Entre diversification et éparpillement

Par Sylvain B. Tremblay | 1 juin 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Mes 30 années d’expérience en gestion de portefeuille m’en ont fait voir de toutes les couleurs. Parmi les bévues les plus communes que commettent les épargnants se trouve la confusion quant à la diversification idéale de leurs avoirs. Certains ne saisissent pas bien ce que veut dire « diversification ». D’autres mettent trop l’accent sur l’immobilier et pas assez sur les valeurs mobilières. Une chose est sûre, ce concept est souvent mal compris.

De quoi ­est-il question lorsqu’on parle de diversification d’un portefeuille ? ­Comme la plupart des épargnants ont dû s’en apercevoir au cours des dernières années, les taux d’intérêt offerts par les banques et autres institutions financières ainsi que les taux sur les obligations fédérales, provinciales, municipales et d’entreprises sont faméliques. L’époque au cours de laquelle nous pouvions vivre des intérêts sans entamer notre capital est bel et bien révolue.

Il faut donc désormais user de stratégie afin d’obtenir plus de rendement sur nos placements, ce qui passe obligatoirement par une meilleure diversification. Aux fins de notre exemple, résumons notre modèle à trois grandes catégories de placements : le revenu fixe (dépôts à terme et titres de créance), qui offre généralement plus de sûreté, mais a un potentiel de rendement passablement faible, les actions canadiennes, puis les actions étrangères, ces deux dernières catégories présentant un meilleur rendement sous forme de dividendes et un plus grand potentiel de croissance, mais étant par contre plus volatiles.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’il s’agit de répartir les éléments d’actif dans chacune de ces catégories afin que le portefeuille soit représentatif du degré de tolérance au risque du client, préalablement établi lors d’une consultation avec son planificateur financier préféré. Ainsi, une tolérance au risque moyenne correspondra à un portefeuille équilibré, composé à 50 % de titres à revenu fixe et 50 % d’actions (canadiennes et étrangères). Jusqu’ici, tout va assez bien.

LA MULTIPLICATION, UN MAUVAIS CALCUL

C’est souvent lors du déploiement de la stratégie que tout se corse. Pourquoi investir 50 % de son portefeuille dans huit fonds obligataires, 25 % dans onze fonds d’actions canadiennes et le reste dans six fonds d’actions mondiales auprès de six différents émetteurs ? ­En creusant un peu, on se rend compte que l’épargnant paie près de 3 % en frais de gestion annuels et que son rendement sur 10 ans est tout aussi famélique que s’il avait investi dans des certificats de placement garanti (CPG) à la banque du coin. ­

Aurait-il trop diversifié ses avoirs ? ­Possible. On parle ici d’une « surdiversification » par fonds communs, mais elle peut être tout aussi possible par titres. Imaginez-vous le coût de mise en place et de maintien d’un portefeuille d’actions d’une centaine de titres ? J’ai déjà vu ça… ­Le consommateur les aimait tous, il ne voulait pas s’en séparer. Un vrai collectionneur ! ­Et si l’on veut ainsi reproduire l’indice ­TSX, pourquoi ne pas tout simplement investir dans un fonds négocié en ­Bourse (FNB) ? ­Le client réalisera ici une économie substantielle.

D’autres pensent aussi diversifier en investissant auprès de différentes institutions financières. Il y a quelques années, j’ai rencontré un consommateur de 71 ans qui détenait 11 comptes ­REER distincts dans six banques et deux caisses populaires, en plus des comptes ­REER du conjoint. Il en avait perdu le contrôle depuis déjà bien des années et il m’avait donné le mandat de tout rapatrier auprès de mon institution. Je n’ai malheureusement pas eu le temps de compléter mon mandat, le client est mort avant…

Il fut un temps (cette époque lointaine où les ­CPG donnaient 10 % de rendement…) où l’on recommandait aux épargnants de ne pas placer plus de 100 000 $ dans des ­CPG par institution financière parce qu’il s’agit du montant maximum couvert par la ­Société d’­assurance-dépôts du ­Canada. C’est encore vrai… bien que je connaisse très peu de gens qui misent sur les ­CPG ces ­temps-ci ! ­Et outre cette relique du passé, il n’y a aucune raison logique de diversifier « par institution ».

TROUVER L’ÉQUILIBRE

Existe-t-il un nombre idéal de titres à détenir par catégorie ? ­Je crois qu’un portefeuille d’actions canadiennes qui contient une quarantaine de titres permet une bonne exposition aux secteurs les plus intéressants du marché et une exposition acceptable au risque. En ce qui concerne les titres à revenu fixe, les prix payés par un épargnant au détail sont souvent bien trop élevés comparativement à ceux que déboursent les investisseurs institutionnels. Il est alors préférable d’utiliser un ou deux ­FNB, permettant ainsi de mieux gérer la durée des investissements et de contrôler l’exposition au risque de fluctuation des taux d’intérêt.

Quant aux actions mondiales, pourquoi ne pas tout simplement y aller avec une combinaison de ­FNB permettant de s’exposer au potentiel de croissance des pays qu’a choisis votre client ? ­Comme ce ne sont pas tous les gestionnaires qui réussissent à battre l’indice, pourquoi payer 3 % de frais pour une gestion active quand un ­FNB qui réplique cet indice n’en coûte que 0,25 % ?

Recette simple, me ­direz-vous. Mais n’oubliez jamais que les recettes les plus simples sont souvent les meilleures!

sylvain_b_tremblay_thumb_150x150 Sylvain B. Tremblay, ­Adm.A., ­Pl. Fin., est ­vice-président, ­Gestion privée à ­Optimum ­Gestion de placements.


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2018 de Conseiller.

Sylvain B. Tremblay