Gare aux marges de crédit hypothécaires

Par La rédaction | 7 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Hong Li / 123RF

Marché en pleine expansion, les marges de crédit hypothécaires (MCH) exposent de plus en plus de consommateurs à un risque de surendettement, affirme un rapport publié mercredi par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC).

Intitulé Les marges de crédit hypothécaires : tendances du marché et questions touchant les consommateurs, ce document d’une vingtaine de pages passe en revue l’utilisation des MCH par les Canadiens, l’offre qu’en font les banques ainsi que les avantages et les risques des emprunts garantis par la valeur nette de la maison.

Il relève, entre autres, que les institutions financières proposent de plus en plus souvent des prêts sur la valeur nette, qui sont une combinaison de MCH et d’hypothèques à échéance fixe, et que cette option est désormais offerte aux consommateurs solvables détenant une hypothèque dont la mise de fonds équivaut à au moins 20 % du prêt.

CROISSANCE FULGURANTE EN 10 ANS

Le rapport dresse plusieurs constats :

  • l’an dernier, 80 % des quelque trois millions de comptes de MCH étaient des prêts sur valeur nette;
  • le nombre de ménages ayant une marge de crédit hypothécaire et une hypothèque garantie par leur maison a augmenté de près de 40 % depuis 2011;
  • 40 % des consommateurs ne font pas de paiements réguliers pour rembourser le capital de leur MCH;
  • 25 % ne paient que les intérêts ou le minimum;
  • la majorité ne rembourse pas la totalité de la marge avant la vente de la maison.

On y apprend aussi que le marché des MCH a connu une expansion rapide au cours de la période 2000-2010, notamment en raison de la faiblesse des taux d’intérêt et de la montée des prix de l’immobilier. Les soldes des marges de crédit hypothécaires sont passés de quelque 35 milliards de dollars en 2000 à environ 186 G$ en 2010, soit un taux de croissance annuel moyen de 20 %.

Durant cette période, « les marges de crédit hypothécaires se sont imposées comme le principal instrument de crédit à la consommation », souligne l’ACFC, qui précise que leur part de la dette à la consommation (hors dette hypothécaire) est ainsi passée d’un peu plus de 10 % à près de 40 %.

VERS UNE STABILISATION

Ce marché s’est toutefois stabilisé dans les années qui ont suivi la récession, puisque sa croissance annuelle moyenne est tombée à 5 % de 2011 à 2013, puis à 2 % au cours des dernières années. Un phénomène dû « à une baisse graduelle de la demande, à la concurrence exercée par les prêts hypothécaires classiques à faible taux d’intérêt et à l’adoption de nouveaux règlements et de nouvelles lignes directrices », selon l’Agence. En 2016, les soldes impayés des MCH totalisaient ainsi 211 milliards de dollars, soit une moyenne de 70 000 dollars par ménage.

Le problème, c’est que « la popularité grandissante des marges de crédit hypothécaires au cours des années 2000 a grandement contribué à l’augmentation de l’endettement des ménages », explique l’ACFC. Auparavant, endettement et revenu progressaient à peu près au même rythme. Mais l’irruption des MCH dans le paysage financier a bouleversé la donne. Résultat : alors qu’en 2000 les ménages canadiens avaient environ 1,07 $ de dette pour chaque dollar de revenu disponible, ce niveau a atteint 1,60 $ dix ans plus tard.

Comme ce type de prêt est complexe, « bon nombre de consommateurs auraient intérêt à être informés davantage et de façon plus claire au sujet de [son] fonctionnement, des frais et des modalités applicables, ainsi que des risques potentiels », conclut l’Agence.

« Utilisées de façon responsable, les MCH associées à des prêts sur la valeur nette peuvent offrir plusieurs avantages, tels que des faibles taux d’intérêt, un accès pratique à des fonds et des modalités de remboursement flexibles. Cependant, elles permettent de ne rembourser que les intérêts, ce qui peut amener les propriétaires de maison à s’endetter pour de plus longues périodes. De plus, elles peuvent les inciter à s’endetter davantage à un moment où leur dette atteint un niveau record », met en garde le rapport.

LIMITER LES DÉGÂTS

Pour tenter de réduire ce genre de dérives, l’ACFC a décidé de « fournir aux consommateurs les ressources dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées ». Ainsi, elle produira du matériel éducatif à l’intention du grand public en vue de lui faire mieux connaître les frais, les pénalités, les modalités (modification de la limite de crédit, par exemple) et les risques (endettement persistant, hausse des taux d’intérêt, etc.) associés aux MCH et aux prêts hypothécaires sur valeur domiciliaire.

L’Agence soulignera également auprès des Canadiens « l’importance d’établir un plan de remboursement réaliste avant d’emprunter sur la valeur nette de la maison par le truchement d’une marge de crédit hypothécaire ». Elle juge que le fait d’avoir un tel plan « peut contribuer à atténuer le risque d’endettement persistant et d’érosion de la richesse ». Dans la même optique, elle encouragera les ménages « à ne pas utiliser leurs marges de crédit hypothécaires pour régler leurs dépenses quotidiennes et courantes, ni pour vivre au-dessus de leurs moyens ».

LA MAISON N’EST PAS UN GUICHET AUTOMATIQUE

De même, elle présentera aux consommateurs diverses stratégies, « comme le transfert à un sous-compte amorti de la part de leur marge de crédit hypothécaire servant à consolider les dettes à taux d’intérêt élevé », pour les aider « à atténuer le risque de détérioration de leur situation financière au fil du temps ». Enfin, les particuliers qui utilisent leur MCH dans le cadre d’une stratégie d’investissement à effet de levier seront incités « à évaluer leur tolérance au risque, à choisir judicieusement leurs investissements et à s’en tenir à une stratégie d’investissement réfléchie ».

L’industrie recevra elle aussi de nouvelles instructions de l’ACFC en matière de déclaration, qui devraient lui permettre de « veiller à ce que les principaux renseignements soient transmis aux consommateurs afin de les aider à prendre des décisions plus éclairées ».

« À un moment où les Canadiens sont plus endettés que jamais, la dette sur la MCH peut ajouter un stress financier sur les ménages. Les MCH peuvent les amener à utiliser leur maison comme un guichet automatique, ce qui peut les inciter à emprunter plus que leurs moyens ne le permettent. Les consommateurs très endettés sont plus vulnérables en cas d’imprévus ou de choc économique. L’ACFC veillera à ce qu’ils aient l’information adéquate pour bien comprendre les risques associés à un produit de MCH associé à un prêt sur la valeur nette », conclut dans un communiqué Lucie Tedesco, commissaire de l’Agence.

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