7 enjeux de la révolution technologique

Par Nathalie Côté | 27 mars 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La société vit une grande révolution technologique et le monde bancaire n’y échappe pas. À l’invitation du Cercle finance du Québec, lundi, Louis Vachon, président-directeur général de la Banque Nationale, a abordé les différents enjeux qui en découlent.

1- MODES DE PAIEMENT

Éliminés en Belgique depuis quelques années, les chèques disparaîtront aussi au Canada d’ici cinq à dix ans, prédit M. Vachon. « Actuellement, on tente de rendre le paiement Interac plus facile et possible pour des montants plus importants, note-t-il. Certaines informations ne se trouvent pas sur le paiement Interac et elles doivent l’être pour remplacer les chèques. Il y a des discussions à ce sujet en ce moment avec l’Association canadienne des paiements et à l’intérieur de l’industrie. »

Par contre, il juge que l’argent et les guichets automatiques ne sont pas près de disparaître. Même si les paiements par carte, par Interac et par téléphone sont en augmentation! « Le pourcentage d’argent en circulation par rapport au PIB est encore en hausse au Canada, explique-t-il. Le seul pays nordique où cette statistique est en baisse est la Suède. C’est le pays le plus avancé en matière de numérisation du système bancaire. »

2- CRYPTOMONNAIES

De plus, même si les cryptomonnaies suscitent de l’intérêt, il est convaincu qu’elles sont là pour rester, mais qu’elles ne remplaceront pas les monnaies gouvernementales. « Ça va rester un marché très ciblé », juge M. Vachon.

3- BLOCKCHAIN

Il juge plus intéressante la technologie blockchain, ce registre comptable décentralisé qui a donné naissance au bitcoin. « Je ne pense pas que cela va tout révolutionner dans quelques années, mais c’est une technologie qui peut être très utile dans certaines situations, croit M. Vachon. Nous travaillons actuellement à l’intérieur de deux consortiums avec d’autres membres de l’industrie pour voir comment on utilise cette technologie. »

Pour l’instant, ils se penchent sur un registre comptable qui va cibler certains membres de l’industrie, mais avec un accès contrôlé et non ouvert à tous. Il se dit aussi sceptique quant au caractère 100 % sécuritaire de cette technologie.

4- INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

L’intelligence artificielle a déjà commencé à se tailler une place dans le monde financier. M. Vachon cite, à titre d’exemple, les algorithmes utilisés dans la négociation des fonds négociés en Bourse. « À la banque, on veut que chaque [branche] ait ses spécialistes en intelligence artificielle, souligne-t-il. Nous sommes dans le recrutement actuellement. Ensuite, je veux demander à chaque secteur de la banque comment il va utiliser cette technologie. »

5- FINTECHS

La Banque Nationale a déjà investi dans six fintechs. D’ailleurs, M. Vachon voit un repositionnement dans ce secteur. Les fintechs ne se voient plus comme des entreprises qui vont remplacer les banques dinosaures, mais bien comme des alliées de celles-ci, selon lui.

Pour l’instant, la plus grosse barrière à la collaboration avec les fintechs est la cybersécurité. « On ne veut pas que le lien développé avec elles devienne le maillon faible de notre chaîne de protection, insiste-t-il. Lorsque nous voulons signer une entente avec une nouvelle compagnie, nous demandons à notre équipe de hackers de voir jusqu’à quel point ces services-là sont sécuritaires. »

6- CYBERSÉCURITÉ

Cela étant dit, la cybersécurité est aussi une préoccupation à l’intérieur même des banques et elle devrait l’être dans toutes les entreprises, selon lui. Toutes devraient prendre des mesures « d’hygiène de base », comme de faire des mises à jour rapidement et former leurs employés, pour éviter d’être accusées de négligence.

Par ailleurs, il se réjouit que le gouvernement fédéral ait annoncé, dans son dernier budget, la création d’un centre de collaboration en cybersécurité contrôlé par le Centre de la sécurité et des télécommunications. « C’est une grande étape qui est franchie, estime-t-il. Un des enjeux auxquels nous faisions face, c’est que nous ignorions vers qui nous tourner en cas d’attaque de hackers soutenue par un État souverain. Aujourd’hui, nous avons la réponse. Je veux être bien clair. En tant que président de la banque, je suis responsable de la cybersécurité et de la protection des données de nos clients et de la banque. Mais si les attaquants viennent d’un gouvernement, cela devient un enjeu de sécurité nationale et j’anticipe que le gouvernement devrait venir nous aider. »

7- OPEN BANKING

L’open banking, ces plateformes bancaires qui permettent aux utilisateurs de partager leurs informations pour différents services financiers, constitue aussi un enjeu à surveiller. « C’est un enjeu social beaucoup plus qu’économique, avance M. Vachon. Jusqu’à quel point sommes-nous prêts à partager notre information, qui en bénéficie et qui devrait y avoir accès? Je pense qu’on s’en va dans un environnement où le consommateur, à l’intérieur d’un certain consentement et de règles de protection, va vouloir partager ses informations avec certains fournisseurs. »

Néanmoins, il prévoit que ce processus sera « long et pénible » à mettre en place. Le scandale qui touche Facebook actuellement, par exemple, a fait reculer le concept du partage de données en rendant les consommateurs plus frileux. « Je pense que le débat va avoir lieu non pas avec les banques, mais avec les géants numériques comme Facebook et Google, croit-il. Ils vont sûrement se retrouver sur la sellette politique et réglementaire dans les prochaines années. On va voir ensuite comment cet enjeu-là va évoluer. »

SOUTENIR LA TRANSFORMATION

Pour faire face à tous ces enjeux, la Banque Nationale a notamment mis en place un bureau de transformation permanent. « La personne responsable de ce bureau fait partie du comité directeur de la banque, précise M. Vachon. À ma connaissance, nous sommes la seule grande institution financière canadienne où c’est le cas. »

Évidemment, il faut aussi de l’argent pour soutenir les changements. Depuis environ quatre ans, la Banque Nationale investit 750 millions de dollars en technologie par année. « C’est 400 millions de dollars dans la maintenance et 350 millions de dollars dans de nouveaux projets, précise M. Vachon. On va maintenir ce rythme-là dans les prochaines années. »

Une chose est certaine : le monde bancaire aura beaucoup évolué dans quelques années!

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Nathalie Côté