Le secteur financier a fait perdre 7,6 G$ au Royaume-Uni

Par La rédaction | 17 octobre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Wael Alreweie / 123RF

En l’espace de deux décennies, le Royaume-Uni aurait perdu l’équivalent de deux ans de son produit intérieur brut (PIB) en raison de la trop grande emprise de la City sur son économie, rapporte Le Monde.

Pour établir ce diagnostic, le quotidien français se base sur un livre enquête récemment paru à Londres, The Finance Curse. How Global Finance is Making Us All Poorer, rédigé par le journaliste économique Nicholas Shaxson. Il reprend en outre les conclusions d’une étude d’Andrew Baker, de l’Université de Sheffield, Gerald Epstein, de l’Université du Massachusetts à Amherst, et Juan Montecino, de l’Université de Columbia, à New York, publiée en même temps que l’ouvrage de Nicholas Shaxson.

D’après le journaliste et les trois chercheurs, trop de finance finit en effet tôt ou tard par étouffer la croissance. Et pour étayer leur démonstration, ils tentent pour la première fois de chiffrer les dommages que cet excès de finance a causés à l’économie du Royaume-Uni, où le secteur financier représente 6,5 % de l’économie. D’après leurs calculs, le pays aurait ainsi perdu quelque 4 500 milliards de livres (7 690 milliards de dollars canadiens) entre 1995 et 2015, soit l’équivalent de deux ans de son PIB actuel, ou encore de 170 000 livres (290 000 dollars) en moyenne par foyer!

LES FLUX FINANCIERS NOURRISSENT L’IMMOBILIER

« Ce chiffre est une estimation qui demande d’autres recherches, nuance dans Le Monde Andrew Baker. Mais il est gigantesque, et c’est un ordre de grandeur qui donne une bonne idée de la façon dont la finance écrase tout le reste de l’économie. »

Le chercheur compare également cette donnée avec la situation aux États-Unis qui, durant la même période de 20 ans, auraient perdu « seulement » une année de PIB. Un écart qu’il attribue au fait que « la finance est proportionnellement beaucoup plus importante en Grande-Bretagne » que chez nos voisins du Sud.

Andrew Baker cite par ailleurs certains faits qui démontrent, selon lui, que le secteur financier gruge l’économie. « Les ingénieurs spécialisés dans l’aérospatial finissent par modéliser les risques des firmes financières plutôt que de travailler sur des fusées », résume-t-il, avant d’ajouter que « Londres et son secteur financier dominent les autres régions du Royaume-Uni depuis si longtemps que le pays a fini par perdre une partie de ses compétences ».

L’étude menée par les trois chercheurs pointe aussi un autre phénomène, en l’occurrence que « plus le secteur financier est important, plus les flux financiers se dirigent majoritairement vers des activités peu productives », explique Le Monde. La preuve? « Au Royaume-Uni, soutient Andrew Baker, seuls 3,5 % des prêts vont vers l’industrie, tandis que la grande majorité concernent le secteur immobilier et celui des actifs financiers. »

UNE ÉCONOMIE CIRCULAIRE SANS VALEUR AJOUTÉE

Or, cette situation génère des bulles spéculatives et « une économie circulaire sans réelle valeur ajoutée », note le quotidien français, qui souligne que « les seuls bénéficiaires directs en sont les personnes qui travaillent dans le secteur financier lui-même ». Au total, l’ensemble de ces phénomènes coûterait ainsi 2 700 milliards de livres, affirme l’étude, un montant auquel s’ajoutent les quelque 1 800 milliards de livres entraînés par la crise financière de 2008.

« Si Adam Smith, Karl Marx ou John Maynard Keynes ont tous averti des risques de l’excès de finance, très peu d’économistes avaient tenté de chiffrer son incidence. La crise de 2008 a changé les choses », relève Le Monde.

En guise de conclusion, le journal rappelle qu’une étude du Fonds monétaire international publiée en 2012 avait tenté d’évaluer où se situait le « plafond maximal de la finance ». Le FMI avait alors estimé que lorsque les prêts accordés au secteur privé dépassent 90 % ou 100 % du PIB d’un pays, sa croissance commence à ralentir. Or, au Royaume-Uni, ce niveau était de 134 % en 2016…

La rédaction