Fin des concours de vente : pourquoi maintenant?

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 15 avril 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La Great-West et Canada-Vie d’abord, puis RBC Assurances, Desjardins et BMO… Une à une, les grandes compagnies d’assurances annoncent l’abolition de leurs concours de vente d’ici les deux prochaines années. Une mesure que certains dans l’industrie prônaient depuis de nombreuses années déjà. Alors, pourquoi maintenant?

«Le monde change, la réalité change, répond Lyne Duhaime, présidente pour le Québec de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP). Aujourd’hui, on fait les choses différemment. Il n’y a qu’à penser à toutes les nouvelles règles de gouvernance. De nos jours, il y a des attentes accrues en termes de transparence.»

Rappelons que dans un document publié le 26 février dernier, l’ACCAP proposait justement d’apporter des changements aux concours de vente pour enrayer l’apparence de conflits d’intérêts.

« Ces décisions des assureurs vont donc dans le sens de la recommandation qui a été adoptée par le conseil d’administration de l’ACCAP, qui est l’organisation qui représente l’industrie, ajoute Mme Duhaime. Le moment est opportun de le faire, je crois. Il y a un consensus à l’effet qu’il est préférable de limiter toute apparence de conflits d’intérêt. »

APPROCHE MARKETING PLUS MODERNE

Même analyse de la part de Mario Grégoire, président du conseil d’administration et directeur général du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF).

«Mon intuition me suggère que le vent de réforme qui souffle actuellement dans le secteur financier n’est pas étranger à cette tendance, écrit-il à Conseiller. Dans notre industrie, il est clair que les conseillers doivent s’écarter des conflits d’intérêts potentiels, car l’indépendance de leur jugement est leur actif le plus précieux. Si certaines institutions sentent le besoin de réformer leur approche marketing pour la rendre plus moderne, le Conseil ne peut qu’applaudir.»

De son côté, Denis Gobeille va plus loin. Ce conseiller en ressources humaines agréé, rédacteur d’un rapport sur la question présenté à l’Autorité des marchés financiers il y a plusieurs années, affirme que les concours avaient une incidence négative sur la relation-client.

«Il faut se demander quel est l’impact des modes de rémunération des employés sur leur façon de travailler, car il y en a forcément un, estime-t-il. Les concours de vente, ça mène à quoi? Eh bien, ça peut faire en sorte que certains tournent les coins ronds. Ça ne favorise pas le conseil.»

Selon lui, si on veut de la valeur ajoutée, c’est une très bonne idée d’arrêter les concours de vente.

«La population québécoise est de plus en plus éduquée. On s’aperçoit aujourd’hui que le client s’attend à obtenir du service-conseil au-delà de la vente de produit. Or le conseil prend du temps, il faut parler. C’est long, plus précis, plus minutieux dans la démarche. Pour bien le faire, il ne faut pas se fixer de délai. Or, dans un concours de vente, il y a toujours une notion de délai. Il faut vendre vite.»

MRCC 2 POUR ASSUREURS

Les grandes compagnies d’assurances en seraient donc venue à la conclusion que les concours de vente appartiennent à une époque aujourd’hui révolue, du fait de la plus forte demande des clients tant en matière de transparence que de conseil.

«Peut-être sont-elles aussi en train d’anticiper, poursuit le conseiller en ressources humaines. Dans le secteur de la finance, il y a le MRCC 2 qui s’implante petit à petit et qui vient régir la relation qu’entretiennent les équipes de vente avec leurs clients. Moi, je prévois que ce modèle va être étendu et appliqué au secteur de l’assurance vie à moyen terme, c’est-à-dire d’ici trois à quatre ans. Il y a de fins stratèges aux hautes directions des organisations, ils doivent se douter que ça s’en vient aussi pour eux. Ils se préparent. Or dans un contexte de grande transparence entre le client et le vendeur, le concours de vente ne serait pas opportun.»

Par quoi devraient être remplacés ces concours de vente? Les conférences sous forme de voyages qu’on pouvait y gagner demeuraient malgré tout des occasions de réseauter et d’obtenir de la formation.

«Ces réformes amèneront des réaménagements au chapitre des allocations de marketing qui, à mon avis, devraient être aiguillées notamment vers des activités de formation, croit M. Grégoire. Et si les institutions financières souhaitent travailler de concert avec notre organisation pour s’assurer que l’innovation en la matière soit enracinée dans l’industrie, nous sommes partants.

Hélène Roulot-Ganzmann