectif est d’amener les plus grandes institutions financières du monde entier à s’engager et à montrer la voie vers zéro émission nette d’ici 2050.

L’alliance est appelée à jouer un rôle essentiel lors des négociations sur le climat à l’ONU le mois prochain, la COP26, où l’accent sera mis sur la recherche de fonds pour financer les promesses climatiques afin de parvenir aux réductions nécessaires des émissions de gaz à effet de serre.

Une coalition de plus de 90 groupes environnementaux canadiens et internationaux a publié des annonces jeudi dans le Toronto Star et le Financial Times pour demander à Mark Carney de renforcer les conditions d’adhésion à cette alliance.

« Bien que nous applaudissions votre rôle dans l’établissement de cadres pour aider à rendre le système financier plus écologique, trop de banques signataires et d’autres institutions financières utilisent les promesses de GFANZ et de zéro émission nette comme des promesses vides sans actions significatives ni responsabilité claire », dit la publication dans une lettre imprimée accompagnée d’une photo géante de Mark Carney superposée sur un fond d’eaux en crue, de cheminées de fumée et d’un ciel teinté en orange par des feux de forêt.

Le bureau de Mark Carney n’a pas répondu immédiatement à une demande de commentaires.

Richard Brooks, directeur de la finance climatique chez Stand.earth, a déclaré que l’adhésion à l’alliance est accordée sur la base de promesses faites par les banques et autres institutions financières de fixer des objectifs d’investissement dans des projets d’énergie verte et de désinvestissement des combustibles fossiles, mais qu’il n’y a pas d’exigence immédiate de suivi.

Le seuil fixé est en grande partie le suivant : « Rejoignez le club, puis, à un moment donné, nous vous demanderons de prendre d’autres engagements sur la manière dont vous allez modifier vos pratiques pour parvenir à zéro émission nette d’ici 2050 », a déclaré Richard Brooks.

Selon M. Brooks, les données scientifiques montrent clairement que l’on ne peut pas reporter l’action à plus tard. Il a déclaré que les conditions d’adhésion devraient être renforcées afin que toute institution financière impliquée s’engage à cesser complètement de financer toutes les entreprises de combustibles fossiles et à réduire de moitié les émissions produites par les investissements qu’elle réalise d’ici 2030.

Il a ajouté que les institutions qui n’atteignent pas ces objectifs devraient être mises à la porte immédiatement afin qu’elles ne puissent pas utiliser leur adhésion comme « couverture verte » pendant qu’elles extraient chaque goutte de profit du secteur des combustibles fossiles.

« Nous avons passé trop d’années, de décennies, à parler et à parler, mais pas assez à agir, et il est vraiment temps d’interpeller les gens sur leurs paroles et de les forcer à agir », a déclaré Richard Brooks.

Une déclaration de la coalition à l’origine des publications interpellant Mark Carney indique que la plupart des membres de l’alliance n’ont fourni aucun détail sur la manière dont ils comptent réduire leurs investissements dans les combustibles fossiles et n’ont pas d’objectifs à court terme pour réduire eux-mêmes les émissions.

Ils affirment également que de nombreux membres de l’alliance figurent toujours parmi les plus grands bailleurs de fonds des combustibles fossiles et que certains ont même accordé de nouveaux financements aux infrastructures de combustibles fossiles depuis qu’ils ont rejoint l’alliance.

C’est le cas de Brookfield Infrastructure qui, au cours de l’été, a concrétisé son projet de rachat d’Inter Pipeline, le plus grand transporteur de bitume issu des sables bitumineux en Alberta.

Selon l’ONU, plus de 160 sociétés financières ont adhéré à l’alliance, mais très peu sont canadiennes. Il n’y a aucune banque canadienne parmi les 43 membres bancaires, et seulement une poignée de propriétaires et de gestionnaires d’actifs, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec.

La Presse Canadienne