Qui paiera la note du coronavirus?

Par La rédaction | 19 mars 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Une île en forme de symbole de dollar.
Photo : 123RF

Les placements dans les paradis fiscaux devraient-ils être taxés à 30 % pour financer les mesures budgétaires destinées à préserver l’économie?

C’est la question que pose le planificateur financier Fabien Major dans un billet publié sur LinkedIn : « La crise du coronavirus va coûter des milliards de dollars aux gouvernements du monde entier ou plutôt aux citoyens qui paient leurs impôts. »

« Ne pensez-vous pas que les pays occidentaux devraient EXIGER des institutions ayant des filiales dans les centres off-shores reconnus pour faciliter l’évasion et la planification fiscale [intensive] une charge spéciale de 30 % sur tous les dépôts et investissements comptabilisés sous peine de saisie et/ou d’arrêt de liquidité? »

TAXER LES HEDGE FUNDS

Contacté par Conseiller, Fabien Major explique sa publication par le constat que les effets de la crise économique due au coronavirus seront encore plus coûteux que lors de la crise financière de 2008. Les gouvernements ont commencé à mettre de l’argent pour limiter les conséquences économiques. Mais « il faut que tout le monde paie », martèle Fabien Major, qui craint que certains échappent à l’effort.

Pourquoi taxer les placements effectués dans les paradis fiscaux? « Une partie de l’effondrement des titres boursiers est due à la spéculation par vente à découvert des hedge funds, qui se cachent dans les paradis fiscaux pour spéculer, explique le planificateur financier. Ils accélèrent la chute des Bourses; ils s’enrichissent… Il m’apparaîtrait normal qu’une taxe soit prélevée sur les placements investis dans les paradis fiscaux. »

PROBLÈME PLUS LARGE

Le billet de Fabien Major est public sur LinkedIn, mais adressé en particulier à la fiscaliste Brigitte Alepin, spécialiste en planification et en politique fiscale. Mme Alepin est l’auteure de Ces riches qui ne paient pas d’impôt, et de La Crise fiscale qui vient. Ce dernier ouvrage a inspiré le film Le Prix à payer, qui explique comment les stratagèmes fiscaux des empires de l’économie numérique menacent la classe moyenne et l’État-providence.

Fabien Major a raison de poser la question, répond Brigitte Alepin, avant de souligner aussitôt que le problème est plus large. « Les paradis fiscaux ne sont qu’un aspect, explique-t-elle, en soulignant qu’en plus des multinationales qui les utilisent, il faut aussi viser les milliardaires et les grandes fondations privées supposément charitables qui ne le sont pas. »

La fiscaliste se dit choquée par les annonces de milliardaires qui parviennent à éviter l’impôt, et qui se disent aujourd’hui prêts à lâcher quelques millions de dollars pour lutter contre le coronavirus. « Depuis 20 ans, je n’ai jamais été aussi choquée de voir des milliardaires donner des pinottes de leur fortune alors qu’ils ne paient pas ou peu d’impôts », pointe-t-elle.

Brigitte Alepin cible aussi les grandes fondations privées nord-américaines qui se targuent de faire œuvre de charité. Ces organisations permettent à de grandes fortunes de bénéficier de crédits d’impôt de l’ordre de 50 %… mais elles ne versent que les revenus de leurs actifs, explique-t-elle. Ces fondations permettent aux fortunés d’économiser bien plus d’impôt qu’ils ne donnent effectivement à la société, critique la fiscaliste.

SOLUTIONS INTERNATIONALES

Pour Mme Alepin, seule une politique fiscale coordonnée internationalement pourrait permettre que chacun paie sa juste part. Elle se dit favorable à la proposition de l’OCDE d’imposer une taxe minimum de 12,5 % sur les revenus internationaux peu ou pas imposés.

Fabien Major espère que le G20 parvienne à un accord fiscal, mais il n’est guère optimiste. « J’en doute, mais je ne peux pas croire que les politiciens ne vont pas se réveiller, affirme-t-il. Si le citoyen ordinaire paie tous les frais de cette crise, si on détruit la classe moyenne, comment les très grandes entreprises feront-elles pour maintenir une certaine croissance? »

Sans réponse fiscale internationale appropriée, le planificateur financier craint que les écarts de richesse se creusent. « À long terme, la situation n’est pas viable, croit-il. C’est un cadeau empoisonné qu’on laisse à la prochaine génération. »

La rédaction