Les banques centrales en mode attente

Par La rédaction | 18 mars 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Horloge sur un mur de briques.
Photo : Dmitry Zimin / 123RF

Le ralentissement économique mondial et le climat de guerre commerciale, notamment entre les États-Unis et la Chine, incitent les banques centrales à ne pas se montrer trop audacieuses avec leur politique monétaire, peut-on lire dans un article de Reuters.

Plusieurs représentants des banques centrales se rencontreront la semaine prochaine. Au même moment, la Réserve fédérale américaine (Fed) publiera ses plus récentes prévisions quant à l’économie américaine. Un consensus semble se dégager chez les économistes pour dire que ces chiffres amèneront la Fed à ne hausser ses taux qu’un seule fois en 2019, voire à ne pas les augmenter du tout.

La Banque d’Angleterre ne devrait pas non plus bouger son taux le 21 mars prochain. Il faut dire que le pays reste englué dans un Brexit dont, ironiquement, personne ne semble savoir comment sortir. La date butoir pour une entente sur une séparation ordonnée avec l’Union européenne (UE) est le 29 mars et il n’est pas clair si les parlementaires arriveront à s’entendre d’ici là. Dans le cas contraire, une remise à plus tard de la date butoir ou une sortie sans accord de l’UE sont envisageables. 

De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) a déjà annoncé en mars qu’elle renonçait à remonter son taux directeur avant 2020. Elle a aussi offert aux banques une nouvelle ronde de prêts à taux avantageux afin de redonner de la vigueur à l’économie de la zone euro.

La situation est similaire en Asie, où le ralentissement économique pourrait freiner les ardeurs de certaines banques centrales comme celles de l’Indonésie et des Philippines, qui ont toutes deux remonté leur taux de manière marquée en 2018.

La banque centrale de la Norvège pourrait faire bande à part. Les économistes prévoient qu’elle devrait hausser son taux directeur le 21 mars et le refaire à nouveau plus tard dans l’année. Le pays nordique connaît une forte croissance et l’inflation y est aussi en hausse. Ces deux données ont dépassé les prévisions respectivement au quatrième trimestre de 2018 et en février dernier. La relative faiblesse de la couronne norvégienne est la montée des prix du pétrole brut, la principale exportation du pays, qui laisse aussi présager une politique monétaire moins accommodante.

LE FREIN DE L’ENDETTEMENT

Sur Bloomberg News, Theophilos Argitis rappelle que si les banques centrales ont tellement de difficulté à revenir à des taux directeurs considérés normaux avant 2008, c’est notamment en raison du très fort endettement privé. Le Canada, par exemple, compte les ménages parmi les plus endettés du monde. Forcément, cela incite à une grande prudence quand vient le temps de remonter les taux. Déjà, certains soutiennent que la Banque du Canada a été trop loin en ce sens.

Après cinq hausses de taux depuis 2017, la Banque du Canada a certainement démontré sa volonté d’en finir avec l’argent à rabais. Mais l’arrêt des augmentations depuis octobre montre combien cette voie est complexe à suivre. En ce moment, la Banque du Canada est environ à mi-chemin de son objectif avoué, soit des taux d’environ 3 %. Les marchés ne croient plus qu’elle pourra reprendre les hausses à un bon rythme. 

Cela tient notamment au fait que la croissance économique reste sous la barre des 2 %, que les salaires augmentent très lentement, que les ménages sont endettés et que la population est vieillissante. 

LES ÉTATS PROFITENT DES FAIBLES TAUX

De son côté, Ben Holland remet en question la logique derrière la politique monétaire des banques centrales au cours de la dernière décennie, dans un article de Bloomberg. Il rappelle que, normalement, la logique veut qu’une réduction des taux directeurs amène les entreprises et les ménages à emprunter, investir et dépenser. Or, après dix ans, on constate que ce sont surtout les États qui se sont endettés.

Ainsi, un coup d’œil sur la part de l’endettement par rapport au PIB dans un régime de faibles taux montre qu’au Japon, au Royaume-Uni et aux États-Unis, la part détenue par les entreprises et les ménages a diminué, alors qu’elle a explosé du côté des États. Dans la zone euro, la situation est un peu différente. La part de la dette en comparaison avec le PIB des États et des entreprises y a un peu augmenté, alors que celle des ménages a légèrement diminué.

Un tel niveau d’endettement public fait craindre que les banques centrales et les États ne soient pas en mesure d’intervenir comme ils l’ont fait après la crise de 2008, si une autre catastrophe financière devait survenir.

COLLABORATION OU INDÉPENDANCE?

Certains réclament que les banques centrales harmonisent davantage leur politique monétaire avec les politiques fiscales des États, alors que d’autres craignent que cela ne remette en question l’indépendance politique des banques centrales.

Au Japon, la coopération a augmenté entre la Banque du Japon (BoJ) et le gouvernement depuis plusieurs années, entraînant une synergie qui a stimulé l’économie, selon Kikuo Iwata, un ancien dirigeant de la BoJ. La crise de 2008 avait aussi vu la Fed et le Trésor américain unir leurs efforts, notamment au sein d’une équipe commune. 

Le problème aujourd’hui est que la politique des bas taux et les rachats d’actifs par les banques centrales, qui étaient vues comme des mesures temporaires, s’étirent depuis plus de dix ans. De plus, ce sont surtout les gouvernements qui en ont profité. De quelle latitude disposeront-ils lors de la prochaine crise?

La rédaction