Prêt hypothécaire : des banques paient leurs clients

Par La rédaction | 13 août 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : samuraitop/ 123RF

Rembourser son prêt hypothécaire tout en gagnant de l’argent… Ce rêve est désormais une réalité au Danemark et en Suisse, où certaines banques proposent des emprunts avec des taux d’intérêt négatifs, rapportent des médias européens.

Au Danemark, la Jyske Bank offre ainsi de prêter de l’argent à ses clients sur 10 ans moyennant un taux d’intérêt de -0,5 %, de quoi « faire saliver d’envie tous les prétendants à un achat immobilier », estime le Journal de l’économie dans son édition de mardi.

Autrement dit, souligne le quotidien en ligne français, l’emprunteur remboursera moins qu’il n’a emprunté! « En théorie, avec un tel taux, le prêt permet de gagner de l’argent », ajoute le journal. La preuve? Souscrire un emprunt d’un million d’euros, par exemple, revient à en rembourser seulement 995 000.

« LA FIN D’UN TABOU » DANS LE MONDE DE LA FINANCE

Ce type de prêt immobilier demeure toutefois encore peu répandu en Europe. Au Danemark même, seule la Jyske Bank le propose pour l’instant à ses clients désireux d’acquérir une propriété. Mais d’autres institutions financières danoises pourraient néanmoins lui emboîter le pas dans un avenir plus ou moins rapproché. La conjoncture s’y prête, puisque plusieurs d’entre elles offrent déjà des emprunts à de très bas taux d’intérêt : les consommateurs danois peuvent ainsi décrocher un crédit sur 30 ans à 0,5 %, voire sur 20 ans à 0 %. Une stratégie rendue possible par « la politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne, qui inonde les banques du Vieux Continent en argent frais », explique le Journal de l’économie.

Si ce dernier juge « probable » que de telles offres se multiplient en Europe, il ajoute que cela ne sera pas le cas en France, où un article du Code civil stipule expressément que l’emprunteur doit restituer l’intégralité du capital emprunté.

En attendant, relève Le Temps, la Suisse se lance elle aussi dans la surenchère pour attirer de nouveaux clients en leur proposant des crédits immobiliers à des taux négatifs. Deux banques régionales se sont ainsi déjà aventurées dans cette voie qui laisse plusieurs économistes perplexes. Le quotidien helvétique souligne qu’il ne s’agit pour l’instant que de cas isolés, mais en ajoutant que « l’ensemble du secteur anticipe une nouvelle baisse généralisée des taux hypothécaires ». Ce phénomène pourrait bien marquer l’entrée de l’immobilier suisse « dans l’ère des hypothèques à taux d’intérêt négatif », croit d’ailleurs le quotidien zurichois germanophone Tages-Anzeiger, qui évoque « la fin d’un tabou ».

« ON DÉSHABILLE L’ÉPARGNANT POUR HABILLER L’EMPRUNTEUR »

Interrogée par Le Temps, Credit Suisse a assuré ne pas accorder ce genre de prêt, tout en laissant planer un doute quant à sa future politique en matière de crédit immobilier : « La banque suit de près l’évolution des marchés, en particulier des marchés des taux d’intérêt », a simplement répondu l’un de ses porte-parole.

De son côté, la coopérative financière Raiffeisen a indiqué au quotidien économique suisse n’avoir émis « aucune recommandation visant à compenser les taux d’intérêt nuls ou négatifs dans le secteur des prêts hypothécaires ». Mais son service des relations avec les médias rappelle que les succursales du troisième groupe bancaire suisse sont des institutions financières indépendantes et qu’à ce titre, elles ont donc le droit de « décider en toute indépendance, dans le cadre de leur autonomie de prix », le niveau des taux d’intérêt qu’elles pratiqueront.

« Dans cette course effrénée que mènent les banques, c’est le volume hypothécaire qui sort grandi, puisqu’il a doublé au cours des 15 dernières années pour s’établir, fin 2018, à 1 045 milliards de francs [1 417 milliards de dollars canadiens ], selon les données de la Finma [l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers] », note Le Temps. Le hic? L’irruption massive des taux négatifs dans le paysage financier pourrait avoir de sérieuses répercussions pour les épargnants. « Il y a eu jusqu’à présent une forme de subvention des comptes privés. Pour que la banque puisse conserver sa marge, elle va devoir encore diminuer les taux des dépôts », met en garde un spécialiste interrogé par le quotidien. Autrement dit, conclut ce dernier, on risque de « déshabiller l’épargnant pour habiller l’emprunteur ».

La rédaction