Halte au découragement : Regagner la confiance des clients perdus

Par Didier Bert | 25 août 2010 | Dernière mise à jour le 27 février 2024
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Il n’est pas facile de savoir quelle attitude adopter quand un client décide de faire confiance à d’autres. Faut-il renchérir sur la proposition de la concurrence ou susciter le dialogue avec le client ? Une chose est certaine : le conseiller doit réagir de façon constructive. Il lui faut à nouveau instaurer la confiance en attirant l’attention sur la valeur apportée au client.

Un compétiteur a attiré l’un de vos clients, et c’est l’ensemble de son portefeuille qui s’en va ? « C’est difficile d’admettre que des clients partent », observe Jasmin Bergeron, conférencier et professeur de marketing à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Pourtant, quel conseiller peut affirmer qu’il n’a jamais perdu un client ? « Selon les gestionnaires, le taux de clients perdus chaque année atteint en moyenne 15 % dans l’industrie », constate-t-il. Or, la plupart des formations et des conférences proposées aux représentants portent sur le thème de la croissance des affaires, et non sur la façon de retrouver des clients déçus.

Le conseiller peut toutefois changer le cours des choses en acceptant de reconnaître que des clients le quittent. « Celui qui sort de la masse est celui qui peut dire : “mon client est parti; je prends conscience que mon niveau d’expertise et d’amabilité n’est pas assez grand pour apporter de la valeur au client” », croit Jean-Pierre Lauzier, conférencier et coach d’affaires. « Le client parti est notre plus grande source d’apprentissage. On doit lui montrer qu’on est disposé à se faire critiquer. » M. Lauzier suggère de transformer le problème en avantage : « Ce manque doit devenir ma force. »

Le conseiller ne devrait pas se précipiter pour surenchérir sur les produits de la concurrence. « Casser les prix voudrait dire que les années précédentes, on l’aurait lésé avec un prix exorbitant », met en garde Guy Bourgeois, motivateur et formateur. Au contraire, quitte à retourner voir un ancien client, la démarche devrait reposer plus que jamais sur des besoins concrets. « Il faut du courage pour s’interroger sur la véritable raison du départ du client parce que souvent, on ne veut pas le savoir », souligne M. Lauzier, qui suggère de rencontrer le client pour connaître les motifs de son insatisfaction. « Je lui parlerais sincèrement, lui demandant de m’aider en m’indiquant la véritable raison de son départ. Si c’est seulement une question de rendement, je comprends. » Le client pourra s’étendre sur l’aspect émotif, mais de façon rationnelle. « Vous avez dit ça… Mais y avait-il autre chose qui ne vous convenait pas ? » suggère de demander M. Lauzier. « Au bout de cinq minutes, le client va dire : “voilà ce que je n’ai pas aimé”. » Sans valeur, pas de confiance

D’anciens clients refuseront de donner la vraie raison de leur départ. « Quand le client refuse d’en parler, c’est qu’il ne veut même plus vous donner de chance », affirme M. Lauzier. « Cela signifie que le problème est encore plus grand. » Le conseiller devrait alors prendre du recul pendant quelques mois avant de retourner voir le client. Ce dernier aura eu le temps de digérer sa déception et de revenir sur le terrain du concret. À nouveau, le conseiller devrait tenter d’obtenir les véritables motifs de l’insatisfaction… sans garantie de les obtenir. « Soyons honnête. Il n’est pas toujours possible de faire revenir d’anciens clients », prévient M. Bourgeois. « Quand le bois est brûlé, on peut le rallumer s’il reste de la braise. S’il est complètement brûlé, ce n’est plus possible. »

Même si le client refuse de donner les raisons véritables de son départ, certains motifs se répètent dans la décision de quitter un conseiller. Pour M. Bergeron, le premier motif est l’indifférence. « On n’entend plus parler de son conseiller, qui n’appelle qu’au moment des REER », illustre-t-il en ajoutant que « le contraire de l’amour, c’est l’indifférence, pas la haine ». Et comme en amour, il est important d’être présent, surtout quand les affaires du client vont mal, précise M. Bergeron.

Il est facile d’envoyer régulièrement un courriel d’informations portant sur les marchés financiers. Le conseiller devrait aussi penser à envoyer un courriel de félicitations quand son client est cité dans le journal pour une performance. Mais le contact humain reste nécessaire. « Ce que je reproche à certains conseillers, c’est d’envoyer seulement des cartes de souhaits », regrette M. Bourgeois. « Le client a un sentiment d’éloignement. Il pense que le conseiller est présent seulement quand l’échéance arrive à terme. Les conseillers doivent s’occuper de nombreux clients, mais ils devraient trouver des façons de garder une proximité. »

Délaisser son client, c’est lui apporter une valeur insuffisante à ses yeux. « Tout le monde dit : “je suis là pour aider le client”. Mais huit vendeurs sur dix ne démontrent pas qu’ils veulent l’aider, affirme M. Lauzier. Ils se montrent davantage intéressés par la commission que par l’aide apportée au client qui peut, grâce à cet appui, obtenir ce qu’il souhaite. » Au contraire, le client doit sentir que son conseiller lui offre une expertise et une amabilité bien réelles, assure M. Lauzier. Pour cela, M. Bergeron croit qu’un conseiller doit privilégier une approche de conseil. « Pensez comme un médecin qui fait passer un examen, pose un diagnostic puis propose une solution. »

Si le client ne voit pas la valeur que lui apporte son conseiller, il perd confiance et la concurrence peut le détourner plus facilement. C’est pourquoi M. Bourgeois recommande de « présenter nos succès à nos clients, de leur dire quand on vient de faire une année extraordinaire. Les clients aiment bien savoir que leur conseiller, leur médecin et leur entrepreneur ont du succès. » M. Lauzier d’ajouter « qu’il faut toujours dépasser les attentes du client ». S’il reçoit moins qu’il n’en demande, il partira avec l’impression que le conseiller ne travaille pas pour lui. Or, « quand le client a fait affaire avec vous, c’est qu’il a aimé quelque chose avec vous. S’il quitte, c’est que la dynamique a changé. Il ne trouve plus ces éléments-là », observe le coach d’affaires.

Du courage !

En relançant le dialogue avec son client, le conseiller montre qu’il mérite sa confiance. « Parlez-lui de vive voix. Faites-lui sentir une autre émotion que celle ressentie avant qu’il ne parte », suggère M. Lauzier. Le client va trouver que le conseiller a du courage de se lancer dans cette démarche. « Il va être agréablement surpris, parce que personne n’entreprend une telle démarche pour un client qui n’attend plus rien », prédit-il.

Le conseiller devrait cependant éviter toute pression sur son ancien client. L’objectif est de participer à une démarche d’amélioration, qui débouchera possiblement sur une future collaboration d’affaires. Il ne s’agit pas de lui tordre le bras pour le faire revenir.

Ce dialogue devrait être renoué rapidement après le départ du client, mais jamais avant que le conseiller ne se sente prêt. S’il revient vers l’ancien client sans avoir reconnu ses erreurs ou ses lacunes, ce dernier n’aura aucune raison de réviser son jugement. Une telle démarche nécessite un bon moral et la capacité d’accepter les critiques, afin qu’elles soient constructives. « La vente, c’est rebâtir son moral tout le temps », assure M. Bourgeois, qui recommande de lire des biographies de personnages à succès afin de se renouveler, de se changer les idées et d’être à nouveau combatif.

Quand le client retire progressivement ses placements, une rencontre peut rectifier rapidement le tir. Mais là encore, le client doit sentir que la démarche d’amélioration est authentique. « Si je ne fais rien de ce qu’il m’a dit, il y a fort à parier que la situation se reproduira tout au long de ma carrière », avance M. Lauzier.

Une fois le client revenu, le conseiller doit prouver qu’il mérite sa confiance à long terme. Il s’agit désormais de mettre en pratique la volonté d’amélioration exprimée au client. Quant au concurrent venu détourner le client, M. Bourgeois affirme qu’il faut lui montrer que les choses ont changé. « Je lui dirais : “attache ta tuque. Tu es venu chercher mon client, je vais aller t’en chercher deux” », lance-t-il à la blague.

Les étapes du renouveau

1. Dresser la liste de tous les clients perdus depuis deux ans.

2. Indiquer la raison véritable du départ en face de chaque nom.

3. Noter les trois raisons les plus fréquentes.

4. Se demander comment ces trois raisons peuvent devenir trois avantages.

5. Établir un plan d’action.

6. Relancer le client en lui expliquant la démarche entreprise.

Cet article est tiré de l’édition de septembre du magazine Conseiller.

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.