5 choses à savoir sur les crises financières

Par Julie Perreault | 22 mars 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Daniil Peshkov / 123RF

Face à des marchés fluctuants, mieux comprendre les origines des crises ainsi que les moyens d’y faire face est un incontournable. Voici 5 éléments à retenir, tirés de l’ouvrage Crises financières et régulations bancaires, de Bruno Moschetto et Bruno-Laurent Moschetto.

1 – COMMENT LES SUBPRIMES ONT INITIÉ LA CRISE FINANCIÈRE DE 2008

En entrevue avec Conseiller, Bruno Moschetto rappelle d’abord que les subprimes sont issus des mécanismes de titrisation. La titrisation consiste à transférer de l’actif financier en transformant des créances (des prêts hypothécaires, par exemple) en titres financiers émis sur le marché des capitaux, et ce, en les faisant transiter par une société ad hoc, soit n’importe quelle société.

Or, à l’origine de la crise de 2008, beaucoup de gens aux moyens financiers restreints qui détenaient des prêts hypothécaires à risque se sont retrouvés dans l’impossibilité de les rembourser. Il s’agit de prêts hypothécaires avec habituellement des taux d’intérêt plus élevés. Quand les taux augmentent, cela peut devenir catastrophique pour le payeur. C’est ainsi que les banques, ayant réintégré ces titres dans leur actif, ont subi des pertes qui ne pouvaient être compensées que par la contraction de leurs fonds propres, explique l’auteur. Les petites banques américaines ne disposant pas de fonds propres suffisants ont donc été conduites à disparaître.

« Cette crise a contribué à assagir les banques commerciales, dont le métier traditionnel est de collecter des dépôts et d’octroyer des crédits », affirme M. Moschetto.

2 – L’ORIGINE DES CRISES

Le fait de ne pas séparer les activités bancaires et de marché mène aux crises financières, explique l’auteur. Les activités des marchés peuvent connaître une crise interne lorsqu’une bulle fait place à un krach de la valeur des titres en Bourse.

« L’émergence de la bulle peut résulter de deux phénomènes : d’abord, de la non-émission de titres nouveaux susceptibles de peser sur l’appréciation des titres anciens et ensuite, du mimétisme des marchés, c’est-à-dire « J’achète parce que les autres achètent » », indique l’auteur.

« Une crise interne aux activités bancaires peut résulter d’une propension trop laxiste à l’octroi de crédits, développe-t-il. En cas d’insolvabilité inhabituelle de la clientèle des emprunteurs (particuliers, entreprises ou gouvernements), les profits des banques sont utilisés pour la constitution de provisions. Une crise bancaire peut devenir systémique du fait que les banques sont connectées entre elles par le biais du marché monétaire. »

Étant donné que les institutions financières déposent ou empruntent par l’entremise de ce marché, le risque qu’une crise financière se répande si plusieurs banques sont en mauvaise posture est grand.

3 – L’EUROPE DEMEURE VULNÉRABLE 

Les banques et les marchés sont vulnérables, selon l’auteur, car toujours en attente d’une régulation que les investisseurs comme les citoyens et les acteurs du milieu bancaire atermoient, craignant la concurrence des autres banques. En octobre 2012, à la suite de la crise de 2008, le rapport Liikanen proposait une série de recommandations, notamment la séparation des activités bancaires et celles des marchés, comme préconisée par Volcker et Vickers pour empêcher la création de crises de cette ampleur. Pour l’heure, certains pays de l’Union européenne se sont inspirés de ce rapport pour créer des lois afin d’encadrer davantage le milieu bancaire. Toutefois, l’adoption d’une directive européenne se fait toujours attendre.

Le Fonds monétaire international (FMI) souligne l’éventuelle imminence d’un risque systémique qui pourrait avoir pour origine la faillite d’une grande banque européenne. Par exemple, la situation de la Deutsche Bank est souvent évoquée. « Certains pensent même qu’elle devrait être nationalisée afin de prévenir tout risque systémique », cite en exemple M. Moschetto.

4 – LES RÉPONSES ANGLO-SAXONNES ONT ÉTÉ TROP TIMIDES

Cela dit, ces lois ont au moins le mérite d’exister, affirme M. Moschetto. « En Europe continentale, c’est l’inexistence quasi absolue et les réticences généralisées, notamment de la part des lobbys allemands et français », indique le maître de conférences. En effet, après avoir arrêté l’hémorragie de 2007, soit la chute des valeurs, les États-Unis et le Royaume-Uni ont notamment prôné la séparation des activités de marché et des activités bancaires.

Les États-Unis ont ainsi implanté la règle Volcker, en juillet 2010, ayant pour but de restreindre les investissements spéculatifs des banques « qui reçoivent des dépôts bénéficiant d’un mécanisme de garantie du Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) ». Dans cette même lignée, le Royaume-Uni préconisait, en se basant sur le rapport Vickers, de protéger notamment les dépôts des clientèles traditionnelles et de leur « garantir l’accès à leurs demandes de crédit ».

5 – ÉVITER DE REPRODUIRE LES MÊMES ERREURS  

Sans contredit, pour ne pas répéter les erreurs du passé, la solution résiderait dans des législations qui permettraient une réelle séparation des activités bancaires et de marché au sein des institutions financières, selon Bruno Moschetto. Il préconise notamment une dissociation entre les banques traditionnelles et les banques d’investissement ainsi que le démembrement des établissements financiers too big to fail (c’est-à-dire diviser les très grosses banques en plus petites pour échapper au risque systémique). Pour l’heure, il ne reste qu’à attendre la prochaine crise financière, dit-il. « Pour ensuite, peut-être, trouver le chemin de la sagesse, c’est-à-dire la séparation véritable des activités où chacun jouerait dans une cour différente et sans risque important pour ses partenaires respectifs. »

livre_crises_financieres_regulations_bancaires_180x275 Crises financières et régulations bancaires Bruno Moschetto Bruno-Laurent Moschetto Presses universitaires de France 2017 128 pages

Julie Perreault