Épargne-retraite : son de cloche différent

Par Alexandre Daudelin | 30 septembre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Onde de choc! Un récent rapport de Morneau Sobeco rapporte que la crise de la retraite a été exagérée parce que nous avons tendance à surestimer notre objectif de revenu de retraite et à sous-estimer notre actif. Dans les faits, selon le rapport, une importante cohorte de la population canadienne épargne beaucoup trop, ce qui fait largement contraste avec ce que nous avons l’habitude d’entendre.

Depuis des décennies, les Canadiens se font dire qu’ils doivent viser 70 % du salaire de fin de carrière. Pour les épargnants à salaire élevé, ce pourcentage est évidemment trop élevé. Cette dernière affirmation est d’ailleurs appuyée par les travaux de recherche de Keith Horner, un spécialiste en la matière, qui conclut que l’objectif de revenu de retraite neutre est d’environ 50 % pour une famille biparentale gagnant 100 000 $.

Pour en arriver à une telle conclusion, le rapport que les retraités n’ont pu à payer certaines dépenses annuelles comme les déductions du RPC/RRQ et de l’assurance-emploi, l’épargne-retraite, ainsi que certaines dépenses reliées à l’éducation des enfants, à l’emploi et aux paiements du prêt hypothécaire.

Plus concrètement, voici quelques chiffres sur lesquels se base l’étude. L’Institut Vanier de la famille soutient qu’il en coûte environ 9 000 $ par année pour élever un enfant. Ce montant ne tient pas compte des écoles privées, des camps d’été et des vacances – toutes des dépenses normalement défrayées par des familles à revenu élevé. Les paiements hypothécaires annuels de 20 000 $ représentent 20 % du revenu, ce qui est bien inférieur aux 30 % recommandés par les banques. Par conséquent, cette famille a autant de revenu disponible que la plupart des familles gagnant 100 000 $ et elle est mieux nantie que le ménage canadien moyen.

En résumé, si nous déduisons 48 900 $ des dépenses avant la retraite, le revenu disponible revient à 51 100 $. En d’autres mots, après avoir soustrait les dépenses qui sont normalement acquittées avant la retraite, notre couple vit avec seulement 51 % de son salaire brut, un chiffre qu’avance également M. Horner dans son étude.

Changement de paradigme Ce résultat représente un changement de paradigme important. Pour maintenir le même niveau de vie à la retraite, il faut simplement toucher un revenu adéquat pour défrayer les dépenses discrétionnaires, et ce, même si le revenu global subit une baisse. Cette conclusion est significative en raison de son incidence sur l’épargne-retraite et les dispositions des régimes de retraite.

Pour en arriver à ces calculs, l’étude tient compte de certains facteurs : l’inflation (2 %), le rendement réel des actifs (3 %), les hausses salariales (3 %), le taux d’épargne-retraite (9 %) et l’âge de la retraite (62 ans).

Les revenus des différentes sources devraient aussi être pris en compte dans la planification de la retraite. Il y a d’abord les revenus provenant de la Sécurité de la vieillesse (SV) et du Supplément de revenu garanti (SRG) ainsi que du Régime de rentes du Québec (RRQ). Puis, il y a les sommes accumulées dans les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER), les régimes de participation différée aux bénéfices (RPDB) ou les régimes de retraite agréés (RRA).

S’ils n’avaient pas d’autres sources de revenu, les Canadiens pourraient effectivement être confrontés à une crise de la retraite en raison de la faible participation aux régimes de retraite agréés.

Mais d’autres éléments d’actif peuvent être aussi utilisés pour les besoins de la retraite. Pensons à la valeur acquise des biens immobiliers, à l’épargne imposable (des actions, des obligations, un régime de retraite collectif, un régime d’actionnariat privilégié offert par l’employeur, etc.), à l’argent épargner dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ou encore à des sommes reçues via des héritages.

Ces dernières sources d’actif variables pourraient permettre à un bon nombre de Canadiens de se renflouer. De tels éléments d’actif peuvent être utilisés de manières différentes. Par exemple, certains pourraient vendre leur résidence principale à la retraite en échange d’une maison plus petite et moins dispendieuse, et capitaliser ainsi un revenu supplémentaire.

À l’inverse, ceux qui n’ont eu accès à ces sources de revenus pourraient fort bien ne pas atteindre leur objectif de revenu de retraite.

Asymétrie Évidemment, ce n’est pas la totalité de la population qui possède une maison. Encore moins, qui a accès à un régime de retraite à prestations déterminées de leur employeur, loin de là, surtout dans le secteur privé.

Pour ceux qui ne peuvent profiter d’un tel régime, le taux d’épargne personnel devient très important pour atteindre 50 % de ses revenus à la retraite, surtout s’ils n’ont pas accès à une forme de régime de retraite.

Or, seulement 15 % des Canadiens de moins de 45 ans ont un plan en vue de la retraite (25 % chez les plus âgés). Plus inquiétant encore, moins du tiers des contribuables au pays cotisent à un REER. Cela démontre bien que pour la plupart des Canadiens risquent plutôt de vivre à un niveau moins élevé à la retraite que lors de leurs années actives.

Alexandre Daudelin