Charles Émond suscite déjà la controverse

Par La rédaction | 24 février 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Charles Émond, PDG de la CDPQ
Photo : Caisse de dépôt et placement du Québec

Moins de trois semaines après son arrivée à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), Charles Émond suscite déjà la controverse au sein de l’Assemblée nationale, rapporte le Journal de Montréal dans son édition de lundi.

Toutes tendances confondues, les partis d’opposition l’accusent en effet de faire preuve de complaisance vis-à-vis des paradis fiscaux après qu’il eut déclaré jeudi dernier que « les juridictions à fiscalité réduite […] sont simplement utilisées comme terrains neutres » pour structurer des transactions financières internationales. « Pour moi, ce n’est pas de l’évitement fiscal. En faisant ça, on s’assure surtout, au bout du compte, que la Caisse ne paie pas de double imposition », avait alors ajouté le successeur de Michael Sabia à la direction de l’organisme d’État.

Cette appréciation a immédiatement provoqué l’indignation des trois partis d’opposition, qui ont appelé Charles Émond à revoir sa position. La députée libérale de Saint-Laurent Marwah Rizqy déplore ainsi un « recul » par rapport à la politique menée par son prédécesseur, qui avait pourtant accepté d’investir plusieurs milliards de dollars dans des actifs établis ou transitant par des paradis fiscaux. Il est vrai qu’ensuite, mis sur le gril par les parlementaires en 2018, Michael Sabia avait semblé faire marche arrière en annonçant que l’arrêt d’une telle pratique constituait pour lui une « priorité importante ».

L’année précédente, la Commission des finances publiques de l’Assemblée nationale avait d’ailleurs publié un rapport contenant 38 recommandations destinées à combattre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale. Malgré cela, note le Journal, les actifs de la CDPQ placés dans des paradis fiscaux n’ont jamais cessé d’augmenter depuis ces dernières années, puisqu’ils sont passés de 14,8 G$ en 2013 à près de 30 G$ en 2018.

DES PROPOS « PROFONDÉMENT INQUIÉTANTS »

« M. Sabia reconnaissait, au moins, qu’il fallait faire quelque chose. Maintenant, on entend que ce sont des pays à fiscalité neutre… Ce sont des paradis fiscaux! Les propos tenus par le nouveau patron de la Caisse font en sorte que si on banalise la question, on ne s’en occupe pas. Ce n’est pas une priorité ni une préoccupation », dénonce Marwah Rizqy. « On attend de la Caisse qu’elle fasse fructifier les avoirs des Québécois, mais qu’elle le fasse en faisant preuve d’un leadership clair et sans équivoque […] en matière d’éthique et de responsabilité sociale », ajoute la députée libérale, qui se dit « profondément inquiète » des propos tenus par le p-dg.

« On peut se demander si ces questions ont été prises en considération par le gouvernement Legault dans le processus de sélection du nouveau PDG », renchérit l’expert en fiscalité de Québec solidaire. Affirmant qu’il nourrit « peu d’espoir » quant à un éventuel changement de cap du successeur de Michael Sabia, Vincent Marissal indique être néanmoins étonné de la teneur des propos de Charles Émond, qui gère aujourd’hui un portefeuille de quelque 340 milliards dollars d’actifs. « Ces banquiers-là sont tous allés à la même école. Sa fin de non-recevoir est aussi cavalière qu’arrogante. On ne peut pas traiter les paradis fiscaux comme s’ils étaient nécessaires et anodins », déplore le député de Rosemont.

« On a toujours dit que la Caisse devrait sortir des paradis fiscaux. On s’attendait à un plan pour en sortir. […] Si on en sort, quel serait le coût sur le portefeuille global? », questionne pour sa part Martin Ouellet, leader parlementaire du Parti québécois et porte-parole péquiste en matière de finances. « L’Assemblée nationale a le pouvoir de légiférer pour donner à la Caisse des orientations d’investissement. En ce moment, on veut juste que la Caisse fasse du rendement », déplore le député de René-Lévesque.

La rédaction