Hausse des taux : quelles conséquences pour vos clients?

Par La rédaction | 25 juillet 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Andriy Popov / 123rf

La récente hausse des taux d’intérêt de la Banque du Canada entraînera des coûts d’emprunt plus élevés pour les consommateurs ayant des prêts hypothécaires, des prêts ou des marges de crédit à taux variable. En revanche, c’est plutôt une bonne affaire pour les épargnants et les futurs propriétaires. Le point sur les gagnants et les perdants face à cette nouvelle donne. « En gros, la hausse des taux entraîne une hausse du coût du crédit, mais c’est aussi une hausse du rendement sur l’épargne. Donc s’il y a une tendance à la hausse des taux, il est sûr que cela permettra aux épargnants, en particulier ceux qui aiment faire des placements dans des produits sûrs, d’obtenir de meilleurs rendements. Mais d’un autre côté, les personnes qui prévoient emprunter, notamment celles qui ont des hypothèques, verront leurs frais monter un peu plus », explique Mathieu D’Anjou.

Interrogé par Conseiller, l’économiste principal de Desjardins souligne que ce qu’il faut retenir de la situation actuelle, c’est que les taux d’intérêt concernent avant tout le coût du crédit. « Après que les banques centrales eurent conservé des taux très bas et extrêmement abordables durant des années, ce qui a beaucoup stimulé le crédit et accru l’endettement des ménages, elles ont désormais décidé de normaliser la situation en ramenant les taux à un niveau un peu plus élevé. Donc tout ça fait des gagnants et des perdants », détaille-t-il.

UNE BONNE NOUVELLE POUR LES RETRAITÉS…

Bien que l’augmentation des taux préférentiels des banques accroisse le coût d’emprunt pour les clients détenteurs d’hypothèques à taux variable, ceux qui ont placé leur argent dans des comptes d’épargne et des certificats de placement garantis devraient profiter de la situation. De même, « un retraité qui place ses avoirs profitera d’une éventuelle hausse des taux en obtenant de meilleurs rendements sur son épargne à terme, car les taux sur les placements devraient progressivement s’améliorer si la tendance haussière se poursuit », explique Mathieu D’Anjou. Autrement dit, ce phénomène contribuera à aider les personnes âgées qui dépendent des revenus d’intérêts à mieux financer leurs dépenses de retraite.

Pour plusieurs autres catégories de la population, les choses sont en revanche moins claires, selon l’économiste. « Du côté des personnes qui s’intéressent à la Bourse, la situation peut varier. En fait, tout dépend de la raison pour laquelle les taux montent. S’ils grimpent, comme c’est le cas en ce moment, parce que l’économie va bien et que les banques centrales sentent qu’elle n’a plus besoin d’être autant stimulée qu’auparavant, la nouvelle donne ne sera pas nécessairement négative pour les particuliers qui possèdent des placements boursiers. Donc, tant que la hausse des taux s’appuie sur une amélioration de l’économie, cette catégorie d’investisseurs peut considérer cela comme une bonne nouvelle. »

« En revanche, ajoute Mathieu D’Anjou, si nous assistions à une poussée spectaculaire des taux pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire par exemple une poussée des attentes inflationnistes ou l’apparition de craintes que les gouvernements fassent défaut sur leurs obligations, la situation pourrait dans ce cas devenir problématique. »

… ET POUR CERTAINS FUTURS PROPRIÉTAIRES

Selon l’économiste principal de Desjardins, la tendance haussière des taux de la banque centrale canadienne est globalement une bonne nouvelle pour les épargnants, parce qu’ils risquent d’obtenir un meilleur rendement sur l’argent qu’ils ont placé. Pour les futurs propriétaires aussi, mais seulement dans certains cas de figure. « Par exemple, il est sûr que quelqu’un qui a besoin de prendre une hypothèque devra payer plus cher, ce qui en soi n’est pas une bonne nouvelle. Mais d’un autre côté, ce phénomène pourrait également contribuer à freiner la hausse du prix des maisons, et donc empêcher que l’immobilier devienne complètement inabordable. » Autrement dit, ajoute-t-il, « pour les futurs propriétaires, la tendance haussière présente des avantages et des inconvénients ».

De même, les personnes qui détiennent des certificats de placement garantis pourraient éventuellement bénéficier de la hausse des taux, lorsqu’elles renouvelleront leur portefeuille, puisqu’elles peuvent espérer avoir de meilleures conditions. En revanche, pour les détenteurs de fonds communs de placement, la situation est plus compliquée, et tout dépend du fond qu’ils ont choisi alors que les fonds boursiers risquent d’être peu affectés, mais que les fonds obligataires devraient être désavantagés par des taux d’intérêt plus élevés.

Enfin, même si les taux préférentiels des banques n’influent pas directement sur les taux d’intérêt des cartes de crédit, la tendance haussière des taux directeurs observée partout en Amérique du Nord affectera toutes les personnes qui ont des emprunts, rappelle l’économiste. « Cela dit, nuance-t-il, l’impact ne devrait quand même pas être si majeur que cela parce que toutes les cartes de crédit ont déjà des taux relativement élevés, et donc ils le seront juste un peu plus. Le phénomène sera moins majeur que dans le cas des hypothèques à taux variable, par exemple, où la hausse sera plus notable. »

LES DÉTENTEURS D’OBLIGATIONS SONT PERDANTS

Par ailleurs, souligne Mathieu D’Anjou, l’augmentation des taux n’est pas une bonne nouvelle pour les détenteurs d’obligations ou de fonds obligataires. « En effet, explique-t-il, la valeur d’une obligation, par exemple une obligation à 10 ans, est directement reliée au taux d’intérêt. Ainsi, plus les taux montent, moins la valeur d’une obligation est grande. Résultat : les gens qui ont des obligations de longue durée achetées lorsque les taux étaient extrêmement bas seront pénalisés. » Pour le moment, insiste-t-il, la situation est cependant loin d’être catastrophique, car les hausses sont graduelles et limitées. « Mais il demeure que les détenteurs d’obligations de longue durée, qui avaient connu d’excellents rendements du temps où les taux baissaient régulièrement, doivent désormais s’attendre à des performances nettement plus médiocres, voire à enregistrer certaines pertes si les taux montent trop vite. »

Questionné sur l’impact qu’auront les hausses de taux pour les consommateurs au cours des prochaines années, l’économiste revient sur le passé récent pour expliquer son point de vue. « On a eu des taux extrêmement bas pendant très longtemps, ce qui n’était pas une situation normale, rappelle-t-il. C’était un signe qu’il y avait eu des problèmes économiques importants, en l’occurrence la grave crise financière de 2007-2008, et c’était aussi lié au fait que la reprise avait été longue à revenir partout dans le monde. Au contraire, aujourd’hui on voit les taux monter, ce qui coûte un peu plus cher aux emprunteurs mais révèle une normalisation de la situation. »

Sa conclusion? « Avoir tout le temps des taux trop bas n’est pas une chose à long terme pour l’économie, comme on l’a vu avec les prix de l’immobilier, en particulier à Toronto et à Vancouver. Ce n’est pas non plus une bonne chose en matière d’endettement des ménages. Donc maintenant que l’économie va mieux, il est normal et sain de voir les taux monter un peu et, en définitive, il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle pour la société dans son ensemble. »

La rédaction