Quand les enfants minent la retraite

Par Julie Perreault | 19 juin 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Famille heureuse avec de jeunes enfants, dans la nature.
Photo : Aleksandr Davydov / 123RF

La plupart des gens ont une bonne idée du coût qu’implique l’arrivée d’un enfant, mais peu sont au fait des répercussions sur leur capacité d’épargne-retraite.

Élizabeth Paris Savoie, fiscaliste lauréate d’une bourse d’excellence de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, s’est penchée sur le sujet dans sa note de recherche Impact d’un congé parental sur la capacité d’épargne-retraite.

S’il permet aux Québécois, et majoritairement aux Québécoises, de se consacrer à leur nouveau-né et à leur famille sans trop se soucier de l’aspect financier, le congé parental est rarement synonyme de période fructueuse côté argent. N’empêche, certains épargnants et épargnantes nouvellement parents arrivent tout de même à économiser dans leur REER.

Pour ce faire, il leur faut obligatoirement avoir des droits de cotisation non utilisés, puisque les prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) ne sont pas comptabilisées comme un revenu. Elles ne génèrent donc pas de droits de cotisation.

Dans sa note de recherche, Élizabeth Paris Savoie s’est intéressée aux conséquences financières de cette perte de droits en illustrant celles-ci selon différents scénarios.

« Pour être en mesure de quantifier, il fallait que je base le scénario de référence sur le fait que tous les droits de cotisation avaient été utilisés », explique Mme Paris Savoie, même si selon les données recueillies pour sa recherche, environ 86 % des Québécois ne cotisent pas le maximum à leur REER. Le modèle de référence prend aussi en compte :

  • un rendement annuel de l’épargne privée (qui ne provient pas de régimes d’employeurs) de 3,88 % après les frais de gestion, suivant un profil d’investisseur équilibré;
  • une inflation annuelle de 2 %;
  • le fait que les deux conjoints gagnent le salaire moyen selon leur genre, soit 32 700 $ pour la femme et 44 300 $ pour l’homme;
  • qu’ils commencent à épargner à partir de 25 ans;
  • que la mère prenne l’entièreté du congé parental avec le régime de base (50 semaines) et ne travaille pas pendant un an;
  • que la mère ait son premier enfant à 29 ans et le deuxième à 31 ans;
  • que les conjoints prennent tous deux leur retraite à 62 ans.

Si les prestations du RQAP avaient été comptabilisées comme un revenu, l’épargne accumulée des deux conjoints par l’entremise d’un REER au début de la retraite pour le ménage serait plus élevée de 26 898 $, soit une différence de 1,7 %.

En ajoutant un troisième enfant, la différence est plutôt de l’ordre de 2,5 % et représente 39 628 $. Le premier enfant reste plus pénalisant financièrement, car la période d’investissement perdue survient plus tôt. On ne peut donc pas bénéficier de la magie de l’intérêt composé.

Cependant, si les parents de deux enfants choisissent d’employer un autre outil de placement que le REER durant les congés parentaux, la différence ne s’élève qu’à 0,3 %, représentant seulement 4 384 $.

LA SOLUTION?

Si les scénarios mis de l’avant par la chercheure ne touchent qu’environ 14 % de la population, ils démontrent tout de même que les femmes sont encore les plus pénalisées financièrement d’avoir des enfants. En effet, ce sont elles qui prennent le congé parental dans 81 % des cas.

Rappelons aussi que les mères réussissent à atteindre le salaire de leurs collègues sans enfant en moyenne cinq ans après la naissance de leur progéniture, selon un rapport publié par la Banque Royale du Canada.

Pour éviter cet écueil, Mme Paris Savoie propose notamment dans sa note de recherche « d’inclure une exception dans la Loi de l’impôt sur le revenu pour que, l’année suivant le congé parental, les droits de cotisation au REER se cumulent plutôt en fonction du revenu gagné l’année précédant l’arrêt de travail », reconnaissant toutefois la complexité d’application de cette avenue.

« Inclure les prestations du RQAP dans la notion de revenu gagné serait plus facile pour solutionner ce problème », indique Luc Godbout, fiscaliste, professeur titulaire, chercheur à la Chaire et directeur de cette étude.

D’AUTRES OPTIONS

En attendant que le législateur apporte de telles modifications, il existe certaines solutions.

« Il est possible d’investir des sommes dans son compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Le régime enregistré d’épargne-études (REEE) est aussi un excellent outil de placement avec un rendement garanti de 30 % grâce aux subventions fédérales et provinciales », indique Paul St-Jacques, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective à Industrielle Alliance.

« Par la suite, les comptes non enregistrés restent une option. Puisqu’il y a imposition sur le revenu gagné annuellement, il faut donc prioriser les placements qui génèrent un gain en capital imposable à 50 %. En dernier lieu, il existe toujours l’assurance vie universelle, combinaison d’une assurance vie et d’un placement à l’abri de l’impôt. Par contre, elle convient généralement à moins de 5 % de la population. C’est vraiment le dernier recours et seulement si les autres abris fiscaux ont été maximisés », résume M. St-Jacques.

« Ce produit est une combinaison d’une assurance vie et d’un placement à l’abri de l’impôt. C’est vraiment le dernier recours, et seulement si les autres abris fiscaux ont été maximisés. Les coûts associés à ce produit demeurent plus élevés à cause notamment des taxes sur les primes », ajoute-t-il.

Julie Perreault