Les prochains budgets pourraient être généreux

Par La rédaction | 18 mars 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Billets de banque du Canada.
Photo : Janusz Pieńkowski / 123RF

La bonne santé économique du Canada et du Québec pourrait se traduire par une augmentation de services ou par des baisses d’impôt lors des budgets fédéral et provincial prévus cette semaine, avance Le Devoir.

Depuis que Donald Trump a offert de généreuses baisses d’impôt au sud de la frontière, abaissant notamment le taux d’imposition des entreprises de 35 à 21 %, les gens d’affaires canadiens réclament un traitement similaire. 

Au Québec, c’est plutôt du côté des taxes scolaires que l’on pourrait retrouver des réductions. Le gouvernement caquiste songerait aussi à abolir la contribution additionnelle pour les frais de garde et à bonifier les crédits d’impôt pour les familles. 

LES RICHES À L’ABRI

Les hausses d’impôt des plus riches? Elles ne semblent plus sur le radar. Lors de son arrivée au pouvoir, le gouvernement Trudeau avait ajouté un palier d’imposition sur les revenus du 1 % le plus riche. Au Québec, cela donnait un taux combiné de 53,3 % pour tous les revenus dépassant 210 400 dollars par année. Il avait à l’inverse réduit l’imposition du deuxième palier de revenu de (47 600 $ à 95 000 $). 

À Québec, le gouvernement péquiste avait tenté d’augmenter l’impôt des plus riches lors de son règne éphémère (de septembre 2012 à avril 2014), avant de reculer devant les protestations des milieux d’affaires. Le Devoir rappelle qu’aux États-Unis, la proposition d’Alexandria Ocasio-Cortez, membre démocrate de la Chambre des représentants, de faire passer de 37 % à 70 % le taux d’imposition marginal supérieur pour les personnes gagnant plus de 10 millions de dollars américains (13,35 M$ CA) par an s’est heurtée au même tollé. Pourtant, de 1951 à 1963, ce taux dépassait 90 %. Ce n’est que sous la gouverne de Ronald Reagan qu’il a glissé sous la barre de 70 %. 

Selon le Wall Street Journal, les riches bénéficiaient à l’époque de plusieurs outils d’évitement fiscal, qui ramenait en fait leur taux d’imposition réel à 32 % en 1952. Si l’on ramenait aujourd’hui les taux d’imposition des mieux nantis au même niveau qu’à cette époque, le choc serait donc plus grand puisqu’ils auraient moins d’avenues pour l’éviter. Autrement dit, on ne devrait pas augmenter les impôts des plus riches, puisqu’ils ne disposent plus des moyens de ne pas le payer…

RÉPARTIR LA RICHESSE

Spécialistes de la lutte contre les inégalités, Peter Diamond et Emmanuel Saez évaluent à 73 % le taux optimal d’impôt sur le revenu des plus riches aux États-Unis. En le dépassant, l’État risquerait de décourager les riches de produire plus de richesse. Mais en bas de ce seuil, l’État se prive de revenus. 

Emmanuel Saez et Gabriel Zucman prévenaient par ailleurs en janvier dans le New York Times qu’il ne faut pas analyser l’imposition des revenus les plus élevés seulement en fonction des recettes fiscales qu’elle génère. Il s’agit plutôt d’un moyen d’éviter une extrême concentration de la richesse, qui mène à une extrême concentration du pouvoir économique et politique. Il comparait cette approche à celle de la taxe sur le carbone, laquelle vise moins à générer des revenus qu’à réduire les émissions polluantes.

TANT QUE ÇA VA BIEN…

Selon la Chaire de fiscalité et de finances publiques de l’Université de Sherbrooke, le taux marginal supérieur canadien dépassait les 80 % jusqu’au début des années 1970. Au Québec, les 20 % les plus riches payaient 70 % des revenus totaux tirés de l’impôt des particuliers en 2015. Le 1 % le plus riche contribuait pour 18 %.

Toutefois, entre 1985 et 2014, les membres du 1 % ont vu leur salaire grimper de 67 %, alors qu’il n’augmentait que de 9 % pour les autres Québécois, selon Nicolas Zorn, auteur du livre Le 1 % le plus riche – L’exception québécoise. Le revenu médian du 1 % le plus riche au Québec était de 265 000 dollars en 2017, contre 59 822 dollars pour l’ensemble des Québécois, selon Statistique Canada. 

L’appel à l’augmentation de l’impôt des riches se fait surtout entendre lorsque les finances de l’État sont serrées et que le gouvernement présente des mesures d’austérité. Pour l’instant, l’économie canadienne se porte assez bien, mais si elle devait s’enliser, il y a fort à parier que cette proposition se ferait entendre de nouveau.

La rédaction