Incontournables marchés en croissance

Par Gérard Bérubé | 9 novembre 2015 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Ils portaient le nom d’économies émergentes. On parle aujourd’hui de marchés en croissance. Ce sont des incontournables pour les portefeuilles, avec l’Inde s’inscrivant en relève de la Chine.

Selon les dernières prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques, la croissance de l’économie mondiale va ralentir à 3 % en 2015 pour remonter à 3,6 % l’an prochain.

Au sein des économies avancées, les États-Unis vont trôner au premier rang avec un PIB en hausse de 2,4 % cette année, suivis de la zone euro, avec une progression de 1,6 %.

Dans le camp des émergents, les géants BRICS doivent composer avec un Brésil en récession profonde, relégué à la catégorie spéculative par les agences de notation, et une Chine engagée dans un sérieux ralentissement encore difficile à mesurer tellement la confiance envers les données officielles fait défaut. Avec une Russie confrontée aux sanctions et embourbée dans les conflits géopolitiques. Et une Afrique du Sud dépendante de la vitalité économique de ses partenaires, qui subit un ralentissement et un chômage élevé.

Tout n’est pas sombre pour autant. Les États-Unis se démarquent parmi des pays industrialisés englués dans la stagnation. Et alors que les fameux BRICS, hier champions de la croissance, se lézardent, l’Inde se distingue par son dynamisme, appelée à caracoler au sommet de la croissance mondiale avec un PIB en hausse de quelque 7 %.

« Oui, il y a les BRICS. Mais les autres pays émergents ou en industrialisation rapide attirent aussi l’attention, s’empresse d’ajouter Serge Pépin, spécialiste d’investissements pour LGM Investment, à Londres. Le ralentissement de la Chine produit des effets assez importants sur nombre d’économies émergentes en Asie, ce qui n’est pas sans alimenter la volatilité. N’empêche, on compte toujours plus de consommateurs éveillés, aguerris dans ces économies. De plus en plus de richesse aussi. On ne peut les ignorer, ne serait-ce que par souci de diversification des portefeuilles. »

Serge Pépin

« On compte toujours plus de consommateurs éveillés, aguerris dans ces économies. De plus en plus de richesse aussi. On ne peut les ignorer.   »

– Serge Pépin, spécialiste d’investissements pour LGM Investment

Et la Chine, même avec sa croissance au ralenti et ses problèmes structuraux, demeure un joueur-clé. « Sa croissance économique est certes passée de 10 % à 5 ou 6 %. Ça reste le double de celle attendue aux États-Unis. Dans un sens plus large, nombre de pays émergents proposent une activité économique plus diversifiée et plus impressionnante que les pays développés », insiste Serge Pépin.

Rashad Kaldany, premier vice-président, Marchés en croissance à la Caisse de dépôt et placement du Québec, évoque également une réalité incontournable. « On parle de pays en croissance, dont le poids dans le PIB mondial atteint désormais les 52  % selon la parité des pouvoirs d’achat », souligne-t-il.

52 %

C’est le poids des pays en croissance dans le PIB mondial.

Pour Serge Pépin, l’investisseur moyen devrait consacrer entre 5 et 10 % de son portefeuille aux actions d’entreprises venant des pays émergents. À la Caisse de dépôt, la pondération atteint 7 % et devrait doubler d’ici 5 ans. Le plus important gestionnaire de régimes de retraite au Canada selon l’actif a 17 milliards de dollars d’engagés dans les marchés émergents, dont 12 milliards en Bourse. Il entend accroître ses investissements dits alternatifs, soit dans les infrastructures, dans l’immobilier et en placements privés.

L’INDE, HAUT LA MAIN

Deux noms ressortent de la liste : l’Inde et la Russie. La première pour son potentiel de se présenter en relève à la Chine au rang des économies émergentes à forte croissance. La seconde pour son rebond sur les marchés boursiers cette année, après avoir été reléguée au rang de paria en 2014 sous le coup de sanctions économiques et de conflits.

Ces deux économies offrent cependant un profil politique et économique complètement différent, l’Inde revendiquant le titre de l’une des plus vieilles démocraties au monde et la Russie, celui d’État-patron.

Cette dernière demeure sous l’emprise des sanctions internationales infligées pour son annexion de la Crimée et son soutien aux séparatistes en Ukraine. « Les tensions ont peut-être diminué, ce qui pourrait indiquer que le pire est passé pour la Russie. Le rouble a également fortement chuté, ce qui est favorable aux exportations. Certes, le secteur énergétique reste dominant mais le gros des bilans des compagnies pétrolières russes est libellé en dollars américains », énumère Serge Pépin. N’empêche, la problématique géopolitique persiste et la suite reste liée à l’évolution de la situation en Ukraine et en Syrie.

« Nous ne sommes pas présents en Russie », ajoute-t-il. Son portefeuille de référence, le Fonds BMO MSCI pays émergents, investit principalement dans des titres à revenu fixe et de participation de sociétés de pays tels que l’Afrique du Sud, le Brésil, le Chili, la Corée du Sud, la Grèce, l’Inde, la Malaisie, le Mexique, le Pakistan, Taïwan et la Turquie. « La Russie ne répond pas à nos critères en matière de conformité, de gouvernance et de respect des enjeux environnementaux. Et il y a encore trop d’incertitude. »

Rashad Kaldany

« On parle de pays en croissance, dont le poids dans le PIB mondial atteint désormais les 52  % selon la parité des pouvoirs d’achat.   »

– Rashad Kaldany, premier vice-président,  Marchés en croissance à la Caisse de dépôt et placement du Québec

Cette lecture est partagée par Rashad Kaldany, qui a été chef des opérations de la Société financière internationale, soit le bras financier de la Banque mondiale, avant de se joindre à la Caisse de dépôt. « Pour nous, c’est une question de stabilité, de transparence, d’indépendance du système judiciaire et de gestion macro-économique. Le secteur pétrolier est également prédominant dans l’économie russe. »

La Caisse se colle à l’indice de référence MSCI Marchés émergents, qui propose une exposition à plus de 20 pays incluant les BRICS. Elle vise à augmenter ses investissements alternatifs principalement en Chine, en Inde, au Mexique, en Colombie et au Brésil, et accorde une attention particulière au Mexique et à l’Inde. « Le Mexique fait miroiter une croissance annuelle de l’ordre de 3 à 4 % et l’Inde, de 6 à 7 %. C’est très attrayant. Pour sa part, la Chine demeure le pays le plus important dans notre portefeuille, ce qui n’est pas sans refléter son poids de 30 % dans l’indice MSCI Marchés émergents. Mais à la Caisse, nous allons être davantage au ralenti là-bas au cours des deux à trois prochaines années », affirme Rashad Kaldany.

L’Inde est présentement surpondérée dans les portefeuilles. Ce pays est vu comme un grand bénéficiaire du recul du prix des matières premières. Il est retenu pour sa population dépassant le milliard, son potentiel de développement économique, son imperméabilité au ralentissement économique chinois et l’essor de sa classe moyenne.

Les obstacles demeurent cependant nombreux, l’acquisition des terres restant difficile, les audits environnementaux encore déficients, les infrastructures délabrées ou insuffisantes. Sans compter la lourdeur bureaucratique. Toutefois, depuis l’élection du premier ministre Narendra Modi en 2014, l’Inde s’est engagée dans un vaste processus de réformes.

Mais au final, tous les pays présentent leurs défis et leurs particularités, résume Rashad Kaldany. « Il suffit d’être sélectif et d’agir avec discipline. » L’élément-clé : la stabilité politique.

VOLATILITÉ = OCCASION D’INVESTIR

Le spécialiste de la Caisse de dépôt parle de la volatilité qui secoue actuellement les marchés mondiaux, surtout ceux en croissance, comme autant d’invitations. « Nous sommes prudents, mais la dépréciation des devises et la chute des Bourses peuvent représenter des occasions d’investir à meilleur prix. »

Et à ses yeux, la gestion active par opposition à la gestion indicielle demeure encore la meilleure approche, compte tenu de l’efficacité et de la liquidité parfois restreintes de ces marchés. « Nous recourons aux services de gestionnaires locaux. Je dirais qu’entre 25 et 30 % de notre portefeuille est géré de manière active, et cette proportion va continuer de croître », dit Rashad Kaldany.

Serge Pépin acquiesce. « On peut s’y engager par la voie des fonds négociés en Bourse, mais ces marchés ne sont pas toujours efficaces. Comme au Canada, où trois des dix grands secteurs vont accaparer 75 % de l’indice, ces marchés sont parfois dominés par certains secteurs ou certains titres, et influencés par la saveur du jour. La gestion active, quoiqu’un peu plus coûteuse, demeure plus efficace. »


• Ce texte est paru dans l’édition de novembre 2015 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Gérard Bérubé