Une réforme des FPI n’est pas exclue

Par Rudy Mezzetta | 27 avril 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture

Selon certains observateurs de l’industrie, il est peu probable que l’examen prévu par le gouvernement fédéral du traitement fiscal des fiducies de placement immobilier (FPI) et d’autres grandes sociétés propriétaires de biens immobiliers résidentiels atténue le problème de l’abordabilité du logement au Canada.

« Le logement est vraiment une question d’offre et de demande, assure Armando Minicucci, associé en fiscalité chez Grant Thornton LLP à Toronto. S’en prendre à un type spécifique de contribuable est plutôt curieux. »

« Cibler les FPI ou les « grandes entreprises » avec de nouveaux impôts ou d’autres réglementations pourrait en fin de compte avoir l’effet inverse [de celui recherché par le gouvernement] en réduisant encore plus l’offre nouvelle et en augmentant les prix des logements au Canada », selon un rapport rédigé par des gestionnaires de portefeuilles de titres à revenu variable de Dynamic Funds à la suite du budget fédéral.

Selon les auteurs du rapport, les problèmes d’accessibilité au logement au Canada sont dus à un trop grand nombre d’obstacles réglementaires à la construction de nouveaux logements et à une coordination insuffisante entre les différents niveaux de gouvernement pour faire en sorte que l’offre de logements suive la croissance démographique.

Toutefois, Ricardo Tranjan, chercheur principal au Centre canadien de politiques alternatives à Ottawa, a qualifié de « fallacieuse » l’idée selon laquelle l’offre seule est à l’origine de l’augmentation spectaculaire du coût des logements.

« Il y a trop de spéculation sur le marché, il y a trop de gens qui flippent des maisons et il y a trop de gens qui utilisent le logement comme un actif financier », estime Ricardo Tranjan.

Dans le budget fédéral de 2022, le gouvernement libéral a proposé plusieurs changements pour freiner la spéculation des investisseurs, notamment en introduisant une règle anti-flip pour les maisons détenues depuis moins de 12 mois et une interdiction de deux ans pour les acheteurs étrangers de propriétés résidentielles au Canada.

Le gouvernement a également déclaré qu’il procéderait à un examen du « logement en tant que catégorie d’actifs afin de mieux comprendre le rôle des grandes entreprises sur le marché », en invoquant la crainte que la « concentration de la propriété dans le logement résidentiel » n’entraîne une hausse des loyers et des prix des maisons. La révision proposée « comprendrait l’examen d’un certain nombre d’options et d’outils, y compris des modifications potentielles du traitement fiscal des grandes entreprises qui investissent dans l’immobilier résidentiel ».

Bien que le gouvernement n’ait pas mentionné spécifiquement les FPI, elles pourraient néanmoins faire partie de l’examen. « Le terme « grandes sociétés » utilisé dans le budget est une référence générique aux grands investisseurs, quel que soit leur statut juridique », a affirmé un fonctionnaire du ministère des Finances à Advisor’s Edge.

Les détails de l’examen « seront publiés plus tard cette année, et les premières mesures éventuelles seront annoncées avant la fin de l’année », promet le gouvernement dans le budget.

Les libéraux ont mentionné les FPI pour la première fois dans leur programme électoral de 2021, affirmant que « les grandes sociétés propriétaires de propriétés résidentielles comme les FPI amassent des portefeuilles de plus en plus importants de logements locatifs canadiens, ce qui rend votre loyer plus cher ».

Le gouvernement a réitéré son intention de revoir, et éventuellement de réformer, l’imposition des FPI dans les lettres de mandat du premier ministre aux ministres des Finances et du Logement publiées en décembre. Dans l’accord « d’approvisionnement et de confiance » signé avec le Nouveau Parti Démocratique le mois dernier, les libéraux ont promis de « s’attaquer à la financiarisation du marché du logement d’ici la fin de 2023 ».

Les FPI permettent aux investisseurs de mettre en commun leurs ressources pour investir dans l’immobilier, qui peut comprendre des portefeuilles de propriétés commerciales, industrielles, résidentielles et autres. Les FPI ne sont pas imposées sur les revenus et les gains générés par la fiducie, mais les distribuent aux détenteurs de parts.

Lorsqu’une partie de la distribution d’une FPI est un remboursement de capital, elle n’est pas immédiatement imposable pour l’investisseur – bien qu’une telle distribution réduise le prix de base rajusté de l’investissement et augmente le gain en capital éventuel (ou réduise la perte en capital) lors de la vente de l’investissement.

Le gouvernement n’a pas précisé les aspects du traitement fiscal des FPI qu’il juge inquiétants.

Selon Elliot Hughes, conseiller principal chez Summa Strategies Canada, l’examen du gouvernement lui donne la possibilité de faire « des recommandations qui pourraient affecter différentes parties du marché de différentes manières ».

« Je considérerais que toutes les options sont sur la table », ajoute celui qui a été directeur adjoint de la politique fiscale sous l’ancien ministre des Finances Bill Morneau.

Ricardo Tranjan croit que le gouvernement utilisera l’examen pour définir plus clairement les objectifs de la politique. Il a qualifié de « fruit mûr » la règle anti-flip proposée et l’interdiction de la propriété étrangère. En même temps, l’introduction d’un examen des grandes entreprises est une reconnaissance de la part du gouvernement qu’il doit prendre des mesures plus substantielles pour s’attaquer à l’accessibilité au logement, avance-t-il.

« Les FPI ne construisent pas ; elles n’ajoutent pas d’offre », souligne Ricardo Tranjan. Au lieu de cela, « elles achètent l’offre existante et la repositionnent » par le biais de rénovations et de loyers plus élevés.

Mais les auteurs du rapport, Dynamic Funds, font valoir que « les FPI résidentielles fournissent des logements bien entretenus à des loyers abordables » et améliorent l’empreinte environnementale d’un immeuble d’appartements par des mises à niveau nécessaires. Certaines FPI construisent même de nouveaux logements, assurent-ils, et toute taxe sur les grandes entreprises « inciterait probablement les capitaux à quitter le secteur ».

Bien que les auteurs restent surpondérés sur les FPI résidentielles, sur la base de ce qu’ils considèrent comme de solides fondamentaux économiques sous-jacents, l’examen du gouvernement pèsera sur le secteur jusqu’à ce qu’il soit terminé, ont-ils dit.

Armando Minicucci a déclaré à ses clients préoccupés par l’examen de « ne pas bouger », ajoutant qu’« il n’y avait pas vraiment de planification préalable pour faire face aux changements prévus ».

Les auteurs du rapport Dynamic Funds pensent que le gouvernement s’attachera en fin de compte à limiter la capacité des grandes entreprises propriétaires à effectuer des « rénovations », c’est-à-dire à expulser les locataires, à effectuer des rénovations et à augmenter le loyer. Modifier le traitement fiscal des FPI serait difficile et ne générerait que des recettes minimes, selon eux. « Les FPI n’ont pas tendance à réaliser beaucoup de bénéfices comptables en raison de la protection fiscale contre la dépréciation que procure la possession d’actifs matériels. »

Ricardo Tranjan pense également que les gouvernements à tous les niveaux se concentreront probablement sur la protection des locataires.

« Il y a toujours l’absence de contrôles des logements vacants et des contrôles des loyers très imparfaits, dans les provinces où ils existent », commente-t-il. La résolution de ces problèmes nécessite « un ensemble différent de politiques qui devront être complémentaires à toute politique visant à freiner la financiarisation ».