Great-West : des conseillers perdent une partie de leurs commissions

Par Jean-François Venne | 9 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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C’est par écrit que Great-West a récemment annoncé aux conseillers et représentants qui vendent certains de ses fonds distincts une réduction de plusieurs commissions de suivi.

La volonté de réduire les frais de gestion sur les fonds distincts de son ancienne série de fonds (plateforme) motiverait la décision de Great-West. L’assureur canadien a refusé de répondre aux questions de Conseiller. Cependant, des entrevues avec certains professionnels ayant reçu la missive de Great-West permettent de mieux comprendre de quoi il en retourne.

L’assureur en est au moins à sa troisième plateforme de fonds distincts depuis les années 1980. Plusieurs conseillers reçoivent actuellement des commissions provenant de fonds distincts appartenant à l’avant-dernière plateforme. Or, celle-ci comprend des bonifications sur les commissions de suivi, qui feraient grimper la rémunération des conseillers légèrement au-dessus de la moyenne par rapport à des produits semblables sur la nouvelle plateforme.

SURPRISE CHEZ LES CONSEILLERS

« Ils réduisent la bonification pour harmoniser les fonds distincts de l’avant-dernière plateforme avec ceux de la nouvelle plateforme adoptée il y a un peu plus de cinq ans », précise Robert Beauchamp, planificateur financier et conseiller en sécurité financière au cabinet de services financier Beauchamp Laplante. Il est un ancien employé de Great-West.

La décision l’affectera quelque peu, puisqu’il reçoit lui-même des commissions provenant de ces fonds. Il dit avoir été un peu surpris, n’ayant pas été prévenu à l’avance, mais ajoute que les commissions de Great-West restent très compétitives dans le marché.

Même surprise pour Nadia Gauthier, CPA, CA et conseillère en sécurité financière à Services financiers Nadal. Presque la moitié des fonds distincts dont elle tire des commissions font partie de l’ancienne plateforme. Elle se trouve donc en première ligne de ce changement.

« Il est difficile d’en mesurer exactement les répercussions, car je n’ai reçu qu’un calcul sommaire de Great-West, indique-t-elle. Il faudra attendre les paiements de décembre pour avoir une meilleure idée des montants en jeu ».

Elle se dit un peu déçue et attend la suite des événements. Great-West aurait laissé entendre que les conseillers recevraient une petite compensation financière. À l’instar de son confrère, elle comprend que l’assureur souhaite harmoniser son ancienne plateforme aux conditions actuelles de l’industrie.

FINI LES FRAIS DE SORTIE

Great-West a également mis fin à la possibilité de vendre des fonds avec des frais de sortie. Cette décision a fait réagir Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF).

« Ça pousse beaucoup dans l’industrie vers une baisse des frais et des commissions, sans égards aux conséquences négatives, avance-t-il. Si les conseillers ne peuvent pas toucher de frais de sortie et ne reçoivent qu’une commission de suivi de moins de 1 %, ils n’auront aucun intérêt à servir les petits investisseurs. Ces derniers n’auront plus accès à du conseil. »

Selon lui, ces frais coûtent peu aux clients et la plupart ne les paient pas, puisqu’ils investissent à long terme et ne vendent pas leurs parts de fonds avant l’échéance. Lorsque des frais sont payés, ils constituent un revenu supplémentaire important pour le conseiller, notamment ceux en début de carrière qui ne touchent pas encore beaucoup de commissions.

Une vision que ne partage pas Daniel Guillemette, président de Diversico. Selon lui, le client est perdant avec une telle approche. Il préfère de nouvelles méthodes, qui prévoient le versement d’une plus grosse commission initiale au conseiller. Lorsque le client sort du fonds avant échéance, le conseiller doit remettre une partie de sa commission. Le client ne paie rien. « Cette nouvelle formule actualise les honoraires de service futurs, comme l’ancienne formule, mais sans pénaliser le client », souligne-t-il.

NOUVEAU MODÈLE

Pour lui, les récentes décisions de la Great-West démontrent les avantages des commissions nivelées. Selon lui, cette forme de rémunération a été boudée pendant longtemps pour deux raisons. Premièrement, les conseillers avaient besoin de leurs commissions immédiates pour se constituer un revenu suffisant, la commission nivelée ne montrant ses avantages qu’à plus long terme. Deuxièmement, les assureurs craignaient que les conseillers ne se contentent après un certain temps que de renouveler leurs polices sans l’incitatif de la commission de première année, plus élevée.

La situation actuelle, où l’accent est mis sur la transparence des frais et des commissions ainsi que sur leur réduction, milite en faveur des commissions nivelées, croit Daniel Guillemette, qui mise sur ce modèle depuis longtemps. Quant aux frais de sortie, Diversico les interdit depuis de nombreuses années en raison des risques de poursuites. « Il n’est pas certain du tout que les frais de sortie soient défendables devant le juge, puisque le client peut tout à fait prétendre qu’il n’a pas bien compris dans quoi il s’embarquait, même s’il a signé le contrat », dit-il.

Il croit, comme Flavio Vani, que la disparition des frais de sortie et la diminution des commissions de suivi et des bonifications sur les commissions rendent très difficile l’entrée dans la profession. Estimant que l’effort de vente exige plus de temps et d’énergie que le service pendant les années qui suivent, M. Vani défend plutôt l’introduction d’une commission plus importante en début de parcours. Après quelque temps, le conseiller passerait aux commissions nivelées.

Une chose est claire, le débat autour des nouveaux modèles d’affaires est loin d’être terminé.

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Jean-François Venne