Sommes-nous plus à l’abri qu’en 2008?

Par La rédaction | 28 janvier 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : abscent / 123RF

La directrice du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, croit qu’il reste du chemin à faire pour prévenir le risque ou à tout le moins diminuer les effets d’une prochaine crise financière.

Dans une récente lettre publiée dans Foreign Policy, elle soutient que nous sommes plus en sécurité qu’en 2008, mais qu’il faudra encore bien des efforts pour pouvoir l’être suffisamment. La directrice du FMI reconnaît que des progrès ont été accomplis depuis la crise de 2008. Les banques doivent conserver plus de liquidités et de fonds propres. Les États sont intervenus pour limiter les risques systémiques posés par les institutions jugées « trop grosses pour faire faillite ». Des tests de résilience des banques sont régulièrement administrés et les outils pour suivre la stabilité financière se sont vus bonifiés.

De son côté, le FMI a lui-même amélioré sa capacité à analyser et suivre les sources de risque systémique. En collaboration avec les gouvernements nationaux, il s’est efforcé d’identifier les zones à risque, tel un endettement trop élevé des consommateurs ou des entreprises, à développer des outils pour contrôler les risques et à renforcer l’analyse des systèmes financiers.

EXPLOSION DE L’ENDETTEMENT

Mais le portrait n’est pas rose partout, loin s’en faut. Christine Lagarde déplore l’envol de l’endettement non financier. En 2017, il atteignait 182 trillions de dollars américains (241 billions de dollars canadiens), une augmentation de près de 60 % en dix ans.

Aux États-Unis, la demande des investisseurs pour de la dette émise par des entreprises très endettées a fait baisser les critères de souscription, augmentant le risque de défaut par les emprunteurs les plus faibles.

Dans les pays émergents, la dette publique atteint ses plus hauts niveaux depuis la crise de la dette des années 1980 et pourrait mener certains États pauvres aux portes de la faillite.

FINANCE NON TRADITIONNELLE ET TECHNOLOGIQUE

La finance non bancaire inquiète aussi la dirigeante du FMI. Les organismes de réglementation doivent, selon elle, développer et implanter de nouveaux outils pour gérer les risques qu’elle représente, notamment dans les marchés émergents où sa croissance est très forte. 

La technologie recèlerait quant à elle sa part d’occasions et de risque, notamment les dangers croissants de cyberattaques sur les banques et les marchés boursiers. Les fintechs promettent des services plus accessibles, moins chers et dans certains cas plus efficaces, mais présentent aussi des risques, pas toujours bien compris, aux investisseurs, aux consommateurs et à la stabilité financière mondiale.

LE VRAI TEST RESTE À VENIR

Les avancées sur le plan réglementaire n’ont pas encore vraiment été testées. Si les conditions financières se resserraient d’un coup, par exemple à la suite d’une forte remontée des taux d’intérêt ou d’une forte baisse du prix des actifs, des zones de vulnérabilité apparues après une décennie dopée aux bas taux d’intérêt pourraient se trouver exposées.

L’an dernier, des investisseurs sont sortis des marchés émergents en raison de la montée du dollar, des taux d’intérêt américains et des tensions commerciales. Selon le FMI, en cas de resserrement financier drastique et soudain il y a une petite chance que les sorties de capitaux de ces pays (incluant la Chine) atteignent 100 milliards de dollars américains (133 milliards de dollars canadiens). L’équivalent des sorties de capitaux qui ont marqué la dernière crise financière.

Le contexte économique reste tout aussi incertain. La croissance mondiale demeure forte, mais ralentie. Le soutien au système multilatéral et ouvert d’échanges internationaux diminue et les tensions commerciales pourraient augmenter.

De leur côté, les banques centrales doivent naviguer sur la fin d’une expérience monétaire sans précédent. Aux États-Unis, la Réserve fédérale pourrait devoir augmenter ses taux plus que prévu si les baisses d’impôt aux entreprises gonflaient l’inflation plus rapidement qu’anticipé.

GARDER LE CAP

Comment répondre à cet éventail de risques? D’abord en complétant les réformes de la réglementation financière et surtout en résistant à la tentation de reprendre le chemin de la dérèglementation. Les exigences quant aux liquidités détenues par les banques devraient continuer de grimper. La taille et la complexité des banques demeurent un vecteur de risque auquel il faudrait s’attaquer. Il reste aussi du progrès à faire dans les procédures de résolution des banques en faillite, notamment celles qui ont des activités internationales.

Les banques centrales doivent, par ailleurs, reconstruire leurs arsenaux fiscaux et monétaires, qui ont été affaiblis par leur intervention lors de la crise de 2008 et les années qui l’ont suivie. Cela nécessitera de réduire les déficits publics et de ramener graduellement les taux d’intérêt à des niveaux plus normaux. 

S’ATTAQUER AUX PROBLÈMES FONDAMENTAUX

Les changements climatiques doivent aussi être reconnus et combattus. Ils posent des risques plus fondamentaux, tant sur le plan de la stabilité financière que sur le plan social. L’automatisation est un autre de ces changements profonds, qui exige que les États investissent massivement dans la formation de leurs travailleurs. 

Pour Christine Lagarde, plusieurs des mesures nécessaires pour rendre le monde plus sécuritaire dépend de la collaboration internationale, sur des questions de finances et de commerce, mais aussi des sujets sociaux tels l’environnement et les réfugiés. Ce rappel sera-t-il entendu, dans un climat de tensions où les États cherchent tous à tirer la couverture de leur côté, quitte à la déchirer?

La rédaction