Former les investisseurs de demain

24 octobre 2012 | Dernière mise à jour le 24 octobre 2012
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En à peine deux ans, l’Académie du Trésor a remporté un franc succès auprès des jeunes de la région de Sherbrooke. Qu’il s’agisse d’économie, de placements ou d’immobilier, ce programme parascolaire leur donne les outils pour devenir des adultes avertis. Ils en sortent plus riches, dans tous les sens du terme.

À sa fondation, en septembre 2010, l’Académie du Trésor était présente dans trois établissements, un par niveau : primaire, secondaire et collégial. Cette année, son fondateur Dominique Asselin vise une douzaine d’écoles pour l’année scolaire 2012-2013, à Sherbrooke, Drummondville et Montréal. Et encore, il se retient.

« La demande a augmenté plus rapidement que notre capacité. Si l’on offrait le programme à tous ceux qui nous le demandent, on aurait déjà plus de 1000 élèves. C’est plutôt un beau problème! », explique ce conseiller en en placement, Pl. Fin., FCSI, employé par RBC Dominion.

Lancée avec l’aide d’une demi-douzaine d’enseignants, l’Académie du Trésor regroupe maintenant près d’une centaine de bénévoles, dont plusieurs conseillers venus éclairer les jeunes sur les mystères de la finance.

« On voit des gens de la Sun Life ou de Mérici qui viennent nous prêter main-forte. Même si nous sommes des concurrents, nous nous regroupons pour la communauté », se réjouit Dominique Asselin.

Le programme de l’Académie est si touffu qu’il intimiderait bien des adultes. D’ailleurs, les jeunes qui le complètent deviennent des investisseurs mieux informés que la plupart des citoyens.

« À la sortie du cours, ils savent par exemple comment bien choisir un conseiller en étudiant ses forces et faiblesses, explique M. Asselin. On leur donne l’ABC, mais avec un certain niveau de profondeur pour qu’ils soient prêts, le jour où ils auront des décisions à prendre. »

Dominique Asselin, instigateur de l'Académie du Trésor

Au primaire, ils étudient les fonds communs et les diagrammes des indices pour comprendre le comportement des placements et le principe des intérêts cumulés. Au secondaire, ils lisent les fiches techniques des fonds et analysent les actions avec les états financiers, les ratios cours-bénéfices et autres données afin d’assimiler la notion de risque. Au collégial, ils apprennent à aborder la planification financière selon le profil et la situation de chacun.

Un portefeuille en récompense

Pour valider leur apprentissage, les élèves sont soumis à un examen et reçoivent une note, même si celle-ci n’est pas comptabilisée dans leur cursus scolaire.

À la clé : une récompense sonnante et trébuchante, sous la forme de placements que les étudiants pourront faire fructifier par la suite. Un élève qui a dépassé la note de 85 % reçoit un jeton d’une valeur atteignant jusqu’à 150 $. L’argent est géré par l’équipe de Dominique Asselin pendant au moins cinq ans ou jusqu’à ce que le jeune atteigne l’âge de 18 ans.

Cet ingénieux système de jetons donne au programme une grande partie de son attrait, mais aussi de ses limites. En effet, l’argent provient en majorité des dons perçus par la Fondation de l’Académie du Trésor, et celle-ci ne génère pas encore des revenus assez importants pour étendre la formation à un plus grand nombre d’établissements.

Financer l’éducation financière

« Les jetons restent une composante essentielle du programme, car le suivi des placements fait partie de l’apprentissage des finances personnelles. En outre, les sondages réalisés auprès de nos diplômés montrent que même une somme symbolique est motivante pour eux. Nous devons donc poursuivre le programme avec de l’argent véritable », explique Dominique Asselin, qui a investi 100 000 $ de fonds personnels dans le projet (sans compter des milliers d’heures).

Avec l’explosion du nombre d’élèves cette année, l’Académie a abaissé la valeur de ses jetons, qui s’étalent maintenant de 40 $ à 60 $. Même après cette réduction, M. Asselin estime à 150 000 $ les besoins financiers du programme pour cette année.

La Fondation va donc passer à la vitesse supérieure, par exemple avec des remises de diplômes assorties de cocktails de financement. L’Académie du Trésor reçoit aussi l’aide du Fonds pour l’éducation et la saine gouvernance, mis en place par l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Des jeunes allumés

Une chose est sûre, la demande est là. « Les jeunes sont vraiment allumés! », témoigne Maxime Gauthier, directeur de la conformité à Mérici, qui a prêté main-forte au cours bénévolement une demi-douzaine de fois.

« Il y a beaucoup d’échanges et de questions. Ils font des liens rapidement, ils vont même parfois jusqu’à puiser dans les événements de l’actualité pour poser des questions. Ils participent volontairement, ça démontre qu’ils sont intéressés. Le défi est de leur dispenser la matière dans la plage-horaire accordée, car ils posent des questions vraiment pertinentes et on veut leur répondre. C’est super stimulant, comme enseignement. »

Le résultat ne se fait pas attendre, selon Maxime Gauthier. « Au final, le niveau de littéracie financière de ces jeunes dépasse rapidement celui de beaucoup d’adultes que je rencontre. Ils ont 16 à 18 ans et connaissent déjà les piliers de la sécurité financière et du fonctionnement des marchés! »

Jérémy Cool est un de ceux-là. Quand il n’est pas en train d’offrir des cours de surf et de vélo, ce jeune homme de 17 ans consacre ses temps libres à son autre passion : les finances. Pour lui, l’Académie a été une bénédiction. « Les élèves qui y assistent tripent vraiment, parce que ce sont des sujets qu’on n’aborde pas en classe, comme si c’était trop complexe et réservé aux professionnels. Mais plusieurs d’entre nous vont un jour gagner un bon salaire, et vont devoir le gérer. C’est une matière très concrète et pertinente. »

Diplômé de l’examen collégial de l’Académie, Jérémy Cool siège désormais à son conseil d’administration à titre d’agent de liaison avec les jeunes. « Quand je rencontre des jeunes de 10 à 12 ans, j’ai seulement quelques années de plus qu’eux. Ils peuvent voir que je travaille déjà et que j’ai réussi à me payer une auto dès que j’ai eu mon permis, parce que j’ai bien géré mes finances », souligne cet entrepreneur en herbe qui compte reprendre un jour l’entreprise de son père.

« C’est un exemple positif, car ils peuvent parcourir le même chemin que moi d’ici les cinq prochaines années. Ils aiment que je leur donne des exemples réels de ma vie; quand c’est livré par un adulte, c’est plus abstrait. »

Des parents aux anges

Qu’en pensent les parents? Selon Dominique Asselin, ils sont heureux de voir l’Académie donner à leurs enfants des outils qu’ils ne parviennent pas toujours à transmettre.

« Les parents sont vraiment enchantés, car nos jeunes rentrent à la maison et lancent spontanément des conversations à teneur financières autour de la table. En tant que parent, c’est difficile de s’occuper de l’éducation financière des enfants; même moi, qui travaille dans le domaine, je n’ai pas toujours envie d’en parler le soir venu », admet ce père de trois enfants de sept, neuf et douze ans.

À mesure que le programme prend de l’ampleur, un nombre croissant d’enseignants sont recrutés à titre bénévole. Reste à les former pour qu’ils dispensent la matière efficacement. L’Académie a produit une soixantaine de vidéos à cette fin, grâce à une aide financière de l’AMF. D’autres ressources sont disponibles dans une section du site Web réservée aux enseignants, en français et en anglais.

« Nous avons reçu beaucoup d’aide des enseignants autant pour le contenu pédagogique que pour les outils de formation », se réjouit Nadine Bernier, conjointe de M. Asselin et responsable de la formation au niveau collégial. « Il y a un besoin d’éducation financière sur le marché. Aussitôt que les enseignants donnent le cours, leur motivation augmente en voyant les résultats. C’est pourquoi nous n’avons pas trop de mal à les recruter. »

Des conseillers à la rescousse

Bien que les enseignants bénévoles soient capables de livrer toute la matière, le programme serait incomplet sans l’intervention de professionnels des services financiers, qui viennent en classe deux fois par semestre pour partager leur expérience pratique.

Pour Maxime Gauthier, cette activité s’inscrit naturellement dans la profession d’un conseiller. « Notre métier n’est pas juste de recommander des produits de placement ou d’assurance, mais aussi d’expliquer comment ça fonctionne. Plus les gens sont informés, plus ils deviennent complets en tant qu’investisseurs. Un consommateur averti sera plus enclin à créer un portefeuille qu’à prendre simplement le CPG de son institution financière. L’ignorance profite rarement à notre profession. »

« Bien sûr, j’y trouve aussi une gratification personnelle, car les jeunes me posent beaucoup de questions qui me forcent à réfléchir. Cela crée des échanges très intéressants », ajoute Maxime Gauthier.

« Les étudiants comprennent les concepts rapidement », opine Nadine Bernier, qui intervient aussi dans les cours à titre de professionnelle (elle est directrice des finances pour un manufacturier de portes). « J’essaie aussi de leur transmettre des notions importantes sur le surendettement, car les habitudes financières qu’ils développent aujourd’hui les accompagneront toute leur vie. »

Appel aux bénévoles

L’Académie du Trésor est présentement à la recherche de conseillers pour intervenir dans ses cours, tant au sujet du placement que de l’assurance de personnes. Selon Dominique Asselin, quelques heures par année suffisent à faire une différence. « Les jeunes adorent rencontrer des vrais professionnels de l’industrie. Ils nous disent toujours que ce sont leurs séances préférées. C’est très relax; vous pouvez laisser votre cravate dans le tiroir ! »

Pour plus d’information : www.academiedutresor.com