Expliquer la finance : fais-moi un dessin!

Sensibiliser les adolescents à leurs finances personnelles n’est pas une mince affaire. À peine sortis de l’enfance, pendant laquelle l’argent tombe des poches de leurs parents, ils se préparent à l’âge adulte et sa déferlante de responsabilités financières. Luce Morin, une comptable agréée, s’est donné comme mission de les éclairer avec une bande dessinée : Lucy et Leila se mêlent des affaire$ de Simon.

La BD raconte l’histoire de Simon, un adolescent qui décroche son premier boulot et qui se pose de nombreuses questions sur ses finances personnelles.

Heureusement, il n’est pas seul. Lucy et Leila, deux expertes en la matière, surgissent toujours aux moments les plus improbables pour lui offrir des leçons pour le moins créatives. Apparaissant dans des microscopes ou surgissant de guichets automatiques, elles lui transmettent des informations sur toutes sortes de sujets comme l’assurance de personnes, l’épargne, l’impôt, le crédit et l’investissement. Ces personnages rendent accessibles des sujets sérieux en les traitant avec une certaine dose d’humour.

LA GENÈSE DU PROJET

Luce Morin cumule plus de 20 ans d’expérience dans le milieu financier. Au cours de sa carrière, elle a constaté qu’un certain manque de connaissances en matière de finances personnelles régnait tant chez les jeunes que les adultes. C’est ainsi qu’est née l’idée de lancer un livre qui jetterait un éclairage sur le côté pratique de la finance.

« Je voyais que mes enfants avaient des questions sur le fonctionnement d’une carte de crédit comparativement à celui d’une carte de débit, ou encore sur l’épargne et les REER. Je me suis dit qu’il s’agissait de sujets ardus à comprendre pour les jeunes, mais que ce serait plus facile de les aborder au moyen d’une BD », raconte l’auteure, en entrevue avec Conseiller.

Pour créer les personnages, Luce Morin s’est associée à l’illustrateur Guillaume Boucher. Ils se sont inspirés d’une série de vidéos éducatives qu’elle a réalisées avec sa collègue Léa Joannette, intitulée Les deux minutes d’Activ. Lucy et Leila, les deux expertes en finance de la bande dessinée, ressemblent d’ailleurs étrangement à Luce et Léa…

La comptable s’est chargée de mettre sur pied le contenu pédagogique avec l’aide de son frère, Hugues Morin, également comptable, puis s’est entourée de scénaristes pour donner vie à ses idées. « C’est bien beau d’expliquer la finance, mais il faut créer les histoires, les dialogues et les scénarios, ce n’était pas mon domaine », illustre-t-elle.

Manon et Muguette Berthelet, un duo de scénaristes plusieurs fois nommées aux Gémeaux pour leur collaboration à des séries jeunesse, dont Les Débrouillards, ont élaboré les mini-scénarios derrière chaque thème financier abordé.

UN CONTENU ADAPTÉ AUX ÉCOLES

Pour le choix des sujets, Luce Morin s’est appuyée sur la matière du nouveau cours d’éducation financière conçu pour les élèves de cinquième secondaire.

« J’avais une longue liste de sujets, mais ce cours porte sur des thèmes pratiques qui touchent la finance personnelle comme le fonctionnement d’une carte de crédit ou comment lire un talon de paye. Ça s’alignait parfaitement avec ce que je voulais faire », explique-t-elle.

La bande dessinée lui a également permis de mettre un pied dans les écoles. Peu de temps après le lancement de l’ouvrage en juin 2018, la BD a fait son entrée dans les classes du Collège Saint-Louis.

« Les professeurs en éducation financière s’en servent comme matériel d’introduction dans leur cours. Par exemple, s’ils parlent d’assurance ou de crédit, ils vont lire en classe l’histoire qui traite de ces sujets. Ce n’est pas une grosse dépense pour eux, ils achètent simplement les planches qui les intéressent et travaillent avec celles-ci, par exemple en les projetant au mur », explique Luce Morin.

Si son livre peut autant s’adresser aux enfants qu’aux adultes, il cible d’abord les jeunes de 13 à 17 ans.

« C’est l’âge où les jeunes commencent à travailler, à mettre de l’argent de côté, à s’acheter des trucs, donc c’est vraiment l’âge idéal [pour les initier à la finance personnelle] », raconte-t-elle.

UNE PUBLICATION EN TANT QU’INDÉPENDANTE

L’instigatrice de ce projet a évidemment proposé son ouvrage à des éditeurs, mais c’est finalement en tant qu’indépendante qu’elle a sorti sa BD.

« À part pour les auteurs établis, c’est rare que les maisons d’édition acceptent de nouveaux projets. Mais moi, je l’avais en tête. J’avais le goût de faire ce livre », explique Luce Morin.

Elle s’est tournée vers Bouquinbec, un imprimeur pour les éditeurs indépendants. On peut se procurer l’ouvrage sur le site Web d’Activ, de Bouquinbec, et dans certaines librairies indépendantes telles que la librairie de Verdun.

La BD, un médium plus accessible

Charles Hunter-Villeneuve, auteur de Lire et Tirelire, a lui aussi opté pour la bande dessinée pour parler de finance. Selon lui, ce médium permet d’atteindre un large public. Comme Luce Morin, il souhaite que les enjeux de finances personnelles soient davantage compris et par le plus grand nombre.

« Peu de gens aiment lire sur la finance, mais avec des bulles de dialogue, de l’humour, des personnages, de l’action, de la couleur et surtout avec une bonne histoire, cela risque plus de les intéresser », affirme l’auteur.

La couleur, le format et le récit permettent aussi de rattacher l’information parfois difficile à retenir à des éléments plus concrets, qui deviennent ainsi facile à comprendre.

« Le personnage principal de mes bandes dessinées, c’est un peu moi, en fait! J’essaie de puiser dans mes qualités et défauts et de les faire ressortir de façon humoristique », explique l’auteur, qui estime que ses erreurs et apprentissages pourront certainement trouver écho chez les non-initiés.

Lucy et Leila se mêlent des affaire$ de Simon, F. Ferron, Boucher, Berthelet, Bouquinbec, 2018, 47p.