Il y a cinq ans, Norbourg

Par Ronald McKenzie | 24 août 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
5 minutes de lecture

Il y a cinq ans jour pour jour éclatait le scandale Norbourg. Le jeudi 25 août 2005, dans un communiqué de presse, l’Autorité des marchés financiers (AMF) annonçait le gel complet des activités de la firme de Vincent Lacroix et l’existence, à l’époque, d’un trou de 71 millions de dollars entre les états financiers de Norbourg et les actifs qu’elle était censée gérer.

Le Québec tombait sous le choc. Des milliers de personnes ne s’en sont jamais remises.

Inutile de relater toutes les péripéties entourant le plus important scandale financier de l’histoire contemporaine du Québec. L’information ne manque pas. Un rapide décompte dans Google donne plus de 84 000 liens consacrés à Norbourg. On trouve même un historique de l’affaire dans Wikipédia. En novembre dernier, le journaliste Yvon Laprade publiait le livre Autopsie du scandale Norbourg, qui décrit en détail le déroulement de la fraude.

De la masse de renseignements issue de cette affaire émergent deux constantes : l’absence de leadership de l’AMF et le laxisme de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui n’a pas posé trop de questions lorsqu’elle a cédé les fonds Évolution et la firme Capital Teraxis à Vincent Lacroix.

Le scandale Norbourg aura fait prendre conscience aux conseillers indépendants de la nécessité de se regrouper pour défendre leurs droits. Laissés pour compte, ils ont été à leur corps défendant les émissaires de tous les maux qui ont frappé l’industrie des services financiers.

Plutôt que de s’avouer vaincus, des conseillers ont décidé de prendre le taureau par les cornes. En 2006 est le Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec, le RICIFQ. La mission de cet organisme qui compte aujourd’hui près de 1 000 membres : préserver la pérennité du conseil financier indépendant par la promotion et la défense des intérêts professionnels communs aux membres et « par le regroupement de ceux-ci sous la bannière d’une voix forte pour les représenter ».

Que les victimes se débrouillent On ne dira jamais assez à quel point les victimes de Norbourg ont été abandonnées. Pourtant, il aurait été si simple pour les autorités (y compris la Caisse) de trouver 130 millions de dollars et de rembourser complètement les épargnants lésés. Cette initiative aurait permis d’éviter des drames humains et assuré l’intégrité de l’industrie québécoise des services financiers. Après tout, Vincent Lacroix et sa firme détenaient tous les permis requis.

Mais l’AMF a choisi une autre avenue, préférant n’indemniser qu’une poignée des victimes pour laisser les milliers d’autres se débrouiller par le truchement coûteux et imprévisible des tribunaux. Quant à la Caisse, elle pourrait faire face à un recours collectif de 78 millions de dollars de la part des épargnants de la famille des fonds Évolution. Elle assurera sa défense à l’aide de l’argent de ses déposants.

De leur côté, avec des moyens plus que réduits, des victimes de Norbourg continuent de rappeler aux médias qu’elles existent encore et que rien n’est réglé pour elles.

« Il faut continuer et surtout ne jamais abandonner car nous sommes dans notre droit de le faire. Nous sommes déterminés à demeurer debout et à ne jamais baisser les bras devant une telle situation scandaleuse dans laquelle on nous a placés bien malgré nous. Tout cela dit, cinq années sont passées et nous sommes toujours en attente de voir Dame Justice rendre son verdict », lance le Regroupement des épargnants de la famille des fonds d’investissements Norbourg Évolution du Québec (REFFINEQ).

Dans un communiqué soulignant le cinquième anniversaire de cette triste affaire, le REFFINEQ déclare : « Dès 2001 en haut lieu, on savait pertinemment que ce Lacroix, dit « l’étoile de Magog », était en faillite et légalement en défaut de respecter les normes de la CVMQ [Commission des valeurs mobilières du Québec, à l’époque], que lui confier un mandat de gestion revenait à accepter d’avance des résultats désastreux, que ce même Lacroix faisait déjà défaut de payer ses dettes, d’honorer ses mandats, de produire ses rapports d’impôts, et ce, depuis belle lurette. La situation de cet homme sans honneur et sans scrupule était telle qu’il sautait aux yeux qu’il pouvait être utilisé et manipulé, ce que l’on ne s’est pas gêné de faire. »

13 ans de prison pour Lacroix En août 2009, l’exaspération s’est ajoutée à l’amertume des victimes. En effet, trois juges de la Cour d’appel du Québec ont stipulé que la peine de prison de Vincent Lacroix ne devait pas excéder 5 ans moins un jour. Considérant les mois qu’il a déjà purgés et de son admissibilité à une libération conditionnelle, Lacroix aurait pu être relâché rapidement.

Heureusement, le code criminel canadien a plus de poids en matière de fraude que le droit pénal du Québec. En octobre dernier, Vincent Lacroix a écopé de 13 ans de prison pour avoir fraudé 9 200 investisseurs d’une somme d’environ 130 millions de dollars. De nombreuses victimes de Lacroix s’étaient déplacées au Palais de justice Montréal pour entendre, de vive voix, la décision du juge Richard Wagner de la Cour supérieure du Québec.

Pour ces épargnants, l’emprisonnement de Vincent Lacroix n’est qu’une mince consolation. Comme l’a indiqué l’un d’eux, « on peut bien le mettre derrière les barreaux pendant cent ans, cela ne nous redonne pas notre argent ».

Ronald McKenzie