Quand les investisseurs parient sur un procès

Par La rédaction | 20 mars 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Jetons sur une table.
Photo : 123RF

Parier sur l’issue d’un procès est une activité qui a le vent en poupe depuis quelque temps à Wall Street, rapporte l’Agence France-Presse.

Ces investissements d’un nouveau genre peuvent en effet rapporter (très) gros tout en n’étant pas liés aux aléas des marchés. L’idée? Donner de l’argent à un plaignant ou à un accusé pour payer ses frais juridiques en échange d’un certain pourcentage des indemnités qu’il percevra en cas de victoire ou d’accord à l’amiable.

Apparue en Australie à la fin des années 1990, cette pratique s’est récemment développée aux États-Unis, où certains petits épargnants s’y adonnent désormais. Toutefois, précise l’AFP, elle attire également un nombre croissant de grands investisseurs, notamment des fonds spéculatifs ou des fonds de pension, qui confient des capitaux à des firmes spécialisées dans le repérage de procès à forte rentabilité potentielle.

L’INVESTISSEUR CHOISIT L’AFFAIRE QUI L’INTÉRESSE

Interrogé par l’agence de presse, Ralph Sutton, dirigeant d’une telle société, explique qu’« il est très difficile pour une petite entreprise de lutter contre une grosse compagnie ». Dans ces conditions, souligne-t-il, le fait de financer des litiges « permet aux affaires d’être jugées sur leur mérite et non sur l’argent dont dispose l’une ou l’autre partie ».

Les investisseurs intéressés par ce genre d’affaires ont également la possibilité de trouver leur « poule aux œufs d’or » sur Internet. Créé en 2014, la plateforme électronique LexShares permet ainsi aux personnes accréditées de sélectionner le dossier qui leur semble le plus prometteur en termes de retombées financières, comme par exemple une affaire de violation de brevets, de rupture de contrat ou de vol de secrets industriels.

De leur côté, les sociétés qui ont déposé une plainte peuvent elles aussi lever des fonds sur le site, puisque celui-ci accepte également les dossiers à défendre. « On a créé un logiciel qui retranscrit le texte des plaintes déposées en justice et en analyse 17 paramètres », explique son fondateur, Jay Greenberg.

UN RENDEMENT ANNUEL DE 65 %

À l’issue d’une présélection automatique, une équipe de juristes évalue ensuite le potentiel financier de l’affaire, la qualité de sa défense et s’assure que l’accusé sera bien en mesure de verser d’éventuelles indemnités. Sur les 80 dossiers que LexShares a financés jusqu’à aujourd’hui (pour des montants compris entre 35 000 et quatre millions de dollars), 24 ont été finalisés, avec un total de 20 victoires. Même si l’investisseur risque de perdre l’intégralité de sa mise en cas de défaite de son « poulain », le rendement annuel est en moyenne de 65 %, selon Jay Greenberg.

L’AFP relève qu’« il est difficile de mesurer l’ampleur de cette industrie dans la mesure où les sociétés spécialisées restent en général discrètes sur les affaires qu’elles financent ». Toutefois, ajoute-t-elle, « dans une société américaine particulièrement procédurière, le marché est potentiellement important ». La firme IMF Betham évalue ainsi que, l’an dernier, les dépenses en services juridiques chez nos voisins du Sud ont atteint près de 360 milliards de dollars, contre « seulement » 55 milliards au Royaume-Uni et 25,7 milliards au Canada.

Également interrogée par l’AFP, la juriste et enseignante à l’Université de Harvard Maya Steinz estime que la possibilité de pouvoir donner aux plaignants les moyens financiers dont ils ont besoin pour aller en justice est utile. Mais elle ajoute qu’il faut procéder avec prudence, car « ce secteur est encore peu réglementé » et que l’argent apporté par les investisseurs pourrait être mal utilisé, voire détourné.

La rédaction