La prochaine crise ne sera pas due au secteur bancaire

Par La rédaction | 24 juillet 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Hommes d'affaires se tenant en équilibre précaire sur une courbe de rendement affichant une forte baisse.
Photo : alphaspirit / 123RF

Le déclencheur d’une nouvelle crise financière ne sera plus le secteur bancaire classique, comme cela a été le cas en 2007-2008. Toutefois, il existe aujourd’hui d’autres risques, estiment deux analystes belges.

Karel Van Eetvelt, PDG de Febelfin, une organisation représentant l’ensemble du secteur financier belge, et Urbain Vandeurzen, président du fonds d’investissement Smile Invest, basé en Belgique et aux Pays-Bas, affirment en effet qu’un tel événement pourrait se reproduire, même si les choses se présenteraient alors sans doute sous une autre forme.

« La cause sous-jacente à la catastrophe de 2007-2008 a été un excès de dettes, et plus précisément la dette hypothécaire pour le financement de l’achat de logements aux États-Unis », rappelle d’entrée Urbain Vandeurzen dans un article publié par le site belge d’information économique Trends-Tendances.

Or, souligne-t-il, la dette publique dans le monde entier a doublé depuis. Quant à celle des entreprises, elle a plus que doublé, spécialement dans les régions en croissance, comme la Chine, où les sociétés cumulent une dette totale qui, fin 2017, s’élevait à 161 % du produit national brut du pays, soit l’un des taux d’endettement les plus élevés au monde.

DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES PLUS RÉSILIENTES

« Malheureusement, l’économie n’a pas multiplié sa croissance par deux durant cette période, constate de son côté Karel Van Eetvelt. Les pouvoirs publics et les entreprises empruntent beaucoup, car le crédit est particulièrement bon marché. Et aussi parce que les banques centrales injectent massivement de l’argent dans l’économie, via l’achat d’obligations d’État, et qu’elles maintiennent les taux d’intérêt à long terme à un niveau bas. »

Résultat, poursuit le dirigeant, le monde financier bat chaque année des records en matière d’octroi de crédits à des particuliers et à des compagnies, ce qui génère parfois une augmentation du risque dans les dossiers de crédit.

Selon le PDG de Febelfin, le déclencheur d’une nouvelle crise ne sera en tout cas plus le secteur bancaire classique, car les institutions financières sont aujourd’hui « bien mieux armées sur le plan technico-financier » qu’il y a une dizaine d’années et qu’« elles font tout pour éviter une nouvelle crise ».

« Toutes les banques ont augmenté leur fonds de roulement et leurs réserves au cours des dernières années. Les autorités (inter)nationales ont créé un cadre réglementaire strict pour ne pas laisser le monde financier s’emballer dans une nouvelle folie. L’exposition de crédit des banques face à la dette dans d’autres pays [dette transfrontalière] a également diminué de 40 % », expose Karel Van Eetvelt. Le problème, ajoute-t-il, c’est qu’il existe de nouveaux risques, en particulier celui de la cybercriminalité et de la protection des données des clients. Des dossiers complexes à gérer quand on sait, par exemple, que la récente Directive sur les services de paiement (PSD2) européenne oblige les banques à rendre ces informations (y compris lorsqu’elles sont sécurisées) plus facilement accessibles pour de nouveaux acteurs dans l’industrie.

L’ÉVOLUTION EN COURS EST « PASSIONNANTE »

« Dans le monde entier, des reprises et des fusions donnent naissance à d’énormes entreprises de technologies de l’information et de la communication spécialisées dans le développement de logiciels pour le back-office des banques », relève Urbain Vandeurzen. Le patron de Smile Invest note à ce sujet qu’aux États-Unis, la société Fidelity Information Services, qui fournit des systèmes de paiement à 14 000 banques, a repris, pour 35 milliards de dollars, la compagnie britannique Worldpay, acteur de poids en matière de cartes de paiement. « La taille est importante dans le secteur fintech, et c’est bien entendu dans le back-office des banques que vous pouvez découvrir quels clients achètent quoi et quand », souligne-t-il.

Karel Van Eetvelt se demande enfin si les banques telles que nous les connaissons aujourd’hui continueront d’exister au cours des prochaines années, ou bien si l’on assistera à la naissance d’« un nouveau type de sociétés financières ». S’il se garde d’apporter une réponse précise, le dirigeant assure toutefois qu’il est important d’« identifier les risques » et de « préparer les banques à diverses évolutions ». « Côté coulisses, les établissements bancaires doivent partager leurs données avec d’autres acteurs et, côté scène, les fintechs développent, généralement en partenariat avec les banques, des applis pour améliorer la facilité d’utilisation pour les clients », résume-t-il.

« Le modèle de bénéfice est lui aussi sous pression, poursuit le PDG de Febelfin. La proposition d’applis de paiement modernes et l’offre de base aux clients sont déficitaires pour les banques. Celles-ci doivent donc tirer leur bénéfice d’autres services, comme l’octroi de crédits, la gestion de patrimoine et la banque d’investissement. De nombreuses banques développent d’ailleurs déjà des applications qui sortent du cadre strictement bancaire. » Sa conclusion? L’évolution en cours est « passionnante ».

La rédaction