FinTech et régulateurs : c’est compliqué

Par Jean-François Parent | 22 septembre 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les autorités réglementaires financières n’ont toujours pas identifié la meilleure façon d’encadrer l’innovation technologique… si une telle façon existe.

C’est ce qui ressort d’un panel regroupant une brochette de régulateurs tenu au Forum FinTech hier. Finance Montréal, organisateur de l’événement, souhaitait les entendre se prononcer sur leur relation avec les innovateurs.

Ils se sont entendus sur une chose : le déluge de nouvelles technologies et de processus inédits ne peut pas être encadré d’une seule façon. Le défi : réussir à maintenir un carcan réglementaire… sans pour autant nuire à l’efficience des marchés.

« Les institutions dépensent des milliards de dollars pour innover, pour déployer de nouvelles plateformes. Il est alors essentiel pour les régulateurs d’entretenir un dialogue avec elles pour identifier les bonnes façons de légiférer », dit Ryan VanGrack, conseiller principal de la Securities and Exchange Commission.

Il faut cependant gérer les risques que posent les technologies pour les consommateurs. Sauf que le rythme auquel les innovations sont déployées fait qu’il est difficile de maintenir la réglementation à jour, estime pour sa part Jean Lorrain, directeur principal des affaires internationales à l’Autorité des marchés financiers.

« Sans compter que l’on remarque que de plus en plus d’innovations proviennent non pas des participants au marché, mais d’entreprises externes », souligne-t-il.

Le défi est alors de taille : par exemple, comment réglementer les jeunes entreprises (les fameuses start-ups) qui fournissent des produits et services technologiques aux banques? Ou encore, les fournisseurs d’applications mobiles aux courtiers de produits de placement?

À cet égard, les régulateurs admettent du bout des lèvres qu’ils ont parfois du mal à suivre le rythme. « La vitesse à laquelle les innovations surgissent et le nombre de nouveaux produits disponibles sur le marché font en sorte que nous devons souvent nous demander s’il faut proposer de nouvelles règles ou adapter celles qui existent », poursuit Jean Lorrain.

RÉGLEMENTATION SUR MESURE?

Pour Scott Hendry, directeur de la recherche à la Banque du Canada, il est important que tous les joueurs soient traités sur un pied d’égalité d’un point de vue réglementaire. Mais qu’il faut également être souple dans l’application de l’encadrement.

« Cela signifie qu’il ne faut pas réglementer mur à mur, mais plutôt reconnaître que certains petits joueurs doivent pouvoir compter sur des règles adaptées pour eux. Les exigences réglementaires doivent tenir compte des contraintes d’un joueur, contraintes qui sont différentes de celles vécues par les grandes institutions », dit-il.

Une réglementation sur mesure, plus souple, est-elle envisagée? Les approches divergent entre les différents gendarmes financiers.

Pour l’Autorité monétaire de Singapour, par exemple, « les FinTech sont essentielles au développement de l’industrie », explique Tommy Chan, directeur des risques technologiques.

Au Royaume-Uni, la Financial Conduct Authority mise sur le secteur des FinTech pour aider l’industrie à maintenir sa position dominante sur les marchés financiers mondiaux.

Le Canada, au contraire, a été critiqué pour sa relative lenteur à gérer les innovations comme les conseillers-robots. Les régulateurs tardent à faire leur lit relativement à cette nouvelle tendance.

« Ce sont des situations qu’il faut prendre le temps de bien analyser, plaide Jean Lorrain. Nous avons besoin de réfléchir aux changements que cela apportera sur le marché. Il ne fait par contre aucun doute que nous aurons à répondre à cette question dans l’avenir. »

Même son de cloche à Singapour, où le régulateur n’a toujours pas revu sa réglementation pour permettre l’avènement des conseillers-robots, contrairement aux États-Unis, où leur utilisation est de plus en plus fréquente.

Il reste que l’effort réglementaire, partout dans le monde, repose sur une certaine notion de confiance, conclut Scott Hendry, de la Banque du Canada.

« On doit se fier sur les participants du marché pour qu’ils soient foncièrement honnêtes quant aux risques que pose leur technologie pour les consommateurs, et quant aux façons dont ils entendent les mitiger. »

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Jean-François Parent