Épargne collective : L’AMF veut donner les rênes au MFDA

Par Gérard Bérubé | 30 mars 2007 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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(30-03-2007)Les conseillers en épargne collective sont inquiets. L’Autorité des marchés financiers a lancé son processus de consultation sur l’encadrement de ce secteur en jouant la carte de l’harmonisation pancanadienne. Loin d’entrevoir un allégement des exigences réglementaires, les plus petits cabinets croient plutôt assister à l’émergence d’un nouvel organisme d’autoréglementation. Et ils voient se profiler le spectre de l’option privilégiée par l’AMF : l’Association canadienne des courtiers en fonds mutuels(ACCFM), mieux connue sous son acronyme anglais, le MFDA.

« Ils veulent mettre un palier entre moi et eux. Il appartient donc à l’AMF de nous convaincre qu’il nous faut un nouvel OAR », commente Michel Marcoux, président d’Avantages services financiers. « Cette structure additionnelle n’est pas sans comporter des frais supplémentaires que l’industrie n’a pas à absorber », renchérit-il, en déplorant un quatrième changement réglementaire en dix ans. « Ça sent drôlement l’improvisation! »

Daniel Bissonnette, vice-président exécutif de Planifax, exprime également des réserves. « Nous privilégions moins de barrières à l’entrée et moins de réglementation. Or, ce qui est proposé ici va dans l’autre sens et contredit l’esprit du rapport intérimaire de la Commission des finances publiques », déposé le 20 février dernier. « Cela se veut un frein à la relève », déplore M. Bissonette.

Au ministère des Finances, on s’est abstenu de commenter. « Ce serait prématuré. Le processus de consultations est en cours », déclare le responsable des relations avec les médias, Jacques Delorme.

L’AMF a déposé son document de consultation relative à l’encadrement du secteur de l’épargne collective, qui s’inscrit à l’intérieur de son projet de réforme de l’inscription, nommé Règlement 31-103. L’Autorité s’est empressée de délimiter la patinoire, en proposant « d’assujettir les cabinets en épargne collective et leurs représentants au régime pancanadien harmonisé ».

Ayant pour cible l’entrée en vigueur du régime de passeport, prévue pour 2008, l’AMF insiste sur une « mise à niveau du régime d’inscription actuel des intermédiaires » qui respectera les paramètres d’un « encadrement harmonisé ». On rejette donc, d’emblée, le statu quo, pour reconnaître plutôt la pertinence d’un organisme d’autoréglementation sectoriel.

Plaidant l’asymétrie réglementaire, l’Autorité va plus loin en rappelant que les cabinets en épargne collective ne sont pas tenus: – à un système d’inscription permanent identique à celui prévu par la Loi sur les valeurs mobilières; – d’adhérer à l’ACCFM ou à tout autre OAR; – de souscrire une police d’assurance d’une institution financière(ils doivent plutôt souscrire à une assurance couvrant leur responsabilité en cas d’erreurs ou d‘omissions); – de maintenir et de calculer leur capital réglementaire selon les exigences présentement en vigueur dans les autres provinces.

« L’Autorité considère que ces exigences particulières ne peuvent s’inscrire dans un régime de passeport pour l’inscription et que, par conséquent, leur maintien n’est plus justifié. »

Hausse des normes de capitalisation Parmi les conséquences évoquées, « les cabinets en épargne collective et leurs représentants, qui sont présentement régis par la Loi sur la distribution de produits et services financiers, seraient dorénavant régis par la Loi sur les valeurs mobilières ». Les normes de capitalisation seront également rehaussées. « En ce qui a trait au capital liquide net et aux exigences d’assurance d’institution financière, les cabinets en épargne collective, qui deviendront des courtiers en épargne collective, seraient tenus aux règles de l’ACCFM; ils seraient également tenus au dépôt du Rapport et questionnaire financiers de l’ACCFM dans sa totalité. » Enfin, le paragraphe de la Loi sur les valeurs mobilières, qui interdit le double emploi du représentant du courtier de plein exercice auprès d’une institution financière, serait abrogé.

Ce constat étant, l’AMF rejette d’entrée de jeu le statu quo et retient trois options: – la reconnaissance de l’ACCFM, avec juridiction exclusive sur les firmes et les représentants en épargne collective du Québec; – la reconnaissance de l’ACCFM mais avec impartition à la Chambre de la sécurité financière(CSF)des fonctions relatives aux représentants; – la reconnaissance de la CSF comme OAR sectoriel avec adoption par la CSF de toutes les règles de l’ACCFM.

« Exigences minimales accrues en matière de fonds de roulement, augmentation des frais de permis, ajout de coûts liés à l’inspection, à la conformité… En clair, au lieu des les éliminer, on augmente les barrières à l’entrée. Et on réduit l’offre de services. Nous sommes des entreprises extrêmement sensibles aux coûts », martèle Daniel Bissonnette.

Le vice-président exécutif de Planifax se réfère à un article paru dans l’édition de décembre 2006 d’Advisor’s Edge Report portant sur les contrecoups de la création de l’ACCFM(en anglais, MFDA), en 1998. « Les conséquences ont été désastreuses pour les petits cabinets dans le reste du Canada », résume-t-il. Le nombre de firmes membres de la MFDA est passé de 220 en 2002 à 170 présentement. Les exigences de l’Association en matière de réglementation, de supervision et de support technologique sont trop élevées pour les petits cabinets.

Selon une source citée par Advisor’s Edge Report ayant fait le saut chez Dundee, « la MFDA a été une erreur. La MFDA n’a fait, en réalité, que prendre ce que faisait la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, pour le copier, l’imprimer et en faire son propre livre de règlements. Donc, loin d’avoir atteint son objectif de simplification, la MFDA a simplement ajouté un autre palier d’une égale complexité. »

Au demeurant, une telle structure, plus conforme à la domination qu’exercent les grandes institutions dans le reste du Canada, ne répond pas à la réalité québécoise, qui s’articule autour d’un nombre accru de cabinets indépendants. « Par souci d’harmonisation, on facilite l’entrée au Québec de quelque 200 firmes extérieures pour finalement plaire à trois ou quatre grands joueurs québécois », constate Michel Marcoux. Le spécialiste en fonds d’investissement rappelle que peu de cabinets locaux font affaire hors Québec. Et quant à la norme de capitalisation, qu’il souhaiterait abaissée plutôt que resserrée, « je ne vois pas la relation entre la santé financière et la qualité du conseil », commente-t-il.

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Gérard Bérubé