« Gérant de caisse » : un stéréotype suranné

Par Yves Bonneau | 4 septembre 2009 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La chose est peut-être passée inaperçue pour la plupart des mortels, mais elle a certainement été remarquée par nombre de femmes et d’hommes de l’industrie des services financiers au Québec.

Dans sa chronique du 27 août dernier parue dans le quotidien La Presse et intitulée Les femmes fortes de Montréal, Michèle Ouimet parlait de la campagne électorale montréalaise et des candidates « de prestige qui s’y sont manifestées depuis quelques mois ». Elle soulignait que tout cela était bien, que Mmes Louise Harel et Diane Lemieux étaient des femmes ambitieuses, intelligentes, fortes… (…) et intègres et que « ça nous change du gérant de caisse populaire qui se réveille un bon matin en décidant de se lancer en politique municipale. »

Formule malheureuse pour une chroniqueuse aguerrie, figure de style surannée comme celle des arracheurs de dents ou caricature outrancière, le fait demeure : les directeurs et directrices de caisse, comme les conseillers et conseillères en services financiers ont l’épiderme plutôt sensible en ces temps chargés de fraudes financières. Avec raison d’ailleurs !

Que ce genre de mauvaise blague ait sa place ou non dans l’imagerie populaire, c’est l’usage qui en décidera à terme. On entend jamais dire de quelqu’un qu’il avait un rendez-vous chez « l’arracheur de dent » parce qu’il était la « tête de Turc » dans son milieu de travail en raison de sa dentition…

Preuve donc que les mœurs et les pensées évoluent.

Le faux-pas de Mme Ouimet est regrettable et sans doute injustifié. Et ce, même si la référence a pu être faite sans intention malicieuse, quoique…

Le résultat final demeure : on propage un stéréotype à très grande échelle auprès du public, sans égard à la réputation de professionnels qui gèrent des entreprises d’envergure. Certaines caisses affichent des actifs de plus d’un milliard de dollars. Mme Ouimet aurait dû faire amende honorable et offrir des excuses aux gens qui ont pu être blessés par ses remarques désobligeantes. Elle ne l’a pas fait, du moins le site web de La Presse n’en affiche pas. Par contre, il est fort possible qu’elle prenne bonne note de la chose pour la suite.

D’ailleurs, c’est ce qu’il y a de plus remarquable dans cette anecdote, puisque le directeur de l’Information et des relations de presse à la Fédération des caisses Desjardins, André Chapleau lui a rappelé, dans une réplique, intitulée Une image galvaudée et publiée le 31 août dans les pages du quotidien. Parlant au nom de Desjardins, M. Chapleau a éloquemment exposé que les directeurs de caisse populaires ne sont pas « des personnes stupides à l’intégrité douteuse », comme le laissait entendre Mme Ouimet dans sa diatribe, arguant qu’il s’agissait là «d’un propos parfaitement inutile, vexatoire et qui, de surcroît, n’apporte rien à la compréhension du texte.»

« Il est dommage et surtout profondément blessant, pour nos directrices et directeurs généraux de caisses – c’est effectivement ainsi qu’on les appelle désormais –, de voir ainsi leur image galvaudée et entachée d’une réputation qu’ils ne méritent nullement », a notamment écrit M. Chapleau. « Le moment est peut-être venu de clore le chapitre des caricatures », concluait-il.

Pour une fois que la direction d’une institution financière se lève et prend le parti de ses troupes, défend des gens qui sont au front tous les jours pour servir la clientèle, ça mérite certainement d’être souligné ! Les gens de Desjardins ont une raison de plus d’être fiers de travailler pour cette institution.

Petite question qui me vient à l’esprit ? Pourquoi, au plus fort de la tempête médiatique provoquée par l’imposteur Earl Jones, n’a-t-on pas vu de publicités ou de commentaires dans les mêmes médias appuyant le travail de leurs équipes de conseillers alors que tous le monde confondait le conseiller, l’usurpateur et son ombre?

Les conseillers auraient peut-être apprécié voir ce genre d’empressement.

Yves Bonneau rédacteur en chef magazine Conseiller

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