2014 sous le signe du changement — Deuxième partie

Par Gérard Bérubé | 13 janvier 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Jeu des multiples

Christine Décarie, gestionnaire au Groupe Investors, se montre également positive quant au potentiel boursier, d’autant que l’horizon plutôt sombre se dessinant pour les obligations va pousser les investisseurs vers les actions, par défaut. « Ça ne prend pas une forte hausse des taux d’intérêt pour influencer les rendements obligataires », souligne-t-elle. Il reste que 2013 a été une année d’expansion des multiples. Et que l’on verse présentement 15 fois les profits, ce qui est davantage qu’au début de 2013 et conforme au multiple moyen historique.

« N’empêche, dans un contexte de faible inflation, on pourrait voir des multiples de 17 ou 18 fois », poursuit-elle. Les investisseurs paieraient plus, pour plus de bénéfices. En 2013, les bénéfices des entreprises n’ont pas crû autant que la croissance des marchés. Nombre d’entre elles ont préféré s’asseoir sur leurs liquidités, réduire leur endettement ou valoriser l’avoir des actionnaires par des rachats d’actions ou un accroissement du dividende versé. En 2014, avec le retour à la croissance, elles seront plutôt incitées à investir dans leur capacité de production. « S’ajoute le jeu des fusions et acquisitions, qui pourrait créer une surprise en 2014 dans un environnement de coûts d’emprunt encore très bas, avant la hausse anticipée. » Christine Décarie invite également à être prudent à l’endroit des actions privilégiées, des fiducies immobilières, des obligations – prioriser les échéances plus courtes – et des entreprises offrant déjà un haut rendement, telles celles des services publics et des télécommunications. À favoriser : le secteur de l’énergie, appelé à se nourrir d’une croissance mondiale attendue autour de 3 %, les produits discrétionnaires et les banques canadiennes, avec leur ratio cours-bénéfice de 11 et leur rendement en dividende de 4 %. »

Une diversification internationale, made in USA

Quant à la diversification internationale, Christine Décarie se dit d’accord pour jeter son dévolu sur les États-Unis, tout en faisant attention aux petites et moyennes capitalisations, qui s’offrent à plus de 20 fois les profits là-bas. « En Europe, l’économie s’améliore, mais il reste encore beaucoup d’inconnues et de zones à risque. En Asie, il faudra être sélectif. Et ne pas oublier que si ce n’est pas le marché qui tombe, c’est la devise qui recule. »

Pour sa part, Roland Lescure se dit encore inquiet pour l’Europe, inquiet aussi d’une complaisance consensuelle qui semble s’y installer. Le chef des placements à la Caisse de dépôt voit trois grands défis européens. D’abord, tous ces États encore menacés d’insolvabilité, aux prises avec une dette publique insoutenable. Ensuite, l’inquiétude des marchés quant à la solidité ou à la santé des banques. Enfin, l’absence de croissance d’une économie européenne plombée par le manque de confiance. Que dire également de la force de l’euro qui, à 1,35-1,40 $ CAN, incite à la méfiance?…

« Je ne suis pas certain qu’il y ait amélioration en Europe, ajoute Carlos Leitao. Il existe là-bas un risque réel de déflation. Quant au chômage structurel imposant, l’inconnu autour de l’union bancaire, et l’important surplus au compte courant de l’Allemagne… » Pour les pays émergents, « c’est l’inverse. Ces marchés demeurent porteurs à long terme ». Certes, le jeu des anticipations entourant le changement de cap anticipé de la Réserve fédérale a fait ressortir la faiblesse structurelle de ces économies qui, comme le Brésil, l’Inde ou l’Indonésie, ont démontré qu’elles étaient à la fois devenues dépendantes de l’afflux de capitaux internationaux, et aux prises avec des infrastructures vieillissantes et des comptes courants négatifs. « Il ne faut pas pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain », insiste cependant Roland Lescure.

Les émergents ne sont plus les mêmes

Michel Doucet, qui pense que le dollar canadien devrait se fixer autour des 95 ¢ US, retient également que les marchés émergents conservent leur place malgré les rééquilibrages observés au sein du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et qu’ils devraient compter pour 10 % du portefeuille. Pour la diversification internationale, il verrait très bien une pondération 30 % Canada, 10 % émergents, 20 % Europe-Japon et 40 % États-Unis. Pour accéder aux émergents, le gestionnaire de VMD emprunte la voie des fonds d’investissement, des sociétés spécialisées ou des fonds négociés en Bourse (FNB). Dans un sens plus large, la diversification internationale peut venir également des grandes entreprises américaines largement étendues à l’international.

Carlos Leitao fixe aussi son choix sur les grands blue chips exposés à l’international, surtout américains.

Serge Pépin, spécialiste de produits pour BMO Gestion mondiale d’actifs, se dit également favorable à une diversification internationale impliquant les marchés émergents. « L’image de ces pays a changé. Avant, ils étaient synonymes de risques et d’instabilité politique. Aujourd’hui, on y retrouve de grandes entreprises d’envergure internationale, rompues aux façons de faire des marchés boursiers occidentaux. » Le spécialiste manifeste cependant un biais local, l’investissement intérieur (incluant les États-Unis) pouvant retenir près des trois quarts du portefeuille. Il rappelle cette intimité entre les économies canadienne et américaine, mais aussi la forte corrélation des marchés entre le Canada et les pays émergents, qui traduit une importante représentativité des secteurs pétroliers et des ressources naturelles au sein de ces économies respectives. « Si l’on s’en remet aux fonds indiciels ou aux fonds négociés en Bourse, il faudra également vérifier s’il y a une forte pondération en titres russes ou brésiliens. Le cas échéant, le portefeuille pourrait être surexposé aux ressources naturelles », met-il en garde.

On le voit, en 2014, les conseillers devront se montrer proactifs et sélectifs dans leurs arbitrages, résume Michel Doucet. Face à des investisseurs plus exigeants, ils seront invités à s’adonner à la gestion active et, du côté des revenus fixes, à jouer les écarts entre d’une part les obligations et les actions privilégiées, et d’autre part les obligations gouvernementales et municipales.

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Gérard Bérubé