Honoraires et commissions : du bon usage des mots

Par Jean Dupriez | 20 janvier 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Dans le cadre de la révision de la loi 188 (LDSPF), chaque jour apporte son lot de discours et de prises de position sur les commissions et les honoraires. Je me demande combien, parmi tous ces discoureurs et réglementateurs, ont ouvert leur dictionnaire pour vérifier la signification de ces mots.

Voici le résultat de mes recherches:

Honoraires :

Le Robert : Rétribution accordée en échange de leurs services aux personnes exerçant une profession libérale.

Larousse : Rétribution versée aux personnes qui exercent des professions libérales.

Commission :

Le Robert : Pourcentage qu’un intermédiaire perçoit pour sa rémunération

Larousse : Pourcentage qu’on laisse à un intermédiaire, pourcentage qu’on laisse à quelqu’un qui s’est entremis dans une affaire.

Les honoraires sont donc essentiellement liés à une activité de conseil sans lien nécessaire avec l’exécution d’une transaction commerciale.

La commission est, pour sa part, un pourcentage d’une transaction commerciale. Son montant demeure lié à celui de la transaction.

LA CONFUSION RÈGNE

Souvent, celui qui facture directement son client s’estime payé à « honoraires » parce que le client le paye directement, même si le montant est calculé en pourcentage de la somme gérée. Quelle déformation sémantique! Quelle erreur conceptuelle!

Ainsi, contrairement à un usage très répandu, il ne peut être question d’honoraires dès lors que la rémunération d’un prestataire de services est liée à la valeur d’une transaction. Il s’agit, dans ce cas, de commission, peu importe qui fait le déboursé de cette rémunération ou que la facturation soit directe ou indirecte.

Les recherches de Cumming et de Brondesbury sur les commissions de suivi, publiées en 2015, ont sans doute contribué à la confusion. Ces auteurs, bons mathématiciens sans doute, ont aligné des quantités de données statistiques mais ne semblent pas avoir qualifié ni défini ces mots essentiels. Ils n’en ont traité que les apparences : facturation directe ou indirecte.

Les méthodes de calcul des deux sont pourtant identiques, soit des pourcentages d’une masse gérée. Malheureusement, ces chercheurs n’ont traité qu’une facette de la rémunération des conseillers sans éclaircir la méprise entre honoraires et commissions.

Ils n’ont pas non plus évalué les conflits d’intérêts réels ou potentiels liés à chaque mode de rémunération.

Je constate en effet que les gens associent d’une part commissions de suivi avec opacité et d’autre part honoraires avec transparence pour le client. La source de cette confusion provient, en partie du moins, d’un fait de marketing : le client qui paye un honoraire à son conseiller financier se sent plus important que s’il lui paye une commission. Et pourtant, les deux formes reviennent au même. Seul le mode de facturation est différent.

Comprenez-moi bien : je suis adepte de la transparence des rémunérations mais je suis opposé aux réglementations étriquées qui se noient dans leurs contradictions.

Je suis aussi en faveur de la rémunération nivelée et étendue dans le temps, par opposition à la rémunération à la transaction, que j’ai éliminée de ma pratique voici plus d’une quinzaine d’années. Ma rémunération consiste depuis en commissions de suivi, forme de rémunération qui élimine pratiquement les conflits d’intérêts.

La commission de suivi, facturée directement ou indirectement, stimule le conseiller à bien gérer. Une bonne gestion accroîtra la valeur du portefeuille et, ainsi, la rémunération du conseiller. Par contre, la commission à la transaction incitera certains à multiplier les transactions (churning).

La commission de suivi, facturée directement ou indirectement, constitue le mode de rémunération choisi depuis longtemps par la plupart des clients fortunés dans les services de gestion privée ou de gestion de patrimoine : un petit et constant pourcentage de la masse gérée.

Pourquoi choisissent-ils ce mode de rémunération? Serait-ce parce qu’elle motive, de façon saine, leur conseiller financier? Pourquoi ne pas suivre leur exemple?

Il y a lieu d’encadrer quelque peu la rémunération des conseillers, ne serait-ce que pour que le public s’y retrouve mieux dans ce labyrinthe. Mais, au fond, ce qui importe, c’est que la rémunération soit transparente et constante, non pas qu’elle soit directe ou indirecte.

Messieurs les penseurs et rédacteurs de la nouvelle mouture de la loi 188, un peu de rigueur dans l’usage du vocabulaire, s’il vous plaît!

Cinq main qui placent des roues crantées les unes contre les autres sur un fonds bleu clair.

Jean Dupriez

Jean Dupriez, LL.L., DAE., Pl.fin. (ex Adm.A., ex PFA., ex GPP., ex détenteur de permis en épargne collective, en assurance de personne et en assurance collective), mais heureusement toujours marié avec Françoise depuis 57 années!) possède une formation internationale en Droit (UdeM) ainsi qu’en Financement et Administration d’entreprises (London School of Economics + Louvain). Il est planificateur financier et membre de l’association des MBA du Québec. Après 20 années dans le commerce international au sein de grandes compagnies, son goût pour l’indépendance l’a incité, en 1984, à se lancer dans une seconde carrière, plus sédentaire, dans les services financiers personnels, dont 20 ans associé au Groupe Peak. En juin 2002, il publie «Le classement des documents personnels» et en 2010 «Savoir choisir son conseiller financier». Depuis 2013, dans une semi-retraite active, il se consacre à la création de diverses formations. Vers 2015, il met en ligne sa 3e œuvre : «Comprendre l’investissement», une formation illustrée à la fois technique et comportementale destinée au grand public et aux conseillers financiers. Actuellement, il offre aux conseillers et planificateurs financiers 2 formations en ligne, dûment accréditées de plusieurs UFC (CSF et IQPF) sur le site de Campus finance. Voici le lien pour les atteindre.