L’inflation gruge les épargnes

Par La Presse Canadienne | 3 août 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Comme l’inflation atteint les 8 %, tous ceux qui ont placé leurs économies à la banque perdent peu à peu leur argent. La faute au taux d’intérêts des comptes d’épargne qui demeurent aux environs de 1 % qui ne suivent pas le rythme.

« Ils vont perdre de l’argent. La valeur de leurs économies décroît », dit Claire Célérier, une professeure agrégée de finance de l’Université de Toronto.

La situation était différente la dernière fois que l’inflation était aussi élevée. En 1981, quand l’inflation a atteint 12 %, les données de Statistique Canada indiquent que le taux d’intérêt des comptes d’épargne s’élevait alors à 19 %. Même en 1990, quand l’inflation avait glissé sous les 5 %, le taux d’intérêt des comptes bancaires dépassait encore les 9 %.

Une des principales causes de cet écart est la concentration du secteur bancaire au Canada, estime la Professeure Célérier.

«  Quand la concurrence est faible entre les banques, cela leur prend plus de temps à ajuster les taux d’intérêt des comptes d’épargne. »

Rien n’incite les banques à modifier leur politique de taux d’intérêt, ajoute-t-elle.

« Quand les banques ne haussent pas les taux d’intérêt des comptes d’épargne, elles réalisent plus de profits. C’est une façon très facile de réaliser des profits. »

Au début des années 1980, l’apparition des fonds communs de placement offrait une solution de rechange aux banques pour l’épargnant moyen.

Un nombre croissant de banques en ligne et de coopératives de crédit offrent des taux concurrentiels. Après que la Banque du Canada eut annoncé en juillet, une hausse d’un point de pourcentage de son taux directeur, Oaken Financial a fait passer son taux d’intérêt de 1,65 % à 2,25 %. De son côté, Duca, une banque coopérative, a fait monter le sien de 3,1 % à 3,25 %, mentionne Natasha Macmillan, directrice à Ratehub.ca.

Les Canadiens ne changent pas très souvent de banque. Selon un sondage Accenture réalisé en 2020, moins de 4 % des clients avaient transféré leur compte d’épargne dans une banque concurrente au cours de l’année précédente.

Certaines banques ont commencé à accroître leur taux d’intérêt, souvent par l’entremise d’une promotion à court terme. L’offre est souvent soumise à des restrictions et n’est pas ouvertes à tous.

« Les banques sont rapides à profiter des hauts taux d’intérêt pour les prêts, mais plus lentes à agir pour ceux qui veulent économiser », constate Natasha Macmillan.

La Banque Scotia offre un taux temporaire de 4,05 % sur le compte d’épargne Momentum. La CIBC offre un taux de 3,55 %, mais qui chute à 0,8 % après 120 jours.

La Banque TD se contente d’offrir un taux de 0,05 % pour un compte dépassant 5000 $ et de 1 % pour un autre compte dépassant 10 000 $. La Banque Royale ne propose que 0,8 et la Banque de Montréal, seulement 1 %.

Selon Natasha Macmillan, si plus d’épargnants décidaient de transférer leur compte à des entreprises alternatives, la pression serait plus lourde sur les épaules des principaux acteurs.

« Si plus de Canadiens se montrent plus à l’aise à magasiner ou à transférer leur compte, cinq ou six grandes banques commenceront à ressentir la pression de la concurrence et augmenteront leurs propres taux. »

Mais les banques ne sont pas à la recherche de nouveaux clients puisque les Canadiens ont réalisé des économies importantes au cours de la pandémie.

« Les banques ne manquent pas d’argent et de liquidité. Le niveau des dépôts demeure élevé, mentionne Carl De Souza, vice-président principal à l’agence de notation DBRS Morningstar. La pression est moins forte pour augmenter les taux d’épargne, à moins que les dépôts ne soient soudainement en déclin ou qu’une concurrente ne hausse ses propres taux. »

Carl De Souza note que si les coopératives d’épargne offrent des taux supérieurs, c’est parce qu’elles ont été créées pour servir leurs membres et non pour permettre à des actionnaires de réaliser un profit. Toutefois, les consommateurs hésitent toujours à faire un choix.

« Certains peuvent ne pas vouloir placer de l’argent dans les banques coopératives malgré les taux d’intérêt plus élevés parce qu’ils croient qu’elles représentent un plus grand risque que les grandes banques. »