Fiscalité : trois changements s’en viennent

Par Jean-François Parent | 17 novembre 2015 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Fraîchement arrivé en poste, le ministre fédéral des Finances s’est vu imposer tout un plan de match par Justin Trudeau. Décryptage des trois mesures qui concernent directement votre pratique.

Des 27 projets auxquels le nouveau ministre des Finances Bill Morneau doit s’attaquer, plusieurs comportent des changements importants à la fiscalité des particuliers. Et du coup, à la planification que les conseillers feront avec leurs clients.

« Il s’agit surtout de mesures qui ne sont pas encore définies, mais qui donnent un aperçu de la direction prise par le gouvernement Trudeau », constate Luc Lacombe, associé en fiscalité du cabinet Raymond Chabot Grant Thornton. Il estime par ailleurs que plusieurs devraient être officialisées – et expliquées en détail – dans les prochaines semaines, afin qu’elles entrent en vigueur pour l’année fiscale 2016.

« On retrouve beaucoup de mesures du programme électoral, et je ne serais pas surpris que certaines se retrouvent dans un minibudget déposé avant les Fêtes », dit le fiscaliste. Ce serait le cas notamment pour les plus importantes relativement au conseil financier, qui tablent sur une refonte de plusieurs programmes fiscaux.

Bill Morneau

EXIT LA PUGE

Ainsi, le ministère fédéral des Finances doit faire le ménage dans les programmes ciblant les enfants, en abolissant notamment la Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) et en établissant une nouvelle Allocation canadienne aux enfants.

« On veut remplacer toutes les prestations actuelles par une seule, non imposable, ce qui va certainement simplifier les choses pour les parents », constate Dany Provost, directeur de la planification financière et fiscale à SFL.

Si ce dernier estime que les parents situés en haut de l’échelle salariale risquent de perdre les avantages consentis par la PUGE, il n’en reste pas moins que le gouvernement semble se montrer plus généreux avec les familles de la classe moyenne.

« C’est ce que démontrent les simulations [fiscales]. Je trouve ça bien. La PUGE, ce n’était pas nécessaire pour les hauts salariés », souligne-t-il.

« On rétablit une certaine forme d’équité », soutient pour sa part Gaétan Veillette, planificateur financier chez Groupe Investors. Il estime que la refonte de ces programmes en un seul fera du bien. On conjuguera en effet la Prestation fiscale et le Supplément de la prestation nationale à la nouvelle allocation, tout en sabordant la PUGE.

« Je pense que c’est approprié, car il y a trop de mesures reliées à la famille. Un grand nombre de celles-ci nuisent aux bonnes relations entre ex-conjoints parce qu’ils ont de la difficulté à en comprendre les caractéristiques. Certains crédits sont partageables, d’autres ne le sont pas, ça impose une négociation difficile entre les parents. »

FINI LE FRACTIONNEMENT DU REVENU

Autre changement clé, la mise au rancart du fractionnement du revenu entre conjoints. On le maintient par contre pour les revenus de retraite.

« C’est une mesure qui s’adressait pour l’essentiel aux hauts salariés. Son abolition ne changera pas grand-chose pour les ménages qui déclaraient par exemple 100 000 $, répartis 60/40 entre les conjoints. De par la nature du programme, ceux qui déclaraient des revenus de 20 000 $ + 80 000 $ étaient avantagés par rapport aux couples déclarant 50 000 $ + 50 000 $ », explique Dany Provost.

Gaétan Veillette ajoute : « Le fédéral accepte le fractionnement du revenu pour un retraité de l’armée de 40 ans qui aurait un régime de pension agréé, mais un entrepreneur qui cotise à un REER collectif, lui, n’y a pas accès. » Abolir le fractionnement entre conjoints élimine donc certaines iniquités, estime-t-il.

LE RETOUR DES FONDS DE TRAVAILLEURS

Enfin, le gouvernement Trudeau prévoit réinstaurer les crédits d’impôt pour les cotisations aux fonds de travailleurs, comme le Fonds FTQ, ou Fondaction, offert par la CSN.

« Ça ne m’étonnerait pas qu’on annonce cette mesure de façon rétroactive avant Noël », estime Luc Lacombe, selon qui on pourrait alors s’en prévaloir pour la prochaine période REER, après les Fêtes.

Une perspective qui ne réjouit guère Gaétan Veillette. À l’instar de plusieurs conseillers, il estime que c’est un crédit inéquitable pour l’industrie du conseil. « Ce sont des régimes d’exception pour la distribution. On peut vendre des parts sans conseils. Cela s’avère incompatible avec les principes de protection du consommateur, relativement aux autres produits d’épargne collective. »

Il déplore qu’on exige des conseillers d’avoir des permis, des assurances responsabilité professionnelles, qu’ils cotisent à un fonds d’indemnisation et suivent de la formation continue, alors que les fonds de travailleurs n’ont aucune de ces contraintes.

« C’est de la concurrence déloyale », résume-t-il.

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Jean-François Parent