Apprivoiser les options : un avantage pour le conseiller

Par Gérard Bérubé | 8 mars 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
10 minutes de lecture

Les options n’ont toujours pas la cote chez les conseillers. Leur volume de transactions est pourtant en forte hausse – de quelque 50 % cette année à la Bourse de Montréal. Mais ces instruments financiers retiennent essentiellement l’attention des investisseurs aguerris et d’un petit nombre de conseillers, spécialisés pour la plupart. Il serait pourtant avantageux de les apprivoiser, davantage encore en cette période de faibles rendements et de volatilité des cours.

Gladys Karam, directrice, Marché des dérivés sur action de la Bourse de Montréal, parle d’un marché des options très actif au Canada. Alors que les contrats à terme attirent essentiellement les investisseurs institutionnels, 60 % du volume sur les options est généré par les investisseurs dits de détail. « Monsieur et madame Tout-le-Monde s’y activent, essentiellement par l’intermédiaire d’un compte de courtage à escompte. Mais l’on parle, ici, d’investisseurs aguerris. Pour sa part, le conseiller est confronté à plus d’obstacles. »

Le directeur du marketing de la Bourse spécialisée, Laurent Terrasse, estime que de plus en plus d’investisseurs aiguisent leurs habiletés. « Ils recherchent des rendements supérieurs, une valeur ajoutée. Les options peuvent contribuer à accroître le rendement et à protéger le capital ou le gain sur papier. »

Pour le conseiller, ce marché des produits dérivés demeure toutefois difficile à pénétrer. Les règles de conformité, l’orientation et la structure de la firme, les comptes à commission fixe et l’obligation de détenir un permis spécifique pour négocier les options sont autant de barrières à l’entrée. « La règle consistant à bien connaître son client peut expliquer pourquoi les options sont sous-utilisées par les conseillers. En clair, si son client ne comprend pas l’option ou la stratégie proposée, le conseiller ne l’utilise pas », ajoute Charles K. Langford, président de la firme portant son nom. Le gestionnaire spécialisé, qui enseigne à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, retient que les cabinets et les firmes de courtage ne sont pas toujours friands d’options et d’autres titres hybrides.

« Il y a eu abus d’utilisation dans le passé, la plupart des gens perdant alors leur argent. On a assisté à des drames, à des petits désastres depuis les années 1980. L’histoire récente comporte son lot de mauvaises expériences impliquant des conseillers ne disposant pas nécessairement de la compétence et de la compréhension requises et qui développaient des stratégies sans protection. Sans compter que les produits dérivés ont mauvaise presse ces temps-ci, même auprès des investisseurs, qui préfèrent les fonds d’investissement, plus faciles à comprendre. »

Charles Langford revient à la règle de conformité. Il soutient que « 10 % des investisseurs aiment la finance, 10 % font semblant d’aimer la finance et 80 % haïssent la finance ». On peut, ainsi, mieux comprendre la réticence des conseillers et celle des firmes, d’autant qu’il n’est pas certain qu’elles peuvent faire de l’argent avec les options. « Il existe une autre règle, celle voulant que, pour chaque dollar de commission, il doit y avoir 3 $ de profit pour le client. » Le spécialiste illustre que l’univers des options renferme quelque 70 stratégies impliquant chacune trois variables, ce qui élargit d’autant la gamme des scénarios possibles et introduit la notion de temps. Pas étonnant de voir que les options vont généralement faire appel à la gestion discrétionnaire ou se retrouver au sein de fonds alternatifs et de portefeuilles gérés par des spécialistes.

Toutefois, l’éventail de possibilités se restreint si les stratégies faisant appel aux options se font à l’intérieur d’un REER, d’un CELI, d’un FERR ou d’un REEE. Les contrats à terme ne sont pas des placements admissibles. Pour les options, seules les options d’achat et de ventes couvertes sur actions, sur devises et sur indices constituent des placements admissibles. Comme exemples de stratégies d’options permises dans un REER, la Bourse de Montréal mentionne l’achat d’options d’achat au lieu d’actions, l’achat d’options d’achat en vue de protéger des achats ultérieurs, la vente d’options d’achat couvertes, l’achat d’options de vente au lieu de la vente à découvert d’actions, et l’achat d’options de vente comme police d’assurance.

Dans un sens plus large, Gladys Karam mentionne que les stratégies les plus populaires prennent la forme de la vente d’une option d’achat couverte, qui génère un revenu. L’investisseur reçoit ainsi une prime pour éventuellement vendre les titres sous-jacents à un prix déterminé. Pour sa part, l’achat d’une option de vente pourrait être retenu à des fins de couverture ou de protection. Ou l’achat d’une option d’achat pourrait être privilégié afin de prendre position sur le marché à une fraction du prix, dégageant ainsi un effet de levier. À des fins fiscales, le recours aux options permettra, par exemple, de bloquer un gain en capital et de le reporter à une autre année. « Sauf exception, le conseiller fera comme un investisseur particulier, à savoir qu’il limitera son approche aux options d’achat couvertes et aux options de vente à des fins de protection. Il ne fait généralement rien d’exotique », a-t-elle ajouté.

Donc, pas de place à une utilisation spéculative des options au sein des REER et des CELI. « Ce n’est pas l’instrument qui est spéculatif, mais bien la façon de l’utiliser », réplique toutefois Gladys Karam. On en revient au fondement de la stratégie, soit l’ajout d’un revenu et la protection du portefeuille, qui se doit d’être bien expliqué au client. Tout cela, encore une fois, rappelle l’importance de bien suivre les règles de conformité sans toutefois négliger l’essentielle facette de l’éducation. Sur ce dernier point, et même si l’Institut des produits dérivés n’est plus au sein de l’institution boursière, la Bourse de Montréal maintient sa mission éducative. À la formation fournie par CSI Global Education, qui a pris le relais de l’Institut canadien des valeurs mobilières, s’ajoutent des journées entières de formation et des séances, à la demande, au sein des firmes. « Nous offrons également une plateforme d’éducation avec le site m-x.tv », renchérit M. Terrasse.

La Bourse de Montréal veut élargir son intervention éducative pour développer le volet détail des contrats à terme, qui demeure pour l’heure un marché d’investisseurs institutionnels. « Nous faisons face à une forte demande en ce sens, notamment pour les contrats sur denrées et matières premières, venant entre autres des agriculteurs. »

Mais il faudra, ici, répondre aux dénonciations de leaders politiques et d’organisations civiles accusant la spéculation de provoquer une envolée des prix alimentaires. Ce qu’a tenté Joëlle Miffre. La professeure au EDHEC-Risk Institute a étudié récemment l’apport des contrats à terme et leur influence sur la volatilité des prix observée sur le marché des denrées. Elle a comparé l’approche acheteur-vendeur (long/short) sur les contrats à terme généralement utilisée par les gestionnaires de fonds alternatifs à une approche plus passive, inspirée d’un investissement direct, généralement sous forme indicielle. La spécialiste membre de cette équipe européenne de recherche en gestion d’actifs s’est également penchée sur les critiques voulant que la financiarisation du marché des denrées a eu un effet déstabilisant sur le prix de ces biens de première nécessité. Joëlle Miffre arrive à la conclusion que les tests appliqués ne permettent pas d’établir une telle corrélation ou une telle évidence sur la période 1992-2011.

L’étude de la spécialiste confirme également la contribution des denrées à la diversification des portefeuilles. Au demeurant, le recours accru à l’approche acheteur-vendeur dans les portefeuilles est venu améliorer la relation risque-rendement en comparaison d’un investissement direct dans le sous-jacent. L’étude retient que l’approche long/short a démontré son avantage dans la diversification du risque-action, alors que la seconde a démontré plus d’efficacité dans la diversification du risque-titres à revenu fixe. En revanche, le bénéfice tiré de l’investissement direct tend à diminuer dans le temps ou en période de stress financier, alors que l’approche acheteur-vendeur apporte une protection partielle contre les risques extrêmes sur le marché des actions, tout en offrant une meilleure résistance en cas de turbulences sur le marché des titres à revenu fixe.

Des conclusions qui ne surprennent cependant pas Charles Langford. « Le fermier a régulièrement recours à de tels arbitrages afin de geler le prix de sa récolte. Les banques aussi offrent des produits dérivés. Elles proposent ce type d’arbitrage, notamment sur le marché de l’or et des métaux », donne-t-il en exemple. On peut diminuer la volatilité en faisant appel au long/short, en jouant un contrat contre un autre, ajoute-t-il.

« À sa base, le marché à terme est un marché d’assurance-prix. Et son efficacité repose notamment sur la présence de spéculateurs, qui vont jouer le rôle de contrepartie à ceux qui veulent se protéger. Le spéculateur prend un risque. »

Quant à ce lien fait entre la perturbation des prix de base et la financiarisation accrue du marché des denrées, Charles Langford soutient que l’effet déstabilisant vient surtout de la faiblesse des taux d’intérêt. « Ces bas taux stimulent la recherche de rendement ou d’opportunités. Ils provoquent un engouement pour les matières et les denrées de première nécessité, dont le cours est appelé à croître dans le temps quelque soit la conjoncture économique. La spéculation n’y échappe pas. »

Charles Langford.

Trois stratégies de base, sans risque Charles K. Langford propose trois stratégies de base faisant appel aux options. Trois stratégies pouvant s’appliquer à tous, sans ajouter du risque au portefeuille.

1. Vente couverte d’option d’achat « Il n’y a pas de risque. On vend une option d’achat, on empoche la prime. Dans le pire des cas, s’il y a exercice de l’option, on vend le sous-jacent. » Le spécialiste estime que cette stratégie apporte également un élément de protection contre un recul temporaire. Et, avec les options échéant tous les mois, la flexibilité est réelle. En retenant une option dans le cours (in the money), il en résulte toujours un gain même si l’option est exercée à l’échéance, en sus de la prime. « On peut appliquer la même approche avec des obligations rachetables », a renchéri Charles Langford.

2. Achat d’une option de vente « Si l’on détient le sous-jacent et que l’on pense que le marché va tomber. »

3. Achat d’une option de vente et vente d’une option d’achat Charles Langford qualifie cette stratégie de « superbe ». L’investisseur se protège contre une baisse. La prime reçue lors de la vente de l’option d’achat finance l’achat de l’option de vente (put).

Cet article est tiré de l’édition de décembre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.

Gérard Bérubé