Les riches pourraient bientôt être plus imposés

Par La rédaction | 5 mars 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Billet de un dollar américain.
Photo : Kira Garmashova / 123RF

Faire payer davantage d’impôts aux plus riches et aux entreprises pour contenir la montée des inégalités n’est désormais plus une idée taboue aux États-Unis, rapporte l’Agence France-Presse.

Poussée par l’aile gauche du parti démocrate, en particulier par le sénateur du Vermont, Bernie Sanders, l’idée gagne en effet du terrain dans le pays qui compte le plus grand nombre de milliardaires au monde. Le but? Financer la gratuité des universités et une couverture santé pour tous les Américains et, plus globalement, mettre un frein à l’explosion des inégalités en matière de répartition de la richesse de l’autre côté de la frontière.

Candidate à l’investiture démocrate en vue de la prochaine élection présidentielle en 2020, la sénatrice Elizabeth Warren suggère par exemple d’imposer une taxe de 2 % sur toute fortune d’un montant supérieur à 50 millions de dollars. Également en lice pour les primaires démocrates, Bernie Sanders propose d’instaurer un impôt sur les successions allant jusqu’à 77 % pour les ultra riches, tandis que l’étoile montante du parti à la Chambre des représentants, Alexandria Ocasio-Cortez, préconise une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu au-delà de 10 millions, qui atteindrait 70 %.

VERS UN RETOURNEMENT DE TENDANCE?

Plusieurs candidats démocrates ont par ailleurs annoncé leur intention d’imposer davantage les grandes entreprises. Un thème qui est dans l’air du temps aux États-Unis à la suite de la récente polémique entourant la situation fiscale d’Amazon, qui ne paie pas d’impôts fédéraux grâce aux crédits obtenus en échange de ses investissements. De même, les multinationales qui échappent à l’impôt sur les sociétés malgré leurs bénéfices parfois colossaux alimentent la colère de plusieurs Américains.

Sans surprise, les élus républicains ont critiqué les propositions démocrates, en particulier celles d’Alexandria Ocasio-Cortez, leur « bête noire », souligne l’AFP. Ainsi, Grover Norquist, président du centre Americans for Tax Reform proche du parti républicain, a récemment averti que les mesures censées cibler les riches finissent toujours par « frapper les classes moyennes ». Aujourd’hui, rappelle l’agence de presse, la tranche la plus élevée d’imposition aux États-Unis est plafonnée à 37 %.

Expert en matière de politique fiscale américaine, Joseph Thorndike estime cependant qu’on pourrait assister dans un futur proche à une inversion de la tendance qui pousse les impôts à la baisse depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

TENSIONS SOCIALES PROBLÉMATIQUES

« Je crois qu’il se passe vraiment quelque chose. Une discussion a été lancée que nous n’avions pas eue depuis les années 1960 ou même 1950 », explique-t-il dans une entrevue accordée à l’AFP. Au lendemain du conflit et de la politique du New Deal impulsée par le président Franklin Roosevelt, les taux d’imposition étaient beaucoup plus élevés qu’aujourd’hui, avec une tranche d’imposition maximale à 94 %, rappelle le spécialiste. Celui-ci précise qu’ils ont ensuite baissé dans les années 1960, puis durant les deux mandats de Ronald Reagan, dans les années 1980.

Selon Joseph Thorndike, l’explosion des inégalités aux États-Unis explique en grande partie le changement de discours auquel on assiste actuellement. « Les gens peuvent tolérer quand les riches deviennent plus riches à condition que la classe moyenne en profite également. Mais quand les classes moyennes et travailleuses stagnent, cela crée des tensions sociales problématiques politiquement », analyse-t-il.

Une enquête en ligne menée au mois de février par l’institut Morning Consult pour le compte du site d’information conservateur Politico semble confirmer ce retournement de tendance, puisque près des trois quarts des électeurs interrogés (74 %) se disent dans l’ensemble favorables à ce que les riches paient plus d’impôt, tandis qu’une proportion quasiment identique (73 %) souhaite que les grandes compagnies soient davantage taxées.

La rédaction