Flaherty persiste sur la commission unique

20 mai 2008 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, a réitéré sa volonté de créer une autorité unique pour réglementer le marché des valeurs mobilières au pays, lors d’un discours devant l’Economic Club de Toronto, le lundi 12 mai 2008.

Lors du point de presse après son allocation, le ministre Flaherty a par ailleurs confirmé que le modèle Crawford, qui envisage une autorité nationale sur une base volontaire («Opt in»), était effectivement l’une des pistes explorées.

Un groupe d’experts nommé par le gouvernement fédéral mène actuellement une consultation. Toutefois, le visage de la future autorité unique se dessine d’ores et déjà très clairement.

La pression semble donc monter pour le Québec et les autres provinces canadiennes toujours récalcitrantes à cette autorité réglementaire unique, à l’approche notamment d’une réunion des ministres des Finances du canadiens à Montréal, fin mai 2008.

La possibilité d’un modèle de gouvernance sur une base volontaire laisse en effet entendre : embarquez dans le projet ou bien nous le ferons sans vous.

Autorité unique pour l’international « Nous voulons que les provinces collaborent avec nous pour créer une autorité unique de réglementation des valeurs mobilières», a déclaré sans détour le ministre des Finances, dans son discours sur l’économie canadienne et sa capacité à relever les défis mondiaux à venir.

Soulignant les enjeux internationaux de ce projet, Jim Flaherty a expliqué que les États-Unis négociaient déjà avec l’Australie une reconnaissance mutuelle des réglementations nationales dans ce domaine. «Nous venons de perdre une position prioritaire avec la SEC [Securities and Exchange Commission]. Ils ont décidé de se tourner vers l’Australie pour en faire leur partenaire pricipal en raison de l’avantage de négocier avec une autorité des valeurs mobilières commune, plutôt qu’avec le Canada, car nous avons 13 autorités réglementaires dans ce pays», a indiqué Jim Flaherty.

Version « Opt in » sur la table Interrogé sur la position de David Wilson, le président de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, qui a récemment déclaré qu’une gouvernance sur une base volontaire selon le modèle Crawford était une possibilité, le ministre Flaherty a confirmé cette éventualité. « Oui, c’est une possibilité. Le travail de M. Crawford, Purdy Crawford, est bon», a déclaré Jim Flaherty.

Le ministre Flaherty a ainsi confirmé la possibilité que certaines provinces puissent ne pas participer à ce type d’organisme réglementaire national. «J’espère que nous aurons un [organisme commun] avec toutes les provinces et les territoires mais on va voir », a résumé Jim Flaherty.

Le ministre canadien des Finances a rappelé que le projet d’autorité unique était toujours en gestation, soulignant que le futur organisme unique ne serait pas un organisme gouvernemental fédéral à proprement parler, mais plutôt un organisme d’envergure nationale indépendant.

Recommandations d’ici décembre 2008 Le ministre Flaherty attend les recommandations d’un «groupe d’experts sur la réglementation des valeurs mobilières» d’ici décembre 2008. Mis sur pied par le gouvernement fédéral et dévoilé le 21 février dernier, ce groupe de huit experts «a pour tâche de donner des conseils sur la manière optimale de procéder pour améliorer la réglementation des valeurs mobilières au Canada.»Le groupe doit notamment mener une consultation avec les différents intervenants de l’industrie. À ce titre, les conseillers financiers peuvent soumettre leurs suggestions depuis le site Internet du groupe d’experts – voir ci-dessous.

Le mandat de ce groupe d’experts est non seulement d’étudier le type de structure, soit un organisme commun national, mais également de définir le contenu du règlement, explique un fonctionnaire du ministère des Finances. Les experts rédigeront donc une ébauche de projet de loi. Cette autorité réglementaire unique harmoniserait aussi l’application de la Loi.

Autorité nationale mais pas fédérale Le texte du projet de loi devrait offrir davantage des principes généraux et plutôt que des règles précises, descriptives, afin de permettre à la réglementation de conserver la souplesse nécessaire pour pouvoir suivre l’évolution rapide des marchés, précise le ministère des Finances.

La structure de gouvernance impliquerait effectivement une participation volontaire des différentes juridictions, confirme le ministère des Finances. Cette structure serait participative, précise-t-on, en soulignant que le gouvernement fédéral ne désire pas imposer un modèle précis si certaines juridictions n’en veulent pas.

Autrement dit, si une province ne veut pas embarquer, elle est libre de rester à quai, mais pourrait courir le risque, en cas de reconnaissance mutuelle avec les États-Unis, de rester sur la touche.

Compétences régionales conservées Ce nouvel organisme commun pourrait avoir son siège social à Ottawa mais ne serait pas une agence fédérale à proprement parler, confirme le fonctionnaire du ministère des Finances. Les différentes juridictions (autrement dit les provinces et territoires canadiens) nommeraient un conseil chargé de la réglementation et redevable à un Conseil des ministres des Finances des provinces et territoires.

Le nouvel organisme commun s’efforcerait d’intégrer les compétences provinciales et pourrait ainsi bénéficier de bureaux régionaux, au Québec, par exemple, pour les produits dérivés, ou en Alberta ou en Colombie-Britannique, pour les capitaux à risque («Venture Capital»).

Régime des Passeports inachevé À propos des résistances marquées de certains gouvernements provinciaux à ce projet d’autorité de réglementation unique, le fonctionnaire du ministère des Finances interrogé évoque le régime de Passeports.

Ce système, élaboré il y a plus de quatre ans, tarde à être complètement mis en place, au-delà des prospectus, rappelle-t-on. Les provinces ont d’ores et déjà accepté de déléguer certains de leurs pouvoirs dans la cadre du régime des passeports, souligne ensuite le fonctionnaire du ministère des Finances, puisqu’un prospectus adopté dans une autre province doit être accepté par les autres juridictions. Pourquoi alors ne pas accepter de déléguer certains pouvoirs à un organisme unique, où chaque province aurait son mot à dire à parts égales, demande le fonctionnaire du ministère des Finances?

Les jeux sont déjà faits? Il semblerait donc que le visage de la future autorité unique semble se profiler nettement à l’horizon et ce, bien avant la date de remise des recommandations du groupe d’expert fédéral sur la question. Même si le dossier n’est pas officiellement à l’ordre du jour de la réunion des ministres des Finances fin mai à Montréal, il y a fort à croire que la ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, et ses homologues provinciaux et fédéral, ne manqueront pas d’évoquer la question en privé.

En bref: Mandat du Groupe d’experts sur la réglementation des valeurs mobilières : • Présenter des recommandations et des conseils indépendants aux ministres fédéral, provinciaux et territoriaux sur la meilleure voie à suivre pour améliorer la réglementation des valeurs mobilières au Canada; • Consulter les intervenants de l’industrie au pays pour élaborer un rapport et un modèle législatif; • Pour exécuter son mandat, le Groupe tiendra des discussions avec des intervenants de tout le Canada. Il va notamment : – encourager un large éventail d’intervenants à faire des commentaires et à soumettre des mémoires par l’intermédiaire de ce site Web; – organiser des consultations en personne auprès de certains intervenants; – consulter les organismes provinciaux, territoriaux et internationaux de réglementation des valeurs mobilières.

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