L’IA pour comprendre les banques centrales

Par La rédaction | 2 juillet 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : lassedesignen / 123RF

On savait déjà que les investisseurs étaient suspendus aux lèvres des gouverneurs des banques centrales, tentant d’interpréter leurs moindres propos, notamment pour anticiper les hausses et les baisses de taux et leurs effets sur les marchés. Voici qu’ils attèlent l’intelligence artificielle à cette tâche, rapporte Les Echos.

Le quotidien économique français rappelle les propos que répétait souvent Alan Greenspan, lorsqu’il présidait la Réserve fédérale américaine (Fed) de 1987 à 2006. « Si vous avez compris ce que je viens de dire, c’est que je me suis probablement mal exprimé », aimait-il à dire. Son intention était claire : brouiller les pistes. 

Depuis, la communication est devenue un outil de politique monétaire en soi. Tous les propos des gouverneurs de banques centrales sont décortiqués par les investisseurs et les analystes. Un exercice complexe, puisque ceux qui président ces banques ne mettent pas toujours clairement cartes sur table avant d’annoncer une décision. Pour y arriver, certaines firmes ont développé des algorithmes, capables d’analyser en moins d’une seconde le langage et la tonalité du discours.

BANQUIER QUI RIT, BANQUIER QUI PLEURE

Chez Natixis, les équipes de recherche ont élaboré un indice de « sentiment ». Celui-ci suit dans le temps l’optimisme ou le pessimisme des déclarations de la Banque centrale européenne (BCE).

L’algorithme étudie les déclarations du président de la BCE lors des réunions de politique monétaire et les discours des membres de la direction, puis les compare à une base qui reprend tous ces textes depuis la création de la BCE. Il assigne une cote allant de -4 (extrêmement négatif) à +4 (extrêmement positif) à une grande quantité de mots. Le terme « horrible », par exemple, a une cote de -2,5. 

D’autres règles relativisent l’importance du mot en fonction du reste de la phrase. En comparant les propos du président de la BCE à Sintra (Portugal) en juin 2019 à son indice de sentiment, Natixis évalue qu’on peut s’attendre à une baisse de 10 points de base du taux de dépôt de la banque centrale lors de la réunion de septembre. 

L’EFFET SUR LES MARCHÉS

Du côté de Bloomberg, on va encore plus loin en tentant de déterminer l’incidence d’un discours des banques centrales sur les marchés. L’algorithme conçu par Prattle Analytics lit les comptes rendus des réunions de politique monétaire de la Fed et produit un rapport en quelques millisecondes. Il arrive à prévoir un mouvement des taux avec un niveau de réussite de 9,7 sur dix, selon le concepteur. 

Comme d’habitude, ces innovations soulèvent la question du sort qui attend les humains dont le rôle est d’analyser les décisions de la Fed. Et comme de coutume, la réponse à cette question est nuancée. Certes, ces nouveaux outils sont utiles, mais les analystes doivent continuer d’interpréter eux-mêmes les communiqués.

L’IA a en effet certaines limites, notamment une difficulté à déceler l’ironie ou à analyser des propos qui peuvent être interprétés de multiples manières. Par exemple, le président de la BCE utilisait l’expression « through the summer », pour décrire la période qui précéderait une éventuelle hausse des taux, tout en refusant de préciser s’il voulait dire « pendant » ou « après » l’été. 

L’avenir dira si l’intelligence artificielle arrive à déchiffrer les formulations souvent obscures et parfois lénifiantes des gouverneurs de banques centrales. Chose certaine, il est probablement un peu tôt pour envoyer les bons vieux analystes « humains » à la retraite…

La rédaction