Affaire KPMG : des Québécois impliqués

Par La rédaction | 6 mars 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Plusieurs Québécois bien connus figurent parmi les utilisateurs du stratagème d’évitement fiscal de KPMG à l’Île de Man, scandale qui défraie les manchettes depuis plusieurs mois, rapporte Radio-Canada.

Selon la chaîne d’information, le registre des entreprises de l’Île de Man offre des indices permettant d’identifier plusieurs Canadiens liés au stratagème de KPMG, dont la famille Chagnon. Anciens propriétaires de Vidéotron, ceux-ci ont fondé en 2000 la Fondation Lucie et André Chagnon. Ils auraient payé pour créer une société-écran à l’Île-de-Man, sans toutefois jamais l’utiliser.

D’UNE SOCIÉTÉ-ÉCRAN À UNE FONDATION

La famille Chagnon aurait créé, le 3 février 2000, la société Sojecci à l’Île de Man, ainsi que Sojecci Holding et Sojecci Investment à la Barbade. À peine quatre jours plus tard, coup d’éclat : la famille Chagnon annonce la vente de Vidéotron à l’Ontarien Ted Rogers pour 5,6 milliards de dollars. Payée avec des actions, la transaction permettait à la famille Chagnon de reporter le paiement des impôts sur le gain en capital. Selon Marwah Rizqy, professeur de fiscalité à l’Université de Sherbrooke interviewé par Radio-Canada, il est fort probable que les structures mises en place dans les paradis fiscaux aient visé à esquiver les impôts liés à la vente.

La Caisse de dépôt et placement du Québec vient toutefois gâcher la fête en bloquant la vente de Vidéotron à Rogers. Éventuellement, la société est cédée à Québecor pour une somme supérieure à l’offre de Rogers, mais payée en argent comptant, ce qui signifie que la famille Chagnon doit défrayer des impôts sur les gains en capital. Dans la foulée, la famille Chagnon crée la Fondation Lucie et André Chagnon, dans laquelle est canalisée une partie des revenus de la vente. Cette fondation a par la suite eu un impact majeur, et grandement controversé, sur certaines politiques sociales du gouvernement québécois visant les enfants et l’éducation. On a notamment reproché à l’organisation une administration trop lourde des programmes financés. Quant à la structure de l’Île de Man, elle n’aurait finalement jamais été utilisée et a été dissoute le 27 avril 2000.

Parmi les autres Canadiens cités dans l’émission Enquête, on retrouve Richard Garneau, patron de la papetière québécoise Résolu, David Robinson, neveu de Ted Rogers, le magnat de l’immobilier et du plastique torontois Vic de Zen, la famille Burt, qui dirige l’usine de bonbons Nutty Club Factory, et Omer Lortie, entrepreneur immobilier.

NOMBREUX REBONDISSEMENTS

Cette affaire n’en finit plus de faire jaser. Rappelons que KPMG a, pendant une certaine période, créé des sociétés-écrans à l’Île de Man pour que ses clients puissent éviter de payer une partie de leurs impôts. Le stratagème a été abandonné en 2003, puis découvert par l’Agence du revenu du Canada (ARC) en 2012. Une entente a été conclue entre l’ARC et KPMG en 2015 pour recouvrer les sommes dues par les clients de KPMG.

Jugée très clémente et décriée par de nombreux fiscalistes et organismes, cette offre permet aux clients de s’identifier volontairement auprès de l’ARC, après quoi ils n’ont qu’à payer les impôts, assortis d’un taux d’intérêt réduit et sans aucune pénalité ni poursuite devant les tribunaux. Un traitement de faveur injuste envers les citoyens moins fortunés, lesquels subissent les foudres de l’ARC sans espoir de les atténuer, soutenait récemment Alain Denault, professeur à l’Université de Montréal et auteur d’un livre sur les paradis fiscaux.

KPMG s’est toujours défendue d’avoir commis des actes illégaux, arguant que tout était conforme aux lois de l’époque. Mais plusieurs fiscalistes, dont la professeure Marwah Rizqy, soutiennent qu’il s’agit bel et bien d’évasion fiscale, et non d’une stratégie fiscale légale.

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