La récession approche? Pas si vite

Par Christine Bouthillier | 25 novembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Même si les rumeurs de récession se font persistantes, rien ne laisse croire qu’elle est à nos portes. Comment investir dans une telle incertitude? La réponse d’une impressionnante brochette de spécialistes.

« Il y aura toujours des risques. Quand l’un est réglé, un autre survient… Il faut mettre les distractions de côté et se concentrer sur les choses plus importantes. […] Le marché continue à croître, on ne peut pas simplement attendre sur la ligne de côté qu’une baisse survienne pour y entrer », a rappelé Martin Lefebvre, vice-président, stratège et chef des placements à la Financière Banque Nationale, lors d’un panel au Forum économique des FNB BMO, tenu jeudi.

Pour lui, la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis est cependant devenue davantage qu’une distraction. La politique et l’économie sont plus que jamais interreliées, acquiesce Jennifer Lee, économiste principale et directrice générale, Marchés des capitaux, à BMO Marchés des capitaux.

La procédure de destitution contre le président américain, le gouvernement minoritaire au Canada, la faiblesse de la coalition à la tête de l’Espagne, toute cette incertitude est mauvaise pour la croissance mondiale, indique-t-elle. Le marché des actions y est sensible.

Si elle ne prévoit pas de récession à court terme, elle indique qu’une fin abrupte du dialogue entre la Chine et les États-Unis pourrait mettre le feu aux poudres.

« Mais si cette récession survient, elle sera sans doute plus courte que d’habitude, car l’économie américaine va relativement bien : le marché de l’habitation est en croissance, celui de l’emploi est stable et cela donne confiance aux consommateurs », souligne Mme Lee.

Devant des poussées isolationnistes, se tourner vers des titres de haute qualité est tout indiqué, mentionne Alfred Lee, directeur général, directeur de portefeuille et stratège en placement à FNB BMO. Cela vaut pour les politiques de Donald Trump, mais aussi le Brexit.

« Les grandes entreprises de haute qualité sont souvent établies à l’échelle mondiale. Elles sont donc moins sensibles aux économies d’un pays particulier », indique-t-il.

PAS TOUT DE SUITE LA FIN

Si nous nous dirigeons tranquillement vers la fin d’un cycle économique, nous n’y sommes pas encore, soutient Jennifer Lee. La courbe des taux de rendement des obligations n’est plus inversée et les banques centrales continuent à acheter ces titres, ce qui estompe le mouvement.

« Il y a habituellement un choc, un imprévu qui mène à la récession. Là, il n’y en a pas. L’inflation augmente aussi en fin de cycle, mais ce n’est pas le cas actuellement. Le marché reste mené par le secteur de la technologie et les titres plus sûrs, comme ceux des banques, ne se comportent pas comme lorsqu’une récession approche », indique M. Lefebvre.

Royce Mendes, directeur en chef et économiste principal à Valeurs mobilières Marchés des capitaux CIBC, estime même que l’on n’en est qu’au milieu du cycle économique, causé par les baisses de taux des banques centrales. Il ne voit pas pourquoi une récession surviendrait prochainement.

« La consommation constitue 70 % de l’économie américaine. L’épargne des citoyens est élevée, leur endettement demeure bas », signale-t-il.

Reste que la volatilité n’est pas près de cesser de sitôt. C’est pourquoi il pourrait être judicieux de conserver des liquidités dans les portefeuilles, conseille Chris Dutton, directeur, Recherche sur les actions, à Valeurs mobilières TD.

« On ne gagne pas vraiment plus avec une obligation 10 ans, fait-il remarquer. Les liquidités diminuent la volatilité générale d’un portefeuille et permettent une certaine flexibilité. On veut en avoir pour acheter des titres rapidement si une occasion se présente. »

On peut aussi se diriger vers les FNB d’actions américaines à faible volatilité , soutient Alfred Lee. Ou encore vers des FNB d’obligations à très court terme, ajoute Andres Rincon, directeur, Stratégie de FNB et de produits dérivés sur actions, à Valeurs mobilières TD.

« Les liquidités ne donnent pas de rendement, alors mieux vaut se tourner vers des FNB qui permettent une gestion similaire aux liquidités », explique-t-il.

DES TAUX NÉGATIFS?

Tous les experts présents s’entendaient pour dire qu’il ne devrait pas y avoir de baisses des taux d’intérêt en 2020, tant au Canada qu’aux États-Unis. La Banque du Canada devrait cependant diminuer son taux directeur lors de son annonce du 4 décembre prochain, estime M. Mendes. Jennifer Lee, quant à elle, croit que rien ne bougera d’ici la fin de l’année.

Même s’ils resteront bas, pas question de s’aventurer sur le terrain des taux négatifs comme l’ont fait le Japon et l’Europe, lance Martin Lefebvre.

« Les taux négatifs n’ont pas eu l’effet escompté. Les gens en ont profité pour épargner au lieu de dépenser. Ici, on a les moyens de stimuler l’économie autrement, notamment par des incitatifs fiscaux », déclare Royce Mendes.

Aux États-Unis, on ne risque pas de revoir des bons du Trésor 10 ans à 3 % d’intérêt, estime-t-il, prévoyant un seuil maximal de 2 %. Quoiqu’avec la hausse des salaires chez nos voisins du Sud, il est possible que l’inflation augmente, ce qui pourrait se refléter sur le rendement des titres à revenu fixe, sans que la Fed n’intervienne.

« Nous avons vécu 30 ans de baisses de taux d’intérêt. Se diriger vers [les FNB d’obligations totales] serait judicieux, car ils ont toujours donné un rendement régulier étant donné qu’ils sont très diversifiés », mentionne Alfred Lee.

Bref, les investisseurs qui donnent dans l’« écono-anxiété » peuvent dormir sur leurs deux oreilles… pour le moment.

Christine Bouthillier

Titulaire d’un baccalauréat en science politique et d’une maîtrise en communication de l’Université du Québec à Montréal, Christine Bouthillier est journaliste depuis 2007. Elle a débuté sa carrière dans différents hebdomadaires de la Montérégie comme journaliste, puis comme rédactrice en chef. Elle a ensuite fait le saut du côté des quotidiens. Elle a ainsi été journaliste au Journal de Montréal et directrice adjointe à l’information du journal 24 Heures. Elle travaille à Conseiller depuis 2014. Elle y est entrée comme rédactrice en chef adjointe au web, puis est devenue directrice principale de contenu de la marque (web et papier) en 2017, poste qu’elle occupe encore aujourd’hui.