Évasion fiscale : les professionnels dans la mire des autorités

Par Pierre-Luc Trudel | 11 octobre 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Alors que les poursuites pénales pour évasion et fraude fiscales se multiplient, les professionnels de l’industrie financière ont tout intérêt à savoir précisément ce qui distingue l’évitement fiscal de l’évasion fiscale. Car les conséquences peuvent être très graves pour ceux qui ne seraient pas en mesure de bien tracer cette limite.

Pas moins de 2 671 entités sont sous la loupe de l’Agence du revenu du Canada dans la foulée des révélations des Panama Papers. Dans un tel contexte, il est plus que temps que la communauté juridique et fiscale s’interroge sur la responsabilité fiscale pénale des professionnels qui peuvent être impliqués, de près ou de loin, dans des dossiers de fraude fiscale, a affirmé mercredi l’avocat Christopher R. Mostovac lors du congrès annuel de l’Association de planification fiscale et financière (APFF).

« Pour qu’il y ait évasion ou fraude fiscale, on doit être en présence d’un acte coupable et d’une intention coupable. C’est l’intention, ou l’état d’esprit, qui est au cœur de l’évasion », explique-t-il.

Plus concrètement, l’évasion ou la fraude fiscale se produit lorsqu’un individu prend des moyens malhonnêtes pour éviter de payer de l’impôt, sachant que ce dernier est dû. L’impôt est alors éludé dans l’intention de tromper, ce qui causera ou pourra causer, en toute conscience, une privation à autrui.

« Cette intention de tromper le fisc doit être prouvée par des faits », indique toutefois Me Mostovac.

De son côté, l’évitement fiscal vise plutôt à tenter de réduire la facture d’impôt par des moyens à la limite de la légalité, sans nécessairement cacher des sommes précises que l’on sait dues au fisc. Selon l’Agence du revenu du Canada, l’évitement fiscal survient « lorsqu’un contribuable réduit ou élimine l’impôt dû au moyen d’une ou de plusieurs transactions qui respectent la lettre de la loi, mais qui contreviennent à l’esprit et à l’intention de cette loi ».

DES CONSÉQUENCES GRAVES

Contrairement à l’évasion fiscale, l’évitement fiscal n’a pas de conséquences pénales. Cette distinction est capitale pour les professionnels qui engagent leur responsabilité fiscale pénale.

« Les conséquences d’une condamnation sont non négligeables pour les professionnels et les gens qui travaillent en périphérie », insiste Me Mostovac.

Pour appuyer ses propos, l’avocat a présenté une liste de plusieurs professionnels condamnés dans des affaires d’évasion et de fraude fiscales, surtout des comptables, mais également des planificateurs financiers.

Un planificateur financier ontarien a par exemple été condamné en juin dernier par la Cour supérieure de l’Ontario à purger six ans d’emprisonnement et à verser une amende de près de 150 000 $ pour avoir aidé à éluder un montant d’impôt de 2,7 millions de dollars. Un comptable agréé québécois a également écopé de 12 mois d’emprisonnement et d’amendes totalisant plus de 435 000 $, soit le montant d’impôt qui n’a pas été payé au fisc.

Même les employés de soutien des professionnels ne sont pas à l’abri. Deux secrétaires québécoises ont par exemple été condamnées à purger, en 2009 et en 2013, plusieurs mois d’emprisonnement dans des affaires d’évasion fiscale.

« Elles n’avaient pourtant rien à gagner à être liées à de telles fraudes. Cela démontre que les portes sont ouvertes pour accuser n’importe qui impliqué de près ou de loin dans des dossiers d’évasion fiscale », prévient Me Mostovac.

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Pierre-Luc Trudel