Vers une guerre des monnaies?

Par La rédaction | 8 juillet 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Dilok Klaisataporn / 123RF

Les États-Unis se plaignent depuis longtemps de la sous-évaluation du yuan, la devise chinoise. Donald Trump a aussi fait ce reproche aux pays de la zone euro. Voilà qu’il menace de répondre par la bouche de ses canons, rapportent Les Echos.

Déjà, en juin dernier, le président américain avait publiquement dénoncé la décision du président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, de poursuivre ses mesures de stimulation de l’économie. Ce dernier avait notamment évoqué la possibilité de nouvelles baisses du taux d’intérêt. Une annonce qui avait immédiatement fait chuter l’euro par rapport au dollar américain. 

Fidèle à son habitude, c’est par la voie de Twitter que le président américain a de nouveau accusé la Chine et l’Europe de manipuler à la baisse la valeur du yuan et de l’euro afin d’augmenter leur compétitivité, notamment face aux États-Unis. C’est ce que l’on appelle les « dévaluations compétitives ». 

ŒIL POUR ŒIL

En réaction, Donald Trump brandit la « loi du talion ». Tout pays qui affaiblirait sa monnaie contre le dollar se verrait ainsi rapidement frappé d’une riposte. Le Trésor américain interviendrait en achetant cette devise, afin d’en augmenter la demande et donc de faire grimper sa valeur. 

Le Trésor américain a la latitude pour procéder sans nécessiter l’aval du Congrès. Il dispose en outre d’une réserve de 22 milliards de dollars dans un fonds de stabilisation des changes. Le Trésor américain s’était livré à une opération de ce type entre 1988 et 1990. La Réserve fédérale pourrait aussi être appelée en renfort. Cette institution n’a toutefois jamais été en faveur d’une intervention sur les devises, sauf en cas de crise. Cela pourrait bien relancer les tensions entre le président américain et la banque centrale américaine. 

BAISSE DES EXPORTATIONS

C’est la baisse des exportations américaines (hors pétrole) depuis le début de l’année qui agace Donald Trump. Elle survient au moment où le billet vert se maintient de manière très stable. Il n’a baissé que d’à peine 1 % depuis le début de l’année. Selon Bank of America-Merrill Lynch, son taux de change réel serait de 13 % au-dessus de sa moyenne de long terme, soutenu par la vigueur de la croissance américaine. À l’inverse, l’euro serait sous-évalué d’environ 15 %, selon des analystes.

MAUVAIS DIAGNOSTIC

Mais le diagnostic de Trump est-il le bon? Joseph Gagnon et Christopher Collins, économistes au Peterson Institute for International Economics, ne le croient pas. Ils rappelaient en juin que les manipulations de change des autres pays sont en recul partout. En 2018, elles sont tombées à leur plus bas niveau depuis 2001. L’an dernier, seuls Singapour, la Norvège et Macao sont intervenus significativement et de manière récurrente afin d’affaiblir leurs monnaies, pour un montant cumulé de 106 milliards de dollars.

La Chine a adopté une posture neutre l’an dernier, après avoir vigoureusement manipulé son taux de change entre 2003 et 2013, puis soutenu sa monnaie en 2015-2016. D’autres pays asiatiques, tels la Corée, Taiwan, le Vietnam et la Thaïlande, sont aussi intervenus sur le marché des changes au cours des trois dernières années, rappellent Les Echos. 

Après la guerre commerciale, Donald Trump se lancera-t-il dans une guerre des monnaies?

La rédaction