Le fractionnement du revenu demeure une bonne option

Par La rédaction | 22 janvier 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Avec la saison des REER qui débute, certains de vos clients cherchent probablement à maximiser leurs cotisations et à réclamer une déduction fiscale. Pour les y aider, Conseiller a interrogé Lucie Gervais, directrice générale, Planification fiscale et successorale à IG Gestion de patrimoine, qui rappelle que le fractionnement du revenu permet de réduire le fardeau fiscal global d’une famille.

Conseiller : Quels sont les avantages du fractionnement du revenu?

Lucie Gervais : Ce système permet à la personne qui a le taux d’imposition le plus élevé de transférer des revenus à une personne de sa famille dont le taux marginal est plus bas. Autrement dit, on transfère les sources de revenus à la personne, dans la famille, qui a les revenus les moins élevés, comme un conjoint ou un enfant. L’avantage, évidemment, c’est que ce dispositif permet de réduire l’impôt à payer au niveau familial, puisqu’il donne l’occasion d’imposer les revenus globaux à un palier d’imposition moindre.

En transférant le capital qui va générer du revenu entre les mains du membre de la famille dont le taux marginal d’imposition est le plus bas, on sauve de l’impôt globalement puisque le système fiscal canadien impose les contribuables sur une base individuelle en fonction d’une échelle de taux progressifs.

C : Ce dispositif présente-t-il aussi des inconvénients?

L. G. : Oui, notamment la perte de contrôle du capital par la personne qui transfère une partie de ses avoirs à un autre membre de sa famille. Il y a aussi les fameuses « règles d’attribution », qui concernent les revenus de biens ou les gains en capitaux. En effet, sachant qu’il est avantageux pour les particuliers de faire du fractionnement de revenu, les gouvernements et les autorités fiscales ont imposé des règles pour empêcher une trop grande utilisation de cette planification fiscale.

Ces règles d’attribution font en sorte que la propriété demeure entre les mains de celui qui a reçu l’argent et l’a éventuellement investi. Toutefois, malgré le fait que c’est lui qui reçoit les feuillets fiscaux, il devra réattribuer ce revenu, soit au donateur, soit à la personne qui avait procédé au transfert de l’argent à son actif. À noter que ces dispositions s’appliquent à la fois aux transferts directs et indirects, y compris les transferts faits par l’intermédiaire d’une société ou d’une fiducie.

C : À qui ce dispositif s’adresse-t-il?

L. G. : Les règles d’attribution et l’impôt sur le revenu fractionné s’appliquent à différentes situations. Ce dernier concerne davantage les entreprises. Ainsi, quand on possède une compagnie, qu’on a différents actionnaires au sein d’une même famille et qu’on distribue des dividendes à un enfant mineur, par exemple, ce dernier sera assujetti à l’impôt sur le revenu fractionné, c’est-à-dire qu’il devra imposer les dividendes reçus au taux maximal d’imposition.

Les particuliers qui ne sont pas constitués en personne morale demeurent soumis aux règles d’attribution usuelles. Dans le cas de M. et Mme Tout-le-Monde, si on veut faire du fractionnement du revenu parce qu’on sait que ça peut être avantageux, il faut se soumettre à ces règles. On a par exemple le cas où le chef de famille donne de l’argent à son enfant mineur, qui va investir ce capital; dans ce cas, le revenu généré par les intérêts devra être réattribué au donateur.

Ce dispositif concerne davantage les ménages dans lesquels il existe un écart important entre les taux marginaux de revenus.

C : Le fractionnement du revenu reste-t-il avantageux malgré les changements apportés par la réforme fiscale fédérale de l’an dernier?

L. G. : La réforme du ministre Morneau touche uniquement les sociétés, c’est-à-dire les entrepreneurs qui sont incorporés, et elle concerne surtout les revenus de dividendes versés à des membres de la famille non actifs (qui ne travaillent pas au moins 20 heures par semaine). Désormais l’impôt sur le revenu fractionné ne s’applique plus seulement aux enfants mineurs, mais à toute personne qui n’est pas visée par une exclusion spécifiquement prévue par la loi. Ce qu’on comprend de la réforme Morneau, c’est qu’il va devenir de plus en plus difficile, pour un entrepreneur incorporé, de verser un dividende à sa conjointe ou à ses enfants majeurs, qui ne pourront donc pas être imposés selon leur propre taux marginal de revenus.

C : Dans quelles conditions est-il intéressant?

L. G. : Ce dispositif demeure surtout avantageux dès qu’on a des taux marginaux d’imposition différents au sein d’une même famille. Malgré la réforme Morneau et les règles d’attribution, certaines occasions restent intéressantes, notamment par l’intermédiaire du régime enregistré d’épargne-études. Un parent peut cotiser dans le REEE d’un de ses enfants, ce qui lui donnera droit à des subventions gouvernementales tandis que les revenus s’accumuleront à l’abri de l’impôt jusqu’à ce que l’enfant une fois aux études utilise ces montants. Ce système est aujourd’hui un bon moyen de fractionner le revenu et de réduire l’impôt dans une famille. Une autre façon d’y parvenir est de faire des dons à des enfants adultes, par exemple en leur donnant un capital important, qu’ils placeront et, avec les revenus de placements ainsi générés, ils pourront payer eux-mêmes une partie de leurs frais de scolarité.

De même,  il existe la possibilité d’effectuer des prêts au taux prescrit (actuellement à 2 %) au conjoint ou aux enfants mineurs pour lesquels, normalement, les règles d’attribution s’appliqueraient. Admettons que vous gagnez beaucoup d’argent et que vous soyez imposé au taux marginal maximum de 53 %, tandis que votre conjoint(e) gagne beaucoup moins et n’est imposé(e) qu’à hauteur de 28 %. Si vous lui prêtez 100 000 dollars au taux prescrit de 2 %, comme créancier vous aurez un revenu d’intérêt de 2 000 dollars sur lequel vous devrez payer de l’impôt au taux de 53 %, mais dans le même temps vous pouvez sauver 25 % d’impôt (53 moins 28) sur le revenu de placement, net des frais d’intérêt de 2 %, gagné par votre conjoint(e) en utilisant le système du fractionnement du revenu.

En résumé, il existe plusieurs occasions de fractionnement de revenus au sein des membres d’une même famille malgré les règles d’attribution et l’impôt sur le revenu fractionné.

La rédaction