Stephen Poloz explique la baisse du taux directeur

Par La rédaction | 6 mars 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada.
Photo : G20 Argentina / Wikemedia creative commons

Stephen Poloz, directeur de la Banque du Canada (BoC), a détaillé les motivations derrière la récente baisse du taux de la BoC lors d’un discours présenté devant les membres de l’organisme Women in Capital Markets.

Rappelons que mercredi, la BoC faisait passer son principal taux de 1,75 % à 1,25 %. Cette coupe assez drastique se veut une réponse vigoureuse aux effets négatifs du COVID-19 sur l’économie mondiale et surtout canadienne.

Le coronavirus aura donc eu raison de la détermination de M. Poloz, qui résistait depuis un an à l’élan de recul qui gagnait les banques centrales. Le Canada a cette fois suivi le mouvement lancé par la Réserve fédérale américaine, qui a surpris en abaissant sont taux de 0,5 point de base. Les banques centrales australienne et malaisienne ont aussi diminué le leur de 0,25 point de base. 

EFFET STABILISATEUR

Ce qui inquiète Stephen Poloz, c’est surtout l’érosion de la confiance des consommateurs et des entreprises, qui pourrait créer un ralentissement économique persistant même une fois le coronavirus jugulé. Cette peur explique que la BoC ait remonté son taux alors qu’elle a longtemps craint que cela alimente le niveau déjà jugé très élevé de dettes hypothécaires au pays. 

Cette fois, la BoC croit qu’au contraire, des taux plus faibles pourraient stabiliser le marché. Des consommateurs moins optimistes se convaincraient quand même d’acheter des propriétés, encouragés par des taux hypothécaires plus avantageux. Jeudi, Desjardins, la Banque Royale, TD, Banque Scotia, BMO, CIBC, la Banque Laurentienne, B2B Bank et HSBC ont toutes abaissé leur taux préférentiel de 50 points de base, à 3,45 %. 

Le coronavirus a des effets bien concrets sur l’économie mondiale dans plusieurs régions. Il fait dérailler les chaînes d’approvisionnement, notamment celles – nombreuses – dans lesquelles la Chine joue un rôle important. Il a déjà entraîné vers le bas le prix des matières premières et provoqué une solide correction boursière. Le prix du pétrole a chuté de près de 20 % depuis le début de 2020. 

LE NERF DE LA GUERRE : LA CONFIANCE

Toutefois, la BoC se soucie surtout du risque de voir les effets du virus perdurer une fois la situation revenue à la normale. « La confiance des consommateurs et des entreprises pourrait rester faible plus longtemps, ce qui causerait un ralentissement plus persistant de la croissance économique, précise M. Poloz. Il pourrait y avoir des mises à pied à long terme, par exemple. Pour le moment, on ne sait pas comment les choses vont évoluer. »

L’inquiétude est amplifiée par le fait que le plus récent rapport économique de Statistique Canada pour le quatrième trimestre de 2019 souligne une décélération significative de l’économie canadienne à la fin de l’année précédente. Certes, l’arrivée précoce de l’hiver, qui a ruiné certaines récoltes, la grève au Canadien National et la fermeture de l’usine de General Motors à Oshawa ont joué, mais même en dehors de ces événements ponctuels, la croissance avait été inférieure à 1 %.

Des facteurs plus structurels sont donc aussi responsables, telles la faiblesse continue des exportations, la baisse des investissements des entreprises et la modération de la reprise dans le secteur du logement.

Ce sont les dépenses de consommation qui ont soutenu l’économie, alimentées par l’optimisme des consommateurs, elle-même générée par la vigueur du marché de l’emploi. Si le ralentissement vient saboter ce marché du travail, la réaction en chaîne pourrait porter un dur coup à notre économie. 

Bref, si elle ne peut combattre le coronavirus, « la politique monétaire peut toutefois contribuer à en atténuer les effets sur la confiance des consommateurs et des entreprises pour aider l’économie à traverser la situation », résume M. Poloz. Cet effort se fait en coordination avec les autres banques centrales et évoluera en fonction de l’amélioration ou de la détérioration de la conjoncture.

La rédaction