Wall Street aurait pu réagir bien avant

Par La rédaction | 10 Décembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : alphaspirit / 123RF

Après avoir ignoré les signes de troubles économiques pendant des mois, les marchés américains connaissent un retour de bâton et ne peuvent plus faire semblant de les ignorer. La semaine dernière, l’indice S&P 500 a ainsi connu sa plus forte baisse hebdomadaire depuis mars 2018, rapporte le Financial Post.

Depuis cet été, les investisseurs américains ont à peine réagi à plusieurs signes de troubles. Ainsi, la guerre commerciale qui a éclaté entre leur pays et la Chine les a à peine affectés, les marchés ont encore continué à grimper même quand la Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé d’augmenter ses taux, et finalement, le marché américain n’a pas pris en compte le ralentissement des grandes économies mondiales.

Tous ces éléments ont fini par entraîner une baisse de 4,6 % de l’indice le plus représentatif du marché boursier américain, le S&P 500. De plus, de nouvelles révélations sur Donald Trump et la Russie ainsi que des allégations de paiements illégaux afin de taire un scandale sexuel lors de sa campagne de 2016 pourraient engendrer davantage de volatilité sur les marchés.

UN ACCORD COMMERCIAL LITIGIEUX

La récente arrestation de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei Technologies, a mis de l’huile sur le feu dans les relations entre Washington et Pékin. Cela n’aide en rien Robert Lighthizer, la personne chargée de diriger les négociations entre la Chine et les États-Unis, qui a déclaré qu’il considérait qu’il serait difficile d’arriver à un accord en mars, comme il était initialement prévu.

« Tous les yeux sont rivés sur le moindre commentaire sur cet accord parce que son influence sur la croissance est très important », selon les dires de Rick Rieder, directeur des investissements des revenus fixes globaux chez Black Rock, rapportés par le Financial Post.

Ainsi, lundi dernier, en raison de la rencontre entre le président Trump et le président chinois Xi Jinping, qui ont convenu de suspendre tous nouveaux droits de douane pendant 90 jours, les marchés ont bondi de 1,1 %. Le lendemain, le S&P 500 a plongé de 3,2% alors que le président américain publiait un gazouillis semblant relancer l’impasse commerciale.

L’arrestation de la directrice financière de Huawei a eu une incidence sur les négociations jeudi : les actions ont chuté de 2,9 %. Si les marchés ont récupéré l’essentiel des pertes, ils ont quand même terminé la journée en baisse.

À noter aussi que la guerre commerciale a déjà eu des conséquences néfastes sur l’économie mondiale. La Chine croît à son rythme le plus lent depuis près d’une décennie. Les principaux indices boursiers du monde ont chuté. Les actions chinoises sont en baisse de plus de 20 %, tout comme les actions allemandes. Au Japon, les actions sont en baisse d’environ 5 %, et au Royaume-Uni, de plus de 10 %.

Les États-Unis et Wall Street faisaient exception grâce, en partie, aux mesures de relance alimentées par le déficit et à une réduction des impôts. Le taux de chômage national est de 3,7 %, son niveau le plus faible depuis près de 50 ans. Les bénéfices et les salaires des entreprises augmentent à leur rythme le plus rapide depuis des années.

FIN DE LA PÉRIODE DORÉE

Cependant, aux États-Unis, des signes de faiblesse apparaissent, en particulier dans des secteurs de l’économie sensibles à la hausse des coûts d’emprunt. Ainsi, les ventes de logement ont diminué ces huit derniers mois, alors que les taux d’intérêt des prêts hypothécaires fixes à 30 ans ont augmenté. Les ventes mensuelles d’automobiles ont plafonné.

Outre l’enquête sur l’ingérence de la Russie dans l’élection présidentielle de 2016 et l’accord litigieux entre la Chine et les États-Unis, on compte encore beaucoup d’autres risques politiques et économiques comme les efforts pour négocier le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne et les troubles sociaux en France.

Le marché boursier commence à refléter ces préoccupations. Les investisseurs s’inquiètent des perspectives de bénéfices de sociétés pour l’année prochaine.

« Nous sommes très attentifs à notre position dans le cycle. Nous sommes bien placés pour faire face à un ralentissement économique et nous faisons preuve de la plus grande prudence » a déclaré Gregory Carmichael, directeur général du prêteur Fifth Third.

Cette prudence des investisseurs pourrait avoir une incidence négative sur l’économie, car les prêteurs pourraient décider de retirer leurs financements.

LA RÉSERVE FÉDÉRALE VA-T-ELLE RELEVER SES TAUX?

Cette question obsède les investisseurs. Les différentes hausses des taux d’intérêt de la banque centrale américaine et le frein sur les autres mesures de relance de l’ère de la crise financière qui ont contribué à l’essor de l’investissement mondial au cours de la dernière décennie contraignent les investisseurs en actions en faisant de la dette publique une solution plus attrayante. Ces taux plus élevés, en particulier en période d’incertitude, signifient également que les entreprises ayant besoin de prêts à faible coût devront dépenser davantage pour couvrir leurs obligations.

La Fed a donc une forte influence sur Wall Street. Ainsi, les actions du mois d’octobre ont chuté de 6,9 % après les commentaires de son président, Jerome Powell, au début du mois, lequel semblait indiquer que la Fed envisageait de relever ses taux de manière plus agressive que le marché avait prévu.

Finalement, les actions ont bondi à la suite de la déclaration de Jerome Powell qui a annoncé que le taux d’intérêt de référence de la Fed était « juste au-dessous » du niveau neutre. Les investisseurs en ont déduit qu’il s’agissait d’un signe que la banque centrale pourrait opter pour des mesures moins agressives qu’annoncées.

En considérant le tumulte des marchés et la trajectoire toujours plus incertaine de l’économie, la Fed pourrait effectivement décider de ne pas relever ses taux d’intérêt lors de sa prochaine réunion à la mi-décembre.

La rédaction