Les inégalités de revenus freineraient la Banque du Canada

Par La rédaction | 29 janvier 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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À l’heure où elle continue de viser un objectif d’inflation annuelle de 2 %, la Banque du Canada devrait mesurer l’impact qu’ont les inégalités de revenus sur l’efficacité de sa politique monétaire, conclut un rapport publié lundi par l’Institut C.D. Howe.

Intitulé Monetary Policy, Income Inequality and Inflation – What’s the Link (Politique monétaire, inégalité des revenus et inflation – Quel est le lien), ce document en anglais d’une quinzaine de pages détaille les liens existants entre la politique monétaire, les inégalités de revenus et l’inflation au Canada. Ses auteurs, les chercheurs Jeremy Kronick et Francisco Villarreal, y examinent l’incidence du coût de la vie au pays depuis une trentaine d’années.

Leur premier constat est que les inégalités en termes de revenus se sont « largement accrues » entre le moment où la Banque du Canada (BdC) a commencé à cibler l’inflation, vers la fin des années 1990 et le début des années 2000, avant de se stabiliser, voire de régresser, après la crise financière de 2008.

MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA DIVERSITÉ DE LA SOCIÉTÉ

Dans ce contexte, les deux auteurs montrent que les chocs de politique monétaire expansionnistes (expansionary shocks), déclenchés par un taux d’escompte plus bas que prévu, entraînent une augmentation des inégalités, tandis que les chocs de politique monétaire contractifs (contractionary shocks) contribuent au contraire à les réduire. Ils précisent aussi que ces effets sont asymétriques, les premiers ayant un impact plus important sur les inégalités de revenus que les seconds. Par ailleurs, relèvent-ils, si l’effet d’un choc de politique monétaire contractionniste contribue à réduire l’inflation, un choc expansionniste a un effet « pratiquement insignifiant » sur ce phénomène.

En effet, expliquent Jeremy Kronick et Francisco Villarreal, les chocs de politique monétaire expansionnistes entraînent un transfert d’une part plus importante du revenu national vers les ménages à revenus plus élevés, qui consomment moins en pourcentage de leur revenu. Résultat, ce phénomène freine l’augmentation de la demande globale et, par conséquent, de l’inflation. « Avec une politique monétaire expansionniste, les propriétaires de capitaux accumulent davantage de ressources, ce qui fait qu’ils ont tendance à être mieux lotis que les salariés à faible revenu. Cela leur permet notamment de consommer tout en conservant une marge de manœuvre, ce qui a un effet modérateur sur l’inflation et explique en partie la tiédeur de la réponse à la politique monétaire expansionniste dans la période d’après-crise », constate Jeremy Kronick.

Bien que la BdC ne soit pas directement responsable de la montée des inégalités, les résultats de l’étude « démontrent clairement » que le fait de ne pas tenir compte des différentes réactions des groupes de revenus peut conduire les banquiers centraux à interpréter de manière erronée l’impact probable d’un choc de politique monétaire sur l’inflation, estiment encore les deux chercheurs. Leur conclusion? « Nos résultats conduisent à une conclusion particulièrement importante pour la politique monétaire de pays, à savoir que la Banque du Canada doit tenir compte de l’impact de l’inégalité des revenus lorsqu’elle modélise la façon dont l’inflation réagira à une modification du taux au jour le jour. Autrement dit, notre étude présente un argument en faveur de la prise en compte de l’hétérogénéité [de la société canadienne] dans ses modèles de prévision. »

La rédaction