Abolition des commissions : le service client affecté

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 2 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture

La grande majorité des conseillers (85 %) croient qu’ils ne pourront pas offrir le même service à leurs clients s’ils adoptent une rémunération à honoraires et que ce sont les petits épargnants qui en pâtiront.

C’est ce que révèle un sondage mené par le Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) auprès de 1 422 conseillers, dévoilé hier en marge de sa Journée de la santé financière.

De plus, 75 % des conseillers estiment que le passage aux honoraires fera diminuer la valeur de leur clientèle. Quelque 83 % d’entre eux pensent que leurs revenus en seront affectés, dont 65 % de manière importante. Et qu’ils ne pourront donc pas offrir la même qualité de service à leurs clients.

  • 95 % des conseillers touchent des commissions intégrées (65 % exclusivement);
  • 85 % d’entre eux considèrent qu’elles sont très importantes dans leur modèle d’affaires;
  • 72 % estiment qu’elles n’influencent pas leurs recommandations;
  • 55 % pensent que les honoraires seront difficilement acceptés par leurs clients, voire qu’ils refuseront de rémunérer ainsi leur conseiller;
  • 61 % croient qu’une forte proportion d’investisseurs potentiels se détourneront des conseillers;
  • 42 % évaluent à 250 000 dollars la limite minimum des actifs qu’un client devrait détenir pour passer de la formule de commissions intégrées à la formule à honoraires. Quelque 24 % évaluent cette limite à 500 000 dollars.

Près de trois conseillers sur quatre croient par ailleurs que la rémunération par honoraires aura pour conséquences d’augmenter leur charge administrative et près de 9 sur 10, que la gestion des TPS/TVQ va accroître leurs frais d’administration.

« Plusieurs conseillers vont se désengager ou se concentrer sur les plus gros compte-clients. Ça va juste avantager les clients fortunés, peut-on lire dans les commentaires formulés par les participants au sondage. Par la bande, les petits épargnants n’auront pas les moyens de s’offrir des conseils d’un professionnel. Ils seront dirigés dans les institutions financières. Je crois que ça va aussi diminuer la relève dans l’industrie. Il sera plus difficile pour un nouveau conseiller de réussir sa carrière. »

Un autre répondant parle de grave erreur et regrette qu’encore une fois, seul le conseiller soit touché par les modifications apportées par la réglementation.

Quelque 72 % des répondants croient d’ailleurs que l’obligation de divulgation des modes de rémunération aux clients, exigée récemment par le nouveau modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), est une mesure suffisante pour répondre aux exigences de transparence. La majorité (81 %) estime du reste que l’abolition des commissions intégrées n’éliminera pas le risque de conflits d’intérêts. Or, il s’agit là du principal argument des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) pour aller de l’avant avec cette mesure.

DES SOLUTIONS DE RECHANGE?

Rappelons que les ACVM ont publié l’automne dernier le document de consultation 81-408 sur l’option d’abandonner les commissions intégrées.

À l’occasion du colloque sur la conformité organisé par le Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ) en avril dernier, Hugo Lacroix, directeur principal des fonds d’investissement à l’AMF, avait indiqué que l’organisme de régulation s’attelait actuellement à mesurer les risques de l’abolition des commissions intégrées et les alternatives à un bannissement complet.

« Nous ne remettons pas en cause la valeur du conseil, avait-il déclaré. Seulement, nous croyons que le système des commissions intégrées n’est pas parfait, qu’il comporte des effets pervers et que nous pouvons faire mieux. »

Les joueurs de l’industrie ont jusqu’au 9 juin pour déposer un mémoire et la décision définitive des ACVM sera connue à l’hiver.

De son côté, le CDPSF a justement créé cette année un comité consultatif sur 81-408, notamment pour trouver des solutions de rechange à l’abolition.

« Le Conseil, par l’entremise de son comité consultatif, s’est penché sur ces questions, indique son PDG Mario Grégoire à Conseiller. Les commentaires, suggestions et recommandations feront partie du mémoire qui sera déposé le 9 juin prochain. »

Les résultats du sondage devraient eux aussi alimenter le mémoire, puisque 92 % des conseillers considèrent comme important que le Conseil fasse connaître leur opinion à l’Autorité des marchés financiers sur ce sujet.

La rédaction vous recommande :

Hélène Roulot-Ganzmann