Pas de récession à l’horizon

19 mars 2019 | Dernière mise à jour le 19 mars 2019
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Une minorité d’économistes québécois estiment à plus de 50 % la probabilité qu’une récession affecte l’Amérique du Nord au cours des 12 prochains mois, selon un sondage publié lundi.

Seulement 15,3 % d’entre eux pensent qu’il y a un risque élevé de ralentissement économique pour l’année à venir, si l’on en croit l’enquête d’opinion menée par l’Association des économistes québécois (AEQ) auprès de ses membres. Près de 40 % de leurs collègues, eux, situent plutôt cette probabilité à moins de 25 %, tandis que 8,4 % n’ont pas d’opinion à ce sujet.

Le sondage montre aussi qu’à moyen terme, les économistes considèrent les changements démographiques (32,1 %) et les inégalités de richesses et de revenus (25,2 %) comme étant les principaux facteurs qui risquent d’affecter le développement des économies développées. Viennent ensuite les questions environnementales (18,3 %), les « effets perturbateurs des nouvelles technologies » (9,9 %) et le commerce extérieur (6,9 %).

Près de 8 % des répondants citent également d’autres facteurs susceptibles de nuire à la prospérité des pays industrialisés, comme le consumérisme à outrance et le surendettement des ménages, l’accès inégal aux services scolaires, l’incertitude politique ainsi que les contraintes à l’immigration.

« MANQUE D’INFORMATION VULGARISÉE »

L’atteinte de la « rationalité économique » ne peut se faire sans le concours des économistes, jugent ces derniers. Toutefois, certains phénomènes les empêchent d’avoir toute l’influence voulue auprès des décideurs et des citoyens, estiment-ils.

Les économistes consultés citent :

  • la préséance des impératifs politiques ou des entreprises sur la rationalité économique (45 %)
  • une confiance excessive dans le pouvoir régulateur des marchés (13 %)
  • le contenu biaisé de certaines publications (12,2 %)
  • les difficultés de bien saisir les changements structurels qui surviennent dans l’économie (10,7 %)
  • les contacts insuffisants entre les chercheurs et les praticiens (7,6 %)

À noter que 11,5 % des sondés évoquent aussi :

  • le poids des lobbies
  • la difficulté de « mesurer l’effet comportemental des individus » et de communiquer avec le public « de façon claire, concise, imagée et sans jargon »
  • le manque d’information « vulgarisée et accessible »
  • la gestion politique par sondage et une vision à trop court terme, ne visant que la prochain élection
  • « la mathématisation trop poussée qui fait oublier que la science économique est une science humaine »
  • « la prédominance des opinions personnelles de chacun, véhiculée par les médias sociaux, aux dépens des faits et des avis des experts »

Enfin, les économistes consultés déplorent « les attentes excessives [du public] face aux prévisions conjoncturelles, qui sont ensuite inéluctablement déçues » ainsi que « les nombreux avis économiques émis par des non économistes ».

AMÉLIORER LA FORMATION DES EXPERTS

Les répondants reconnaissent toutefois que la formation des économistes pourrait être améliorée, par exemple en liant davantage la théorie et le monde réel (34,4 %), en faisant davantage appel à l’interdisciplinarité (26,7 %) ou encore en se référant davantage à l’histoire et aux institutions (12,2 %). Certains ajoutent que leur profession devrait mieux prendre en compte « les limites des données disponibles » (11,5 %) et qu’une « plus grande variété de théories » devrait être enseignée dans les grandes écoles et universités (7,6 %), notamment en matière de sciences de la donnée.

Enfin, ils aimeraient en outre avoir une plus grande connaissance des outils servant de véhicules aux capitaux mondiaux.

« Notre sondage révèle une certaine déception à l’égard des décisions politiques, mais la grande majorité des économistes reconnaissent aisément que les gouvernements doivent tenir compte d’autres critères que la seule rationalité économique », résume Yves St-Maurice, président du Comité des politiques publiques de l’AEQ.

L’enquête d’opinion a été menée par l’AEQ en collaboration avec la firme Raymond Chabot Grant Thornton du 4 au 12 mars auprès de 131 membres de l’AEQ.